A une semaine de la reprise, l’attaquant de pointe des Portugais d’Amiens, Kévin Dervillé, nous parle de lui et du début de saison mitigé de son équipe.
Bonjour Kévin, pour commencer, peux-tu nous parler de ton parcours ?
J’ai 26 ans. J’ai commencé le foot à l’âge de 12 ans à Ailly-sur-Somme en surclassement, directement. J’ai fait toutes mes gammes là-bas jusqu’en -18 ans. Après, j’ai eu l’opportunité de partir en DH à l’ASPTT où j’ai fait une saison. Ensuite, je suis parti pour des raisons professionnelles dans un club de plus bas échelon pour jouer avec les copains, pour m’amuser, à Saint-Sauveur. Ensuite, j’ai été contacté par Camon pour jouer en DH. Du coup, je suis parti à Camon pour deux ans. Je me suis fait une rupture des ligaments croisés qui a mis un coup d’arrêt dans ma progression. Pour retrouver du temps de jeu, des sensations, je suis retourné à Saint-Sauveur. Étant donné que ça allait mieux, j’ai repris le handball. J’ai donc fait du handball et football lorsque j’étais à Saint-Sauveur. J’ai ensuite été contacté par Abbeville où j’ai pu jouer la saison dernière en R1. Et me voilà aujourd’hui aux Portugais d’Amiens.
Tu nous dis que tu as commencé le football à 12 ans, qu’est-ce qui t’y a amené aussi « tard » ?
Quand j’étais petit, j’étais un enfant hyper-actif. Je bougeais dans tous les sens. Mes parents devaient absolument trouver quelque chose pour me canaliser. Donc, j’ai fait du handball, du judo, du karaté, du jiu-jitsu, j’ai fait tous les sports qui peuvent exister. Et, en jouant dans la rue avec des plus âgés que moi, mon grand-père a trouvé que j’étais plutôt bon au football et que je pourrais essayer ça et c’est à partir de là que je suis parti vers le football et ça me suit jusqu’aujourd’hui. C’est devenu une très grande passion.
Tu as mis le handball de côté à partir du moment où tu as rejoué au foot à un niveau plus élevé ?
Oui, à partir du moment où l’on m’a contacté, l’année dernière, pour jouer à Abbeville en R1, je me suis dit qu’avec trois entraînements par semaine et le handball, cela m’aurait fait des entraînements toute la semaine, plus les samedi et dimanche, je ne pouvais pas allier vie de famille et vie sportive. J’ai donc fait un choix et j’ai préféré rester sur le foot et j’ai donc arrêté le handball.
Toi qui t’es essayé à beaucoup de sports, c’est une vraie passion du foot en dehors du terrain qui t’as fait privilégier ce sport ?
Honnêtement, le foot, je ne le regarde pas à la télé. Ce n’est pas quelque chose qui m’attire réellement en dehors de l’Équipe de France et de quelques matchs importants. Et encore, je n’ai même pas vu Liverpool remporter la Ligue des Champions. J’adore jouer au foot, j’aime le foot, mais à petites doses. Je ne vais pas regarder, suivre les émissions, etc. Après, ça me plaît d’aller voir un match, par exemple à Camon quand ils jouent une grosse équipe ou quand ils font un bon parcours en Coupe de France. C’est toujours plaisant d’aller voir des équipes supérieurs. Mais sinon, je suis plus attiré par le handball à la télé que par le football.
Le fait d’avoir continué le football plutôt que le handball, c’est plus une question de niveau, du coup ?
Oui, voilà. C’est parce qu’au football, je suis plus fort qu’au handball, on ne va pas se mentir. Le handball, c’est un sport qui est totalement différent. Physiquement, il y a beaucoup de contacts. C’est vraiment un sport de contact. C’est ce qui me plaisait dans le handball. Alors que dans le football de maintenant, pour un rien, on va siffler faute, pour un coup d’épaule, pour une protection de balle. Il y a plein de choses qui me déplaisent dans le football en ce moment. Mais je reste un accro, ça ne changera pas.
Tu me parlais également des croisés. Comment cela se gère mentalement, notamment quand cela représente un coup d’arrêt dans une progression comme dans ton cas ?
Ça fait mal au cœur. Ça fait surtout très mal. Que ce soit la douleur physique ou mentale, c’est vraiment une douleur horrible. Après, je ne veux pas dire que ça a été un coup d’arrêt parce que j’ai bien rebondi. J’ai pris mon temps parce que j’avais eu des échos d’amis qui se sont fait opérer des croisés, qui n’ont pas assez attendu assez longtemps et qui se sont reblessés. Moi, j’ai pris mon temps, un peu plus que ce qui était prévu. Normalement, c’est 6 mois avant de pouvoir reprendre la course, j’ai repris à partir de 9 mois pour être vraiment sur. J’ai vraiment été bien encadré, bien suivi et je n’ai plus aucune douleur.
C’est vrai que mentalement, c’est compliqué. On monte en puissance, on est pris dans le groupe A, on joue une fois, deux fois, on a pas beaucoup de temps jeu. Du coup, Thierry Dobelle m’a dit « je vais te renvoyé en équipe B pour jouer 90 minutes, ça te fera du bien ». Pas de problème, j’y vais, et puis, duel aérien, je gagne le duel mais en retombant, on vient me bloquer la jambe…
Ce n’est pas un frein psychologique quand on revient de ce genre de blessure, également ?
Le premier match ! Le premier match, quand on reprend, on y va tout doucement, on a peur, oui, c’est surtout psychologique. On se demande si ça va re-péter même si le chirurgien me disait que c’était plus solide que de l’autre côté. Et puis, un match, deux matchs, trois matchs, on commence à retrouver un peu de sensations, on n’a plus de douleurs. On se dit que c’est peut-être reparti et de fil en aiguille, c’est reparti, et même très bien, puisque j’ai réussi à retrouver le haut niveau régional.
Pour en revenir à l’actualité, quel regard portes-tu sur cette première partie de saison des Portugais d’Amiens où les résultats ne sont pas forcément au rendez-vous ?
Physiquement, on n’était vraiment pas prêts, c’était vraiment très dur. On a mené au score et à chaque fois, on n’avait pas les cannes pour suivre, pour faire le dos rond et obtenir la victoire.
C’est une saison mitigée, ce n’est pas non plus l’alerte rouge. Notre seule victoire, c’est contre le leader actuel. Je ne sais pas comment l’expliquer. Est-ce qu’on a particulièrement fait un bon match ? Est-ce qu’il y avait un petit manque de chance sur certains matchs ? Après, physiquement, on n’était vraiment pas prêts, c’était vraiment très dur. On a mené au score et à chaque fois, on n’avait pas les cannes pour suivre, pour faire le dos rond et obtenir la victoire. On repart, là, cela fait 3 matchs nuls de suite. C’est dommage parce que l’on peut faire mieux. Mais il y a du mieux par rapport à avant, avec le changement de coach.
Avec Florian et Nordine, c’était déjà bien, mais on a fait une préparation à 45 joueurs. Quand il y a équipe A, équipe B et équipe C… Dans le groupe A, on avait joué en R1-R2, voire au-dessus, et on se retrouvait avec des joueurs de l’équipe, sans vouloir leur jeter la pierre parce que ce n’était pas leur faute, qui n’avait jamais joué au football. C’est compliqué. On ne pouvait pas avoir un niveau correct, il y avait tellement une différence entre les joueurs que les coachs étaient perdus. On a commencé à restreindre le groupe quand le championnat avait repris. Il n’y avait pas d’automatisme, on se connaissait parce que l’on avait eu l’occasion de jouer avec certains joueurs dans d’autres clubs, mais ça se jouait plus au feeling qu’autre chose.
Depuis que Benoît est là, c’est très structuré, très cadré, il y a vingt joueurs à l’entraînement qui sont susceptible d’être dans le groupe, de pouvoir apporter quelque chose à l’équipe. Je trouve que c’est une bonne chose de pouvoir repartir sur des bases qui ressemblent vraiment à du football : on essaie de jouer court, de relancer court, des attaques combinées, des attaques placées…
Est-ce que, lorsque l’on a une équipe déjà dans le dur physiquement, avoir des joueurs d’expérience, mais vieillissants, comme cadres, ce qui peut être un avantage en temps normal, ne devient pas un handicap supplémentaire ?
Honnêtement, ce ne sont pas eux qui faisaient craquer le groupe physiquement. Et puis, il y en avait certains qui étaient moyens physiquement, on était cuits, mais c’était surtout tactiquement que l’on était pas au point. Quand on court dans le vide pendant 40-45 minutes, on se fatigue et on peut avoir la condition qu’on veut, ça ne suit pas.
D’ailleurs, Jeannot (Garnier, ndlr) a toujours quatre poumons, ça n’a pas changé, il court beaucoup. David (Da Rocha, ndlr), il a l’expérience et c’est un excellent joueur. C’est pour cela que j’ai signé aux Portugais, pour avoir la chance de jouer avec un joueur de ce niveau. Il apporte par sa prestance, son charisme et c’est un très bon joueur de ballon. C’est agréable de pouvoir avoir des conseils de sa part. On sait qu’il ne dit pas ça pour faire genre que c’est lui le meilleur : c’est lui le meilleur !
Au contraire, ils apportent une certaine stabilité dans le groupe. Quand nous pouvons avoir tendance à être tout le temps au taquet, eux savent mettre le pied sur le ballon, dire « stop, on laisse souffler ». Ils savent gérer les temps forts et les temps faibles.
On a repris l’entraînement très tôt pour remettre tout le monde à niveau pour pouvoir rivaliser sur les matchs qui vont suivre, parce que l’on va avoir un gros match contre Saint-André. Mais ça va aller, je pense qu’on va s’en sortir.
Tu nous as déjà évoqué la réduction du groupe à l’entraînement et la volonté « d’envoyer du jeu ». Est-ce que tu vois autre chose qui a changé avec le changement de coach, au niveau de la relation avec le groupe, par exemple ?
Il n’y a pas beaucoup de choses qui ont changé. Ce qu’il y a, c’est que Benoît est vraiment strict alors que Florian et Nordine étaient un petit peu plus cools. Ils laissaient passer certaines choses qui pouvaient créer de petites tensions. Avec Benoît, il faut suivre son projet. C’est un projet qui nous plaît. Comme on est certains à avoir jouer à un plus haut niveau, relancer court, c’est ce qui se fait en R1, en N3, en N2, donc c’est bien. Étant donné que physiquement on n’était pas au point, ça se ressentait techniquement parce que l’on manquait de lucidité pour faire une passe à 10 mètres bien dosée entre les joueurs ou faire un contrôle orienté et se retourner. Mais, là, avec la préparation que l’on aura faite, je pense que les équipes qui vont nous rencontrer auront un peu plus de difficultés à nous déstabiliser du fait que l’on sera prêts physiquement.
Est-ce que cela change quelque chose de jouer aux côtés de son entraîneur ?
C’est une bonne chose parce que Benoît Sturbois, c’est un très bon joueur de football, qui a du ballon. Et, pour le groupe, le fait qu’il soit arrivé en tant que joueur a facilité les choses. On l’a connu en tant que joueur donc on sait qu’il peut déconner, rigoler. Avec toujours un côté compétiteur, la volonté de gagner, mais ce n’était pas pareil. En tant que coach, il a réussi à tous nous mobiliser et à trouver les bons mots pour basculer de joueur à entraîneur.
Comment appréhendes-tu ton poste d’attaquant ?
C’est un poste ingrat, on ne va pas se mentir. Quand tu ne marques pas, on te crie dessus, si tu marques, il faut que derrière cela suive, sinon il y aura une petite satisfaction d’avoir marqué mais s’il y a défaite, cela ne sera pas ce qui importera le plus. Après, je vais parler pour moi qui suis un point d’appui, je ne vais pas courir des sprints. J’aime bien être dos au jeu, qu’on puisse combiner avec moi, me retrouver dans la surface. J’ai la taille pour mettre des buts de la tête, c’est un avantage. Mais je n’ai pas l’égoïsme d’un attaquant. Il faut tirer, il faut marquer. Mais comme j’ai appris à jouer en tant que numéro 10, j’ai toujours eu cette petite vision de jeu pour donner le ballon à un copain bien placé. Le but contre Breteuil, c’est ce qu’il se passe. Je vois Heni (Chaari, ndlr) qui passe sur ma droite, je suis entrée de surface, je lui glisse le ballon, il va marquer, c’est comme si j’avais marqué. Le fait de marquer un but ou de donner une action de but, c’est pareil pour moi.
Le fait de marquer un but ou de donner une action de but, c’est pareil pour moi
Il y a un vrai décalage entre le rêve, le fantasme autour de l’attaquant et la réalité. C’est une frustration ?
Oui, c’est vraiment ingrat. On peut mettre un quadruplé, on va être l’homme à abattre, l’adversaire va se focaliser sur nous et, à l’inverse, si on ne marque pas pendant 3, 4, 5 matchs, on va parler de crise, de manque de confiance. Alors que je ne pense pas que ce soit légitime, parce qu’on l’on peut parfois enchaîner les matchs sans même avoir d’occasion en ayant fait les efforts. Après, ça fait toujours plaisir d’être attaquant, de pouvoir être le « sauveur » de l’équipe, ce à quoi on est parfois ramenés, même si je n’aime pas ce terme parce que c’est toute l’équipe qui fait que l’attaquant a pu marquer, on est dans les bonnes conditions grâce aux copains.
Pour finir, comment sens-tu la fin de saison ? Plutôt bien ?
Franchement, oui. A l’entraînement, on voit que tout le monde est investi, que tout le monde se donne du mal. A la reprise de l’entraînement, c’était du physique, personne n’a triché, on a tous fini la langue par terre, on était quasiment tous KO. C’est motivant de voir que tout le monde veut tirer dans le même sens pour avoir cette petite étincelle qui peut nous faire gagner pour repartir sur de meilleures bases.
Morgan Chaumier
Crédits photos : Reynald Valleron / Audrey Louette – Gazettesports