TENNIS : Constant Lestienne ne se met « pas de barrière »

c. lestienne port
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61ème mondial, Constant Lestienne n’en finit plus de progresser et d’étonner. Ces dernières semaines, seuls Marin Čilić et Daniel Evans ont réussi à battre le joueur d’Amiens, passé avec bonheur, à 30 ans, des tournois Challengers au circuit ATP.

Il a gagné 27 de ses 33 derniers matchs… Sa folle série a commencé au début de l’été en Espagne, où il remporte d’abord le 3ème tournoi Challenger de sa carrière, à Málaga. Puis il récidive à Pozoblanco. Avant d’atteindre la finale à Ségovie. Sa marche en avant se poursuit en août au Canada, à Vancouver, toujours sur le circuit Challenger et toujours sur dur extérieur : il épingle à son tableau de chasse Fernando Verdasco, Ugo Humbert ou encore Arthur Rinderknech en finale. Il rentre en France après avoir buté sur les qualifs de l’US Open et joue les quarts du Challenger de Cassis. Puis l’ancien joueur du TCAM et de l’AAC retraverse l’Atlantique et va se prouver qu’il a le niveau du « grand » circuit, après neuf saisons passées en « 2ème division ». Constant Lestienne se hisse pour la première fois en quarts de finale d’un ATP 250, à San Diego. Où il cède face à l’Anglais Dan Evans, 25ème mondial.

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Avant d’atterrir à Tel Aviv la semaine dernière. En Israël, le Samarien s’offre trois perfs de premier plan : il élimine tour à tour Adrian Mannarino et le Finlandais Emil Ruusuvuori. Puis le Franco-Américain Maxime Cressy, 34ème à l’ATP et N°4 de ce nouveau tournoi ATP 250. Pour sa première demi-finale à ce niveau, Constant Lestienne bouscule l’un des meilleurs mondiaux, Marin Čilić, s’offrant deux balles de premier set avant de s’avouer vaincu. Soit 7 matchs en 12 jours, dont 5 gagnés, dans les deux premiers tournois ATP 250 auxquels il participait grâce à son classement.

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Comment ça va, pour commencer ? Tu devais passer des examens suite à ta douleur survenue à Tel Aviv pendant ta demi-finale contre Marin Čilić…

Ça va bien. Je n’ai rien qui puisse m’empêcher de suivre le programme que j’ai prévu. Mais c’est vrai, à 4-2 pour moi dans le 1er set, j’ai eu mal au petit pec (muscle pectoral, ndlr), côté droit. Ça m’était déjà arrivé par le passé. Dans ce jeu, je fais deux doubles fautes, un peu par peur d’avoir mal, parce que je n’ai pas voulu forcer. Mais si j’ai ensuite demandé un temps mort médical, c’était plus par précaution. 
Je suis rentré dimanche à Paris et lundi après-midi, j’ai vu mon kiné, Grégory Delente (qui est également ostéopathe, ndlr). Il s’occupe de moi depuis novembre dernier et depuis presque dix ans que je suis sur le circuit, c’est la période où j’ai pu le plus jouer sans me blesser. Il est la base de mon projet, il adore le tennis, il prend le temps même s’il suit beaucoup d’autres joueurs. On n’en parle pas assez d’ailleurs de l’environnement médical, mais il a une grande part dans ma réussite. 

Et moralement tu te sens comment ?

Je suis vraiment fier de ce que j’ai fait, même si j’ai quelques regrets sur les matchs que je perds, contre Čilić et avant contre Evans à San Diego. Je me dis que j’ai pu faire la transition entre tournois Challengers et ATP la tête haute. Et que c’est prometteur. En fait, il n’y a pas de barrière entre les deux catégories, ça m’a permis de m’en rendre compte.

Maxime Cressy m’a dit (…) que je jouais très intelligemment

Marin Čilić, vainqueur en Grand Chelem et plusieurs fois finaliste, 16ème mondial et ex-N°3, tu as senti qu’il était un niveau au dessus de tous les joueurs que tu as pu rencontrer avant ?

Alors… (il hésite) C’est plus son nom qui est impressionnant, il était quand même en demi-finale à Roland-Garros cette année… Mais j’avais complètement mérité ma place, je n’étais pas là pour lui demander un autographe (il sourit). D’ailleurs à Tel Aviv, c’est la 1ère fois que je signais autant d’autographes, que je faisais autant de selfies… Mais pour revenir à Čilić, il sert 100 fois mieux que moi !

Tu mènes 5-2 dans la 1ère manche et tu as, à 5-3 puis à 5-4, deux balles de set que tu ne convertis pas : ça te laisse des regrets ? 

Non. Pas sur les deux balles de set en tous les cas. Sur la première, il me fait faire un rallye, qu’il conclut avec une amortie. Et il fait un ace sur la deuxième.

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C’est la tête haute que Constant Lestienne a effectué la transition entre tournois Challengers et circuit ATP 250.

À une manche à zéro pour toi, tu penses que tu aurais pu créer l’exploit ?

Il aurait fallu le gagner, ce 1er set… Mais il aurait réagi, parce que les joueurs de ce niveau ont toujours une réponse, ils savent s’adapter.

Juste avant Čilić à Tel Aviv, tu as battu en quarts Maxime Cressy, en trois manches. Est-ce que tu considères que c’est LA perf de ta carrière ?

Oui, en terme de classement. Mais j’ai déjà battu des gars comme Baghdatis, Verdasco plusieurs fois, Mannarino aussi à Tel Aviv au 1er tour, qui est une référence quand on voit la carrière qu’il a. Pour revenir à Maxime Cressy, il est dix fois moins fort du fond du court que Čilić, qui est plus complet. Maxime a un jeu atypique, avec sa façon d’enchaîner service-volée qu’on ne voit plus du tout aujourd’hui.

Alors comment as-tu fait pour le battre, avec ses services parfois à près de 230 km/h, son service-volée, sa pluie d’aces et de coups gagnants ?

En fait, il y a eu deux étapes dans ce match quand j’étais au retour : au début, j’essayais juste de couper la trajectoire, mais il volleyait facile. Puis j’ai décidé d’anticiper, un peu comme au foot le gardien qui choisit un côté, sur un penalty. Mais là il mettait beaucoup d’aces. Et puis à 5-5 dans le 3ème set, j’ai arrêté d’anticiper et il a peut-être été un peu surpris…
On a discuté après – il parle français couramment – et il m’a dit qu’il trouvait que je jouais très intelligemment, que je ne ratais pas une balle du fond. C’était sympa de sa part. Et je lui ai dit que son service, pour moi, c’était du jamais vu !

Donc Evans, Cressy et bien sûr Čilić, c’est le cran au dessus ?

Le classement veut quand même dire beaucoup de choses, ils ne gagnent pas autant de matchs par hasard. Marin Čilić, il fait une très bonne saison, Evans aussi. Ils étaient en confiance et leur habitude du très haut niveau a pu faire la différence contre moi, c’est sûr.

Tu te surprends toi-même ?

Oui sur les Challengers que j’ai gagnés cet été, mais moins maintenant. C’est plus la confirmation que je peux le faire. Comme je disais tout à l’heure, ça m’a vraiment montré qu’il n’y a pas de barrière à se mettre. Je voulais dire aussi que je suis content d’avoir réussi à bien enchaîner San Diego et Tel Aviv, parce qu’il y a dix heures de décalage horaire. J’avais décidé de prendre un vol en business, beaucoup plus confortable qu’en classe éco comme je faisais d’habitude. Et j’ai bien fait !

Objectif Top 30

Et les villes de San Diego et de Tel Aviv, tu as eu le temps de les visiter un petit peu ?

Non, pas du tout. C’est vrai que quand je peux, quand j’ai le temps, j’aime bien parfois découvrir les villes où je joue. Mais là, j’étais à fond tennis du matin au soir.

Ton programme des semaines qui viennent ?

Je vais jouer à Gijón, en Espagne. C’est aussi un nouveau tournoi ATP 250 (du 8 au 16 octobre), sur dur indoor comme Tel Aviv. Avec un gros plateau (Rublev, Murray, Fognini, Carreño Busta, Bautista Agut sont notamment engagés, ndlr) et je suis aux qualifs. Mon 1er tour est prévu samedi.

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Constant Lestienne a beaucoup aimé l’accueil auquel il a eu droit à Tel Aviv.

Et le Rolex Paris Masters qui aura lieu la première de semaine de novembre, tu sais déjà si tu y seras ?

Non, pas encore. Mais si j’y vais, il faudra que je passe par les qualifs (sauf si la direction du tournoi, la FFT, lui accorde une wild card, ndlr).

61ème à l'ATP, Constant Lestienne est actuellement le 4ème meilleur joueur français, derrière Gaël Monfils, 38ème mondial et N°1 tricolore, Adrian Mannarino et Arthur Rinderknech. Et il précède Benjamin Bonzi, 65ème, Corentin Moutet N°69, Quentin Halys 74ème et Hugo Gaston 79ème. L'Amiénois, 142ème mondial à son meilleur avant cet été, devance à présent d'anciens membres du Top 10 comme le Belge David Goffin, Richard Gasquet ou encore l'Américain Jack Sock.
V.D. 

Tu as la particularité de te déplacer seul sur les tournois, sans ton coach, Julien Varlet. Qu’est-ce qu’il te disait quand tu étais à Tel Aviv ?

Il m’ a surtout donné des conseils sur mes futurs adversaires. Et Charles Auffray (directeur de la French Touch Academy où Constant Lestienne s’est souvent entraîné depuis deux ans, ndlr) me laisse des petits messages. 

Mais contrairement à cet été, notamment à Vancouver, cette fois ta copine n’a pas pu t’accompagner…

Elle a recommencé à travailler, à Paris. Je suis content pour elle, même si c’est toujours un peu dur de ne pas l’avoir à mes côtés.

Tu nous disais enfin, le mois dernier, que tu visais le Top 50 et tu t’en rapproches : penses-tu continuer à fonctionner comme ça à l’avenir ?

Je vise même maintenant le Top 30. Mais je n’ai pas l’intention de changer la façon dont je m’organise.

Propos recueillis par Vincent Delorme
Crédit photos : DR (capture d’écran Eurosport et Instagram Constant Lestienne)
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