Au printemps 2004, des milliers de personnes se retrouvaient à l’Hôtel de Ville d’Amiens pour célébrer ce qui reste aujourd’hui, le dernier titre de champion de France des Gothiques. Une finale en aller-retour face aux Bruleurs de Loups de Grenoble. Nous nous sommes replongés, 20 ans après, dans ces souvenirs aux côtés des acteurs de cette réussite. Une dizaine d’anciens Gothiques ont répondu à notre demande, aujourd’hui, rencontre avec le capitaine et attaquant Luc Chauvel.
Avant même d’approfondir sur ce dernier titre, qu’est-ce qui résonne chez vous quand je vous parle de la saison 2003/2004 ?
Une immense joie, parce que c’était un projet sur plusieurs années, du club d’Amiens, qui avait donné sa chance à un groupe d’évoluer d’année en année. Moi j’étais arrivé trois ans plus tôt et donc vivre la victoire dans ce groupe de copains, c’était quelque chose d’incroyable. On a eu de la chance, parce qu’une grosse partie de cet effectif là était issue de la même génération. Pour beaucoup, on avait joué ensemble dans les équipes nationales jeunes et on s’est retrouvé à Amiens à un moment donné. Ce titre avait un goût particulier pour nous. Il n’y avait qu’un seul étranger dans l’équipe, et on défendait bec et ongles le hockey français.
C’était également votre deuxième saison en tant que capitaine. Qu’est-ce que ça représentait pour vous, ce statut ?
C’était assez incroyable, l’équipe avait sept ou huit internationaux. Il y avait Antoine Mindjimba, Denis Perez, des personnalités du hockey français et moi j’étais hyper fier d’être le capitaine de cette équipe. Surtout que c’est le seul titre que j’ai eu dans ma carrière. À l’époque je ne le savais pas, mais maintenant il a encore plus de valeur pour cette raison. Sachant que le dernier capitaine à avoir soulevé la coupe avec Amiens, c’était Antoine Richer (1999) un monument du hockey français. Succéder à Antoine, c’était incroyable.
Et remporter ce titre avec votre frère (Brice Chauvel), ça accentue les émotions ?
Oui c’est vrai ! Déjà, jouer dans la même équipe en dehors de notre club formateur c’était improbable de l’imaginer quand nous étions encore gamins. Donc remporter le titre de champions de France ensemble, c‘est vraiment un moment très particulier.
Dans l’entretien que nous avons eu avec Anthony Mortas, ce dernier nous avait confié une anecdote qui l’avait marqué : votre prison à 18 secondes du début de la finale, pour donner le ton de cette dernière… (à lire ici)
Oui, je m’en souviens plus ou moins. Je me souviens surtout de mon adrénaline sur le moment, avec des joueurs qui me parlaient et où je n’entendais pas grand chose. Nous étions conditionnés pour remporter cette finale, on avait échoué l’année passée en faisant quelques petites erreurs et là on était concentré, on voulait absolument ce titre, c’était notre moment. On savait qu’il y avait du talent dans cette équipe de Grenoble donc il fallait montrer qu’on allait être présent et qu’on n’allait pas donner un centimètre de glace à cette équipe pour pouvoir évoluer. Avec du recul, ça s’est bien passé (sic), ça a donné le ton, tant mieux.
C’est une finale que vous avez maitrisée, notamment sur le match retour où vous reveniez à chacun de leurs buts
Comme je l’ai dit plus tôt, on était passé à côté de ça l’année d’avant, et là tout s’inscrivait exactement là où on le voulait. On n’a pas laissé grand-chose parce que le groupe était imperméable. Tout se mettait en place sur cette finale, dès que Grenoble marquait, on marquait derrière. On a plutôt bien maîtrisé notre sujet et on a peut-être eu ces petits moments de chance qui nous ont permis d’aller chercher ce titre.
On a réussi à retourner cette série et derrière, on était en mode commando, on savait où on voulait aller.
Luc Chauvel
Si vingt ans après, ça peut paraître anecdotique, vous aviez eu des difficultés face à Dijon en quart de finale. Au fil des entretiens, le souvenir était le même pour tous : c’était à ce moment que l’équipe s’est révélée. Vous en souvenez vous ?
Oui, c’était vraiment la série piège. Il y avait deux ou trois gars capables de faire la différence à Dijon. On savait qu’on dominait et puis le piège c’était nous finalement. C’est vrai que l’on s’est parlé, le groupe s’est pris en main en se disant « On arrête de faire n’importe quoi, on a tout en main pour faire quelque chose de bien. » On a réussi à retourner cette série et derrière, on était en mode commando, on savait où on voulait aller.
Si vous déteniez le « C » sur votre maillot, on a le sentiment que chacun était capitaine à sa manière dans cet effectif…
Il y avait des joueurs avec du talent, il y avait des joueurs avec de l’expérience et on était tous focalisés sur l’objectif. Il n’y avait pas une personne pour prendre les choses en main, à chaque fois c’était quelqu’un qui agissait sur la glace ou en dehors de la glace. C’est bête mais je me souviens qu’après les matchs, nous étions 70 au restaurant parce qu’il y avait les familles. On vivait vraiment ensemble, il y avait de la place pour tout le monde, que ce soit les plus jeunes ou les plus anciens. Tout ça pour un unique objectif, remporter ce titre. On voulait écrire quelque chose avec ce groupe.
Vingt ans après, qu’est-ce que vous a apporté cette aventure, en tant qu’homme ?
Je me suis épanoui en tant que joueur à Amiens. En terme de leadership, je me suis révélé à Amiens. Avant cette année-là, j’étais aux portes de l’équipe de France, je n’ai pas pu percer alors j’avais cette reconnaissance de mes pères finalement. Ce sont mes très belles années de hockey professionnel, dans une ville de hockey où on se le faisait dire quand on ne gagnait pas (sic). Ça m’a apporté énormément de choses et ça m’a sûrement donné le goût de coacher, ce que j’ai fait après ma carrière à Caen pendant dix ans.
Parlons-en de votre après carrière, qu’êtes vous devenu après ce titre ?
Après mon aventure à Amiens, je suis revenu dans mon club formateur à Caen. J’avais un double projet où je terminais de jouer au hockey, avec plus tard comme objectif de reprendre la formation du club. J’ai fait ça pendant quelques années puis j’ai eu l’opportunité de reprendre l’équipe première où j’ai coaché pendant dix ans. Depuis un an et demi, j’ai complètement arrêté le hockey parce que j’avais monté une société dans la préparation physique des sportifs de haut niveau (CAEN Training). Maintenant, je suis à 100% dans la société que j’ai créée en 2015 et aujourd’hui, l’idée c’est de transmettre différemment.
Au-delà de votre carrière, le hockey est une véritable histoire de famille chez les Chauvel…
C’est ça ! Brice, mon frère, continue à travailler au sein du hockey club de Caen en étant manager et en entraînant les jeunes. Puis j’ai mes deux garçons qui continuent de jouer et qui sont dans le milieu aussi. Le plus grand, Pierre, est joueur dans l’équipe première de Caen et Raphaël, le plus jeune, a signé à Gap cette année. Je suis toujours le hockey mais en tant que spectateur et papa !
Kevin Devigne
Crédit photo : Léandre Leber – Gazettesports.fr
Voici la suite des interviews :
Richard Aimonetto : « On était tous des gagnants, on n’acceptait pas la défaite »
Luc Chauvel : « On voulait absolument ce titre, c’était notre moment »
Vincent Bachet : « Vivre ce titre dans une ville de hockey, c’était assez incroyable »
Julien Lefranc : « Chacun dans l’équipe avait un rôle qu’il a su mettre au profit du collectif »
Simon Petit : « C’était sympa d’avoir été au bout avec cette équipe »
Anthony Mortas : « On était des bons joueurs et on est devenu des guerriers »
Antoine Mindjimba : « On n’était pas les favoris mais la magie du groupe a opéré »
Elie Marcos : « On a su faire ce qu’il fallait pour aller chercher ce titre »