Les supporters de l’ASTT auront vécu une saison forte en émotion. Le départ de l’emblématique Denis Chatelain, remplacé par Vincent Buignet, un début catastrophique de sept défaites consécutives qui envoyait les Poulpes dans les bas-fonds du classement, puis le réveil avec un succès à Saint-Denis, qui relançait complètement la saison. Le nouveau président est revenu avec nous sur cet exercice 24/25.
Un mercato ambitieux, avec l’arrivée de Nicolas Burgos et de Benjamin Fruchart, des rêves de play-offs, un nouveau président et une salle Labaume qui ne demandait qu’à s’enflammer. Tous les éléments étaient réunis pour que les supporters vivent une saison de toute beauté. Malheureusement, les envies étaient bien loin de la réalité. Le début de saison était historiquement mauvais : sept défaites en sept matchs, un capitaine Nicolas Burgos qui ne répondait pas aux attentes, un Santiago Lorenzo encore sous le blues des JO et deux jeunes joueurs certes prometteurs, mais qui ne pouvaient porter le club sur leurs épaules. Dans ce contexte bien morose, Vincent Buignet qui se savait attendu au tournant n’aura pas eu de premiers mois tranquilles : « Je vous avoue que je savais que j’étais attendu sur le fait que je passe derrière Denis Chatelain, qui est un personnage qui a dirigé le club pendant 11 ans donc forcément, je savais forcément qu’on allait regarder, savoir comment le club allait vivre et comment le club allait fonctionner après son départ. Maintenant, moi j’ai pris ça sans pression parce que j’agis toujours de cette manière là et puis après on a mis les choses en place. »
Une Pro B relevée et un maintien obtenu aux play-downs
Avant le coup d’envoi de l’exercice 2024/2025, Arnaud Sellier annonçait : « On aimerait bien jouer le Top 6. » Malheureusement, à Tours, puis à domicile contre Nice, sur les terres lilloises, caennaises, face au kop Labaume pour la réception du Havre, en déplacement à Fréjus et la correction à domicile contre Villeneuve-sur-Lot, le constat était inquiétant. Sept défaites, où si les joueurs d’Arnaud Sellier ne semblaient pas loin, il manquait toujours ce petit quelque chose. Malgré le positivisme de l’entraîneur, on commençait à se poser des questions sur l’avenir du club qui semblait destiné à la descente. Et là, contre toute attente, face à un des favoris à la montée, Saint-Denis, les Poulpes surprenaient tout le monde. Une victoire 2-3 sur les terres franciliennes. La première victoire sous la direction de Vincent Buignet qui se souvient du soulagement ressenti : « C’était un moment fort de la saison pour moi, parce que déjà d’une, j’ai enlevé cette pression de ne pas avoir de victoire. J’avais très peur d’être bredouille. C’était un gros moment de soulagement. Au-delà de moi, j’ai surtout pensé aussi à l’équipe, ils en avaient besoin en fait. […] Ce qui m’a fait énormément plaisir, c’est pour le coach Arnaud, c’est pour les joueurs, parce que ça peut enclencher une dynamique. Et puis c’est un soulagement, parce que ça veut dire qu’on n’est pas nuls, on n’était pas inexistants. C’est juste qu’il y a eu tellement de péripéties qu’il a fallu rester droit, il a fallu les encaisser.«
Maintenant, on a vécu des grandes émotions dans le club et on vibre aussi pour ça
Vincent Buignet
En effet, après avoir encaissé tant de moments délicats, bien que cela forge le caractère, le cadre était compliqué. En proie au doute, il est bien difficile de conserver la ligne directrice et de maintenir les objectifs, notamment face au comité. Pourtant, une fois que les signaux sont passés au vert, tout s’est enchaîné. Une victoire à domicile contre Fouras, puis à Miramas, un duel contre le bulldozer Bruille, toujours invaincu, qui a fait vibrer le public, mais qui s’est soldé par une défaite 2-3 et enfin une série de quatre victoires en play-downs pour valider le maintien. Une fin de saison tonitruante pour les Samariens, où leur antre ne cessait de voir le public arriver de plus en plus nombreux. « Je rappelle qu’on était, avant, entre 100 et 150 personnes dans la salle. Cette année, on a dépassé presque à chaque fois les 350-400 personnes, voire presque 500 sur le dernier match. Il y a un vrai engouement qui se fait, et au fur et à mesure, on a senti que les partenaires étaient de plus en plus présents, que le public était de plus en plus présent, que les licenciés étaient de plus en plus présents, et que même la ville d’Amiens commence à nous connaître dans ce qu’on fait. C’est plutôt ultra positif. »

Le président avoue que le bilan sportif de l’équipe professionnelle est positif de par le maintien, mais il reste mitigé de par les moyens déployés : « Maintenant, on a vécu des grandes émotions dans le club et on vibre aussi pour ça. C’est vrai que c’est un mélange d’un peu de frustration parce que j’aurais voulu qu’on fasse mieux et puis un mélange de satisfaction parce qu’on est maintenus et qu’on a vécu encore de grandes émotions et mine de rien d’aller chercher un maintien comme ça s’est passé, comme le déroulé de la saison s’est passé parce qu’il faut tirer un bilan qu’on a fait sept défaites consécutives, ça n’a jamais été vécu. »
Un développement sur toutes les échelles
Outre l’équipe fanion qui sert de vitrine, le club en lui-même a connu une année hors normes. Car dans le marasme du début de saison en Pro B, le reste du club vivait très bien : « On a fait une année extraordinaire au niveau du club, historiquement on a fait des choses incroyables. Et comme je suis quelqu’un de terre à terre, moi j’aime bien voir les choses factuelles qui sortent, qu’on peut avoir en main. On a passé la barre des 400 licenciés comme je l’avais annoncé, on a structuré les jeunes comme je l’ai annoncé, alors quand je dis que je l’ai annoncé, c’est avec le comité, mais c’est vrai que quand j’ai pris la présidence, je leur ai dit qu’il y avait des partenaires qui allaient arriver, ils sont arrivés. Je leur ai dit qu’on allait faire grandir les jeunes, dans la structuration, on l’a fait. Quand on avait passé la barre des 400, c’était utopique, tout le monde a dit qu’on n’allait pas y arriver, on a réussi. Il faut savoir que niveau national, c’est entre 10 et 15% d’augmentation dans tous les clubs de France de tennis de table, nous on a fait plus 37%. »

De fait, si on enlève le maintien en Pro B, Vincent Buignet est aux anges de voir le nombre de jeunes pousses dans le club, qui dans son histoire, n’a jamais été aussi haut. Avec plus de 80 pongistes dans les différents championnats, plus de 23 équipes en lice, le travail énorme réalisé par Christophe, Guillaume et Antoine, doit être souligné : « Tous les week-ends, ils ont trouvé des ressources pour convoquer les joueurs, pour les préparer au mieux, etc. […] Ça, c’est déjà une franche réussite parce que ce n’est pas le président ou le coach de la Pro B qui le fait, c’est vraiment les salariés du club et les bénévoles qui se sont investis dessus. C’est un vrai job. Et ça, c’est mon top 1. » En plus de la hausse importante des licenciés, la visibilité du club n’a fait qu’augmenter, notamment sur la métropole : « Et ça, c’est ma fierté parce que du coup, je veux vraiment que les gens voient que le tennis de table, il y a des valeurs qui sont fortes et surtout à Amiens, on a un public, on a des spectateurs. Les gens sont pro-club et ça, c’est hyper important. » Enfin, pour terminer, parlons de l’encadrement des jeunes espoirs du ping. « Et puis, le développement des jeunes. Cette année, on est le premier club également. On a pris une préparation mentale pour les jeunes. C’est pareil, c’était un nouveau projet qui me tenait à cœur et c’est une vraie réussite. Ça devrait continuer l’année prochaine. »

Par contre, si le nombre de projets est important, tout comme le nombre de réussites, il est hors de question de se précipiter et de faire un feu de paille. Pour l’ancien speaker, il est très important « que tout le monde se rende compte que ce n’est pas en claquant des doigts qu’on y arrive. Ce sont des projets à long terme. Tout le monde veut aller plus vite, tout le monde veut faire progresser les enfants ultra vite. Mais ce qui est important avant tout, c’est que ce soit le club qui progresse pour emmener les gens. […] Donc, on ne progresse pas tout d’un coup. Le club, ça fait des années qu’il travaille. Denis Chatelain avait amorcé un travail exceptionnel avec Arnaud. Moi, je suis dans la continuité. On y va pas à pas, pierre après pierre, on ne fera pas n’importe quoi. Il faut rester humble. »
Une nouvelle saison avec des ambitions de Pro A
Pour préparer au mieux le prochain exercice, l’ASTT a prolongé son trio Dorcescu, Fruchart, Lorenzo et a rajouté le revenant Horacio Cifuentes. Une signature importante pour le club qui se munit ainsi d’un profil idéal pour mener la jeunesse amiénoise, et à laquelle « personne ne croyait ». Cependant, conformément aux nouvelles directives, un cinquième membre doit encore être trouvé. Pour l’instant, quelques noms sont envisagés, mais la situation n’est pas encore pressante. En concertation avec Arnaud Sellier, qui sera décisionnaire du prochain ajout, Vincent Buignet souhaite surtout que le cinquième joueur soit en adéquation avec les valeurs du club. « Encore une fois, tout le travail qu’on a fait depuis le départ sur le fait de structurer le club, de le hisser, de le pérenniser, on arrive à un résultat aujourd’hui qui nous permet de continuer à grandir et de faire en sorte que cette équipe de Pro B monte en puissance. Aujourd’hui, on ne s’interdit rien sur le futur cinquième. On prendra la meilleure des décisions. Je tiens à le rappeler, je prendrai la décision avec le coach qui est Arnaud. »

Indirectement, la qualité de l’effectif laisse à penser que la Pro A est obligatoire à l’issue de la prochaine saison, cependant, comme le souligne le président : « il n’y a pas une obligation de résultat où c’est la vie et c’est la mort. » Et si l’équipe professionnelle est la vitrine du club, il refuse de mettre au second plan le fait que le club, dans sa globalité, vive bien. « Voir du spectacle, voir du beau jeu, forcément, ça fait plaisir à tout le monde. Mais on va y aller pas à pas » assurait-il. En effet, la première division est encore loin, pourtant elle reste le fil rouge de son mandat : « On est en train de construire tout doucement. Je le dis encore aujourd’hui avec certitude, on va le faire. On va y arriver. Ça va être dur, parce que la vie, elle n’est pas facile. Il y a toujours, sur le plan sportif ou sur le plan humain, des choses qui se passent, qu’on ne maîtrise pas forcément. Mais mon rôle, c’est de faire en sorte que tout le monde soit fédéré et qu’on aille vers un projet et qu’un jour, on ait la Pro A. » Alors que l’exposition médiatique du ping a explosé et avec un noyau de jeunes joueurs prometteurs, un capitaine qui connaît la salle Labaume et le club, ainsi qu’une stabilité en deuxième division professionnelle, la formation amiénoise semble avoir les éléments pour concrétiser son rêve de montée.
Un club qui vibre à chaque point
Enfin, un point indéniable à retenir de cette saison, c’est l’ambiance inimitable de la salle Labaume et le support constant des Amiénois. Souvent, quand on entend ping-pong, on pense à celui de camping, entre amis ou avec la famille. Alors, on ne peut vraiment parler de supporters, mais plutôt de membre de la famille qui veulent jouer ou des voisins de camping qui cherchent à se détendre. Pourtant, à Amiens, et plus précisément à l’ASTT, ce n’est pas le cas. Car il y a un public en fusion qui scande les noms de ses joueurs, un kop de supporters armés de tambours toujours prêt à donner de la voix et des chants adaptés aux langues maternelles de chacun. Dans une salle qui vibre à chaque point remporté, on peut voir les pongistes redoubler d’efforts et réussir à se surpasser. On ressent aisément l’âme du club et on ne peut que constater, stupéfait, ce que la structure représente pour ces passionnés. Les membres, spectateurs, licenciés vivent pour le club. Une foule soudée derrière un quatuor, puis un trio, tout du long de la saison. C’est d’ailleurs quelque chose que l’on ressent dans les motivations et le discours de Vincent Buignet, qui l’exprime parfaitement : « Le club, ce n’est pas un nom. Ce n’est pas Arnaud Sellier, ce n’est pas Vincent Buignet, c’est un esprit de groupe. Tout les matins, quand je suis bénévole, c’est pour que les gens puissent se dire « Putain (sic), on a un club à Amiens. C’est ouf ce que les gens font dedans. » Et qu’il y a une vraie âme, J’espère qu’on aura la Pro A ces jours. »

Cette saison 2024/2025 aura été surprenante. Un début historique, mais dans le mauvais sens, puis une fin exceptionnelle avec un maintien assuré face à Villeneuve-sur-Lot puis un match de gala contre Fréjus, délocalisé à Eu pour l’occasion. La dynamique est clairement positive et le club ne fait que grandir de jour en jour. Désormais, il faudra réussir à stabiliser tout cela pour viser l’échelon supérieur.
Cyprien Baude
Crédit photo : Théo Bégler & Léandre Leber & Cyprien Baude – Gazettesports.fr

