Au printemps 2004, des milliers de personnes se retrouvaient à l’Hôtel de Ville d’Amiens pour célébrer ce qui reste aujourd’hui, le dernier titre de champion de France des Gothiques. Une finale en aller-retour face aux Bruleurs de Loups de Grenoble. Nous nous sommes replongés, 20 ans après, dans ces souvenirs aux côtés des acteurs de cette réussite. Une dizaine d’anciens Gothiques ont répondu à notre demande, aujourd’hui, rencontre avec l’international et défenseur Vincent Bachet.
Dans les grandes lignes, quand on vous parle de la saison 2003/2004, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit ?
De grands moments, de grands souvenirs. J’avais déjà eu la chance d’être champion de France avec Reims, mais là-bas ce n’était pas du tout une ville de hockey, donc vivre ce titre dans une ville de hockey, c’était assez incroyable. Surtout qu’on avait une base d’équipe vraiment française, c’était exceptionnel de remporter un titre avec un effectif tel qu’il l’était, avec un coach français aussi. Ça récompensait une stratégie mise en place par Antoine Richer, Patrick Letellier et Hervé Petit. Le schéma du championnat de cette année 2004 était assez particulier puisqu’on avait deux phases et Rouen avait été écartée de la phase finale. C’était une formule assez spéciale qui enlève un petit peu à ce titre mais l’essentiel c’était que cette bande de français ait pu remporter ce titre face à une belle équipe de Grenoble. Ça a été un grand moment, la célébration du titre dans les rues, cette liesse populaire, la montée des marches, la présentation du trophée de l’Hôtel de ville. Ce sont des souvenirs qui sont vraiment forts.
Cet effectif quasiment uniquement français, c’est une fierté dans chaque témoignage recueilli auprès de vos anciens coéquipiers…
Avec Reims en 2002, nous étions déjà parvenus à remporter un titre avec un seul étranger dans l’équipe mais effectivement, c’est rare parce que la plupart des équipes qui remportent des titres ont une armada d’étrangers. Nous, on avait cette chance d’avoir une grosse base d’internationaux français et nous nous connaissions très bien. C’était un défi supplémentaire et un exploit encore plus particulier.
Vous détaillez les moments d’une telle précision, c’est l’effet que ça fait de remporter un titre ? Savourer au point de s’en souvenir des années après dans les moindres détails ?
Ce sont des moments très forts en émotion, ça fait partie des meilleurs moments d’une carrière. Donc forcément on s’en souvient et ça reste gravé à jamais dans la mémoire.
Après une qualification à l’arrachée face à Dijon, vous deveniez inarrêtable…
Ah oui (rires), je me rappelle que Patrick Letellier avait fait le déplacement pour venir nous encourager…mais aussi pour nous mettre un peu la pression. Du fait que Rouen se soit éliminé lors de la première phase, on avait peut-être un complexe de supériorité. Et comme on n’avait pas de Canadien buteur comme en avaient toutes les équipes, on avait ce manque de réalisme offensif, ce qui a pu nous causer des problèmes puisque tant qu’on n’a pas tué un match, l’équipe adverse a ses chances. Heureusement on avait un grand gardien avec Antoine Mindjimba, mais en ayant plus de réalisme, on aurait pu se faciliter les choses contre Dijon. C’est quelque chose qui a été corrigé en finale où, à ce niveau là, c’est la détermination d’aller chercher ce titre qui nous a donné ce petit plus de réalisme.
Est-ce que vous avez une anecdote en lien avec cette saison ?
Comme je le disais, la formule de championnat était spéciale et je me rappelle du dernier match de la première phase à Tours où on avait malheureusement perdu. Ce qui a entrainé l’élimination de Rouen pour la suite. Dans les tribunes, il y avait les représentants de Rouen qui étaient là pour superviser un petit peu le match et vérifier si on avait mis toutes nos forces dans la bataille pour essayer de remporter cette rencontre, et on l’a vraiment joué ce match. C’était un peu spécial parce qu’en perdant, on avait la possibilité d’éliminer un adversaire direct.
On avait la chance en 2004 d’avoir une génération de jeunes talents qui avaient remporté pas mal de trophées en junior avec Kevin Hecquefeuille notamment, Simon Petit, Arnaud Mazzone, c’était de bons souvenirs avec ces jeunes qui étaient un peu maltraités par Antoine Mindjimba (sic), c’était pour la bonne cause, c’était pour qu’ils filent droits.
Au-delà de votre titre en 2004 avec Amiens, vous avez porté le maillot tricolore à l’occasion de 17 championnats du Monde. Quel est votre regard sur une carrière aussi riche ?
Effectivement, une riche carrière avec la chance de pouvoir jouer les championnats du monde chaque année. Ce n’est pas donné à chaque sport, c’est vraiment spécifique au hockey d’avoir un tel rendez-vous annuel. Ça s’est fait avec une certaine stabilité parce que j’ai évolué avec des amis en équipe de France jeune : Laurent Meunier, Yorick Treille, Baptiste Amar. On a fait ensemble cette longue carrière. J’ai pu intégrer l’équipe senior en 1999/2000 où j’ai bien été accueilli par les Philippe Bozon ou même Denis Perez. Ils nous ont transmis les clés de l’équipe. Mon premier championnat du monde c’est en 2000 devant Vladimir Poutine, où on a perdu 9 à 1 en match d’inauguration à Saint-Pétersbourg. Et j’ai terminé en tant que capitaine de l’équipe de France en 2013, en battant l’équipe russe alors championne du monde, 2 à 1. Alors ça, ça reste le plus grand moment de ma carrière, pour faire 100 fois le match, on le perdait 99 fois. J’ai eu beaucoup de chance parce que j’ai vraiment été épargné par les blessures, mise à part une fois à Tours en 2009 où je me suis fait les ligaments croisés du genou. J’avais repoussé l’opération après les championnats du monde pour terminer la saison avec une attelle. C’est un tout qui m’a fait finir avec 269 matchs en équipe de France.
Qu’est devenu Vincent Bachet après avoir raccroché les patins en 2013 ?
Après ma carrière, je me suis investi dans le club, j’ai occupé un peu tous les postes au niveau de l’association (HCAS). J’ai été secrétaire, trésorier, puis président. Et puis un moment donné j’ai dû donner la priorité à ma reconversion professionnelle, qui n’était pas compatible avec un poste de bénévole donc j’ai cédé la place à Jean-Baptiste Ripoll. J’ai pas mal été au sein de la fédération avec un poste au sein de la commission de discipline. Et aujourd’hui, je suis pleinement concentré à ma tâche, qui est de démocratiser la méthanisation agricole. J’ai donc créé ma société en 2023, qui se nomme Octometha, et l’objectif est de pouvoir équiper les élevages avec des petites installations de méthanisation agricole pour valoriser les effluents d’élevage et les pailles.
Est-ce que vous entretenez encore des liens avec les joueurs de l’année 2004 ?
Oui bien sûr, je suis régulièrement en contact avec Anthony Mortas notamment, François Rozenthal de temps en temps. On se suit bien sûr mais on a vécu des trucs tellement forts ensemble que l’on n’a pas forcément besoin de se donner des nouvelles régulièrement. Dès qu’on se retrouve, il y a un peu la même hiérarchie qu’il pouvait y avoir dans le vestiaire, c’est marrant. Il y a toujours cette proximité et cette amitié, ce sont des liens indéfectibles et très forts.
Propos recueillis par Kevin Devigne
Crédit photo : Théo Bégler et Léandre Leber – Gazettesports.fr
Voici la suite des interviews :
Richard Aimonetto : « On était tous des gagnants, on n’acceptait pas la défaite »
Luc Chauvel : « On voulait absolument ce titre, c’était notre moment »
Vincent Bachet : « Vivre ce titre dans une ville de hockey, c’était assez incroyable »
Julien Lefranc : « Chacun dans l’équipe avait un rôle qu’il a su mettre au profit du collectif »
Simon Petit : « C’était sympa d’avoir été au bout avec cette équipe »
Anthony Mortas : « On était des bons joueurs et on est devenu des guerriers »
Antoine Mindjimba : « On n’était pas les favoris mais la magie du groupe a opéré »
Elie Marcos : « On a su faire ce qu’il fallait pour aller chercher ce titre »