Eric Chitcatt accompagne la sélection féminine du Maroc à la Coupe d’Afrique des Nations, comme préparateur mental. L’Amiénois nous dévoile les secrets de ses techniques pour préparer au mieux son cerveau à une compétition.
Le Maroc donne le coup d’envoi de sa CAN féminine, samedi. La consécration de semaines de préparation pour tout un groupe, alors que la dernière édition date de 2018. Eric Chitcatt a décollé le 8 juin dernier au soir pour se rendre à Rabat. Il y a rejoint sur place l’équipe de football féminine du Maroc et le staff du sélectionneur Reynald Pedros. Aux côtés de l’ancien entraîneur des féminines de l’Olympique Lyonnais, le Picard a pour mission de préparer mentalement les joueuses. S’il préfère le terme « d’accompagnateur de performance » à celui de « préparateur mental », il intervient « sur plusieurs domaines » explique-t-il : « le cerveau c’est les émotions, la concentration, la vision, les mouvements, les pensées négatives, les croyances limitantes, c’est notre moteur. »
Au service de la sélection depuis le mois de février, Eric Chitcatt emmène dans ses bagages ses gadgets et sa méthodologie. Un savoir-faire qu’il a déjà éprouvé dans d’autres contextes avec succès, que ce soit à l’Amiens SC de Christophe Pélissier, avec les Gothiques de Mario Richer ou avec l’équipe de France d’escrime. Mais c’est la première fois qu’il va accompagner une sélection nationale pendant une compétition. Et l’enjeu est de taille. En effet, les équipes du carré final décrocheront leur qualification directe pour la Coupe du monde 2023 en Australie et Nouvelle-Zélande.
« C’est un vrai objectif, la Fédération travaille depuis deux ans pour le développement du football féminin au Maroc, il y a une vraie volonté du Roi et du ministre des Sports de mettre en valeur le foot féminin. » Dans ce contexte, tout est mis en œuvre pour que la sélection atteigne ses objectifs et la préparation mentale ne fait pas exception.
La technologie au service de la performance
La méthode Chitcatt se décompose en trois axes. « Le premier travail qu’on a fait avec l’ensemble des filles et du staff, ça a été d’identifier les profils psychologiques de chacun. J’ai travaillé sur les préférences motrices, les profils émotionnels. Ensuite, les coachs ont organisé des entretiens pour voir comment ils peuvent travailler. » De ces tests, Eric Chitcatt en tire des analyses et des modèles que le staff peut utiliser. Des outils d’autant plus précieux, que le groupe marocain est très hétéroclite, « certaines joueuses ont besoin d’être très protégées, d’autres d’être beaucoup stimulées. » Dans le vestiaire, on parle arabe, anglais ou français. Une partie des joueuses évolue dans des championnats étrangers, alors que les joueuses de haut niveau du championnat national ont un statut particulier, puisqu’elles sont embauchées par l’armée marocaine.
Dans un second temps, « on a fait le diagnostic de préparation mentale de chaque joueuse, on a identifié son niveau de stress, de défi, de performance, de maîtrise, d’ennui et par rapport à ça, on est capable d’amener des outils pour y répondre. Je ne décide de rien, jamais je ne donne mon avis sur une joueuse, je donne juste ses caractéristiques. » Ainsi, l’Amiénois de 52 ans ne donne pas seulement des clés de compréhension au staff, mais aide les athlètes à être performant. Pour que la préparation mentale soit efficace, « il faut être volontaire, on ne peut pas gommer la pression, il faut la transformer en disant : j’en ai besoin pour être performant. »
Enfin, « la troisième partie du travail se passe sur le terrain et les salles d’entraînement. On fait de la stimulation visuelle. » Lunettes 3D, capteurs en tout genre viennent ainsi pimenter les séances quotidiennes. « On sait dire mais on n’a pas réussi à le prouver (sic) que la stimulation visuelle permet de réagir plus vite, de maintenir sa concentration. » Ces exercices avec et sans ballon permettent de travailler la prise d’information, la motricité et la coordination. Des caractéristiques indispensables pour des sportifs de haut niveau. Ces méthodes sont encore peu connues en France, elles le sont encore moins au Maroc. « Il y a tout à faire », mais les Marocains sont « ouverts » affirme Eric Chitcatt. Les protocoles qu’il développe seront ensuite utilisés dans les centres de formation de la Fédération royale marocaine de football.
Julien Benesteau
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