Romuald Lemaire, joueur de l’ESC Longueau, a eu la chance cette saison de jouer avec ses deux fils sur le terrain en match officiel. Un événement rare, que l’attaquant de 44 ans savoure plus que jamais au crépuscule de sa riche carrière sportive.
Le 13 mars dernier, à l’occasion d’un 8ème de finale de coupe de la Ligue, l’arbitre s’est demandé s’il ne voyait pas flou sur la feuille de match. Trois “Lemaire” jouaient en même temps sur le terrain. Un fait rarissime, fruit d’un “concours de circonstances, se rappelle Romuald. Il manquait un joueur, on passe un coup de téléphone à Timéo, mon deuxième fils. À trois sur le terrain, c’était incroyable, surtout en match officiel, jamais je n’aurais pu espérer ça, d’ailleurs, j’ai dit à mon père de prendre une photo parce que je crois que celle-ci vaut de l’or.” Un moment rare, sans doute unique pour la famille, puisque barbe et cheveux grisonnants vont de paire avec une carrière de joueur longue de 22 ans.
À 44 ans, l’Amiénois se sait plus proche de la fin que du début et “savoure chaque instant”, préférant pour le moment ne pas réfléchir à l’après. Comme lui, ses deux enfants ont préféré suivre ses pas en tapant dans le ballon plutôt que d’écumer les pistes d’athlétisme comme leur mère. “Quand on y pense, c’est fou le nombre d’heures qu’on y passe, ça en fait du temps passé pour vivre notre passion” constate à voix haute le paternel de cette “famille de footeux”.
Le plus grand de ses fils, Yaël est d’ailleurs passé par les centres de formation de l’Amiens SC et de Boulogne-sur-Mer, avant que le covid et une grave blessure ne mettent un frein à sa carrière. L’étudiant en STAPS tente de se relancer à Longueau et joue désormais tous les week-ends en Régional 1, aux côtés de “Monsieur conseil” comme il aime l’appeler. Une situation que les intéressés vivent avec enthousiasme. Sur le terrain, “on se considère comme des coéquipiers” explique le plus âgé, “s’il doit m’engueuler, il le fait, c’est déjà arrivé, mais ça reste mon fils”.
International français
Le vétéran de l’ESC Longueau, au club depuis 2018, a un parcours atypique, puisque la majorité de sa carrière sportive s’est déroulé dans le microcosme du foot entreprise. Grâce à ses performances avec les Hospitaliers d’Amiens, où il travaille toujours, l’attaquant a connu “le Graal pour tout sportif” : porter le maillot de l’équipe de France. Qui plus est, avec le brassard au bras. Des souvenirs impérissables, que cet amateur n’aurait jamais pu connaître en suivant un parcours classique.
Parmi ses coéquipiers de l’époque au CHU, il croise la route de son futur entraîneur, Sébastien Léraillé. Le coach de Longueau se souvient de son “capitaine”, qu’il débauche après la disparition des Hospitaliers, pour en faire “son joueur”, malgré le scepticisme de certains. “Ce n’était pas un pari, parce que je connaissais sa faculté à se remettre en question. J’avais besoin de relais à l’époque quand je suis arrivé, et après quatre ans de travail commun, il est toujours là, à un moment donné on croit qu’il va disparaître des radars et il réapparaît, je lui tire un grand coup de chapeau parce que ce qu’il fait aujourd’hui à 44 ans, c’est exceptionnel.”
Cette force mentale, il a dû en user en début de saison pour se relever, avant de s’imposer dans le onze. Après une élimination précoce en coupe de France, contre une équipe de division inférieure, le numéro 11 est envoyé en réserve par son coach. “Il y a eu une période où je ne l’ai pas fait jouer, il a cru qu’il était placardisé, ce n’était que des choix dans mon management” se justifie le technicien longacoissien. Avant de louer à nouveau l’attitude de son joueur, “Il a toujours été irréprochable, il n’est jamais venu se plaindre, on a échangé. Il n’avait pas ses facultés pour jouer, je ne l’ai pas écarté, il s’est toujours entraîné, il a été blessé, il a toujours fait partie du groupe, il a cette faculté mentale à se remettre au travail, c’est un exemple pour l’ensemble des joueurs de la Somme.”
Un mental à toute épreuve
S’il a réussi à se remotiver, le doyen du vestiaire a tout de même pensé raccrocher les crampons, “Je l’ai un peu mal vécu, mais ça fait partie du foot. Je suis passé par toutes les étapes, j’avais un mélange de plein de sentiments, de la colère, de la frustration, de l’incompréhension… Je me suis posé beaucoup de questions. Est-ce que je vais pouvoir changer la donne ? Finalement, je n’ai pas lâché, j’ai continué à travailler en réserve, je me suis accroché, parce que ce n’était pas une situation facile à vivre. »
Le buteur profite des blessures pour revenir en équipe première à l’occasion du derby face à Camon. Lancé à dix minutes du terme alors que le score est de 1-1, il offre une passe décisive à Charles Duvauchelle pour le but de la victoire, sur son premier ballon. La semaine suivante, il se mue en buteur contre Abbeville (2-2). De supersub, le vétéran retrouve une place de titulaire et participe à la très bonne deuxième partie de saison de l’ESC Longueau, toujours en course pour la montée en National 3.
Avant de réfléchir à la saison prochaine, Romuald Lemaire profite de ces moments de partage sur le rectangle vert. L’inoxydable attaquant n’avait pas voulu “finir sur une année covid” et après avoir failli s’arrêter en équipe B, il peut encore rêver à la montée, la deuxième depuis son arrivée au club.
Julien Benesteau
crédit photos : Kevin Devigne – Gazette Sports et DR