FOOTBALL – Sébastien Léraillé : « Un bon entraîneur doit être un bon pédagogue »

Football Cdf Longueau V Cambrai Kevin Devigne Gazettesports 101
Ⓒ Gazette Sports
Publicité des articles du site GazetteSports

Entraineur et responsable technique de l’ESC Longueau, Sébastien Léraillé s’est livré pour Gazettesports sur sa façon de voir le rôle d’entraîneur, son rapport à l’aspect tactique mais aussi sa façon de recruter.

Quelle est votre approche vis-à-vis de la tactique ? Avez-vous un système de référence ? 

publicite cit dessaint 2 gazette sports

Non, je n’ai pas de système de référence que j’essaye d’imposer à mon équipe. J’ai plutôt une démarche éducative et j’adapte mon système à mon équipe. Après je pense que les joueurs doivent être capables d’évoluer dans plusieurs schémas. Mais le plus important est la façon dont on anime le système. Que ce soit l’animation dans les couloirs, offensivement ou défensivement, c’est cela qui fait vivre le système. Je n’ai donc pas de système favori, j’essaye de partir sur des systèmes de jeu hybride capable d’évoluer en cours de match. Cela permet de répondre plus facilement aux problématiques posées par l’adversaire. Mais c’est surtout aux joueurs d’avoir l’intelligence de pouvoir, avec les différents systèmes, réagir en cours de match de façon collective et individuelle.

J’ai plutôt une démarche éducative et j’adapte mon système à mon équipe.

Pour vous le choix du système dépend donc avant tout des joueurs que vous possédez ?

Cela ne dépend pas de la qualité des joueurs mais de leur profil. Après il faut être capable, comme c’est le cas quand tu repars sur une nouvelle saison, de trouver des profils complémentaires et qui correspondent à ce que tu souhaites mettre en place. On a cette chance que l’effectif va très peu bouger cette année, on a donc pu identifier les manques et les profils qu’ils nous manquaient. Après je fais jouer les qualités de mes joueurs mais il faut aussi être attentif à leurs défauts et être capable de trouver un équilibre entre les phases offensives et défensives. 

Est-ce qu’il est pour vous important de savoir s’adapter à l’adversaire ?

C’est quelque chose d’important et ça fait partie de la tactique. Dans notre épopée en Coupe de France on a su s’adapter sur les 3 derniers matchs. Face à Lambres-lez-Douai on est tombé sur une équipe très athlétique. Le plan de jeu était de faire la différence rapidement, ce que l’on a réussi à faire ensuite on a souffert physiquement mais on a été capables de faire le dos rond et de contrer sur la fin. Face à Blois on a fait un gros travail à la vidéo pour bien les étudier et l’idée était de plonger dans le dos car on savait qu’ils allaient avoir la possession. On voulait donc sortir rapidement dans le dos de l’adversaire, en étant solide et compact défensivement, ce que l’on a réussi. Face à Lannion, on est allé les voir jouer une semaine avant et je n’avais pas trouvé ça terrible. En plus il avait perdu leur capitaine qui est un ancien joueur professionnel et un cadre de l’équipe. On se dit alors que c’est largement prenable mais quand ils sont arrivés à Longueau c’était une autre équipe. Ils jouaient pour un 32ème de finale de Coupe de France et je n’avais pas pris ce paramètre en compte. C’était un match équilibré et l’on perd aux pénaltys avec un peu de regrets car il y avait de la place mais je pense que l’on n’a pas forcément joué comme on aurait dû. On avait décidé de leur laisser le ballon mais je pense que l’on aurait dû aller les chercher plus haut pour les mettre en difficulté. C’est aussi ce genre de match qui permet de progresser et d’apprendre tactiquement que ce soit pour l’entraîneur, le staff mais aussi les joueurs. S’adapter à l’adversaire ce n’est pas un signe de faiblesse du tout, cela ne signifie pas que l’on renie notre jeu. Un match de football c’est aussi une partie d’échecs et il faut savoir faire déjouer son adversaire.

Changer de système pour s’adapter à une équipe c’est pour vous une preuve de faiblesse ? 

Je ne dirais pas changer de système, parce que le système de jeu, le projet de jeu et la mise en place tactique sont des thématiques différentes. Le système de jeu est ta situation de référence et la façon dont tu mets tes joueurs sur le terrain. L’animation c’est comment tu vas faire vivre ton système sur le plan offensif et défensif et poser des problèmes à l’adversaire. Le projet de jeu c’est le fil conducteur de ce que ton équipe est capable de faire. Depuis que l’on est remonté en R1, on a commencé à faire évoluer cela. L’année de la R2 on a été énormément sur la possession, maintenant on est plus hybride. On différencie les phases de jeu dans le match et l’on accepte plus de ne pas avoir la possession et de jouer en transition par exemple. 

Comment travaillez-vous l’aspect tactique au quotidien ?

Il y a de multiples manières de travailler cela. On utilise la vidéo mais aussi du travail bloc contre bloc, des situations de 10-0. On travaille aussi par ligne avec du spécifique selon les postes mais aussi par zone de jeu en ligne, par couloirs par exemple. On essaye aussi de travailler la connexion entre les joueurs et les lignes. Il y a beaucoup de choses et de façons de travailler. On essaye à chaque fois ou du moins le plus possible, de rendre cela attrayant et d’y intégrer le ballon. Pour réussir cela il faut intégrer et intéresser les joueurs. 

Depuis que vous entraînez, votre façon de voir le football a-t-elle évolué ?  

Mes joueurs m’ont fait évoluer et m’ont ouvert les yeux sur certains points. Ils m’obligent au quotidien à me remettre en question et à chercher des réponses aux problématiques posées. Chaque saison est différente et je suis en perpétuelle réflexion sur le plan tactique. Après, pour moi la tactique c’est avant tout l’intelligence pure et dure du joueur. Tu peux avoir de très bons joueurs qui ne sont pas très intelligents dans le jeu et ne sont pas capables de jouer sans ballon par exemple. Tu peux aussi avoir des joueurs plus lambda mais qui ont un QI footballistique élevé et qui vont par leur simple mouvement créer des espaces et offrir des solutions. Donc aujourd’hui la tactique c’est être capable un moment donné, sur un instant T, d’avoir une réflexion et l’intelligence pour être capable de poser une problématique et d’en résoudre une. 

Il y a beaucoup de bons joueurs, selon-vous c’est cette « intelligence de jeu » qui fait la différence ?

C’est une donnée qui est devenue primordiale dans le football moderne. Il faut le travailler chez les jeunes dès l’âge de 10-11 ans. Il faut être capable d’avoir une réflexion permanente : quand j’ai mais surtout quand je n’ai pas le ballon. Et être en mesure d’identifier les problématiques que je peux poser et que l’on me pose. C’est aussi ça qui va faire la différence entre un bon et un très bon joueur. 

Comment définiriez-vous le rôle d’entraîneur aujourd’hui ? 

Un bon entraîneur doit être un bon pédagogue, être à l’écoute de ses joueurs et surtout les connaître parfaitement.  Je l’ai appris de mon groupe avec qui j’étais au début, vraiment à 100% football. Je me suis rendu compte au fur et à mesure que le relationnel était aussi important que le reste. Quand un joueur est moins bien en arrivant à l’entraînement ou même en match, il faut être capable de le voir. Et pour cela il faut les connaître et partager des moments hors football aussi avec eux. Après il faut être capable de les amener à croire et manger ce que tu veux mettre en place. Si tu arrives à faire ça ils vont te suivre à 100%, sinon ce sera plus compliqué de les impliquer à 100% dans le projet. Ensuite il faut pouvoir les mettre dans les bonnes dispositions et avoir des résultats. 

Qu’est-ce que vous regardez chez un joueur avant de le recruter ? 

Je regarde avant tout le côté humain. Pour moi c’est important de recruter avant tout un bon mec, capable d’avoir le bon état d’esprit. Si c’est un bon footballeur, tant mieux, il y en a qui sont un peu moins forts mais je veux avant tout qu’ils partagent les valeurs du groupe. C’est très important pour la cohésion. Les attitudes en dehors reflètent celles que l’on a sur le terrain c’est aussi pour cela que j’y porte autant d’attention. Après j’ai la chance d’avoir beaucoup entraîné dans la Somme donc j’ai mon réseau. Après cela se limite à la Somme en dehors je n’ai pas spécialement de réseau, d’ailleurs dernièrement un club de N3 m’a contacté pour savoir si j’avais un réseau dans le Pas-de-Calais mais ce n’est pas le cas. On ne peut pas avoir des réseaux partout mais je pense que si je suis arrivée là où je suis, je ne le tiens pas qu’à moi. C’est aussi grâce à mes joueurs, à mon staff, mon président. Aujourd’hui ce sont mes joueurs qui me font progresser car ils me mettent, à travers leurs attitudes, leurs réflexions, leurs échanges, dans une démarche de réflexion perpétuelle pour répondre à leurs demandes. 

Je regarde avant tout le côté humain

En tant que coach, qu’est-ce qui est le plus important : gagner ou bien jouer ?

Le plus important pour moi c’est l’image que l’on renvoie du club de Longueau au travers de nos prestations et surtout de nos attitudes. Depuis plusieurs années on réalise de bons parcours en Coupe de France, on est sur de bonnes performances en championnat avec de plus en plus de régularité. Après si l’on gagne 10 match 1-0, que tu joues la montée tu ne vas pas t’en plaindre même si tu es nul dans le jeu. Après je regarde le contenu car ça compte, mais pour moi le plus important ce sont les attitudes. Après il y a des matchs où le contenu va être plus ou moins bien mais je ne me focalise pas forcément là dessus. Après le résultat est important car on a des objectifs mais les attitudes c’est vraiment ce qui me préoccupe le plus. Si l’on n’a pas les bonnes attitudes, on ne peut pas avoir de bons résultats et on l’a vu sur certains matchs ces dernières saisons. 

Quand on est un club amateur comme Longueau, le réseau de recrutement est finalement très limité ?

Aujourd’hui, il y a des clubs comme l’ASC, l’AC ou Camon qui sont les clubs phares de la Somme avec Abbeville puis derrière il y a Longeau. Il y a aussi des clubs comme Montdidier ou Gamaches qui sont en Ligue. Je pense que l’on est encore loin en termes de visibilité notamment sur ces clubs mais je ne travaille pas pour rattraper ce retard ou être au-dessus d’eux, ça ne m’intéresse absolument pas. Je travaille pour structurer le club dans le temps. Il y a eu un avant Léraillé, un pendant et il y aura un après. J’essaie de laisser la plus belle empreinte possible sur la structuration et le fonctionnement du club. Après forcément les joueurs que l’on fait venir sont du coin et l’on essaye de se démarquer pour les convaincre. C’est là que le réseau est aussi important. 

Quand vous faites venir un joueur, est-ce que vous consultez votre groupe ?

Il y a un noyau de joueurs cadres avec qui je peux discuter selon les joueurs. Ça peut arriver mais ce n’est pas tout le temps le cas. Après je reste le seul décisionnaire et je prends mes responsabilités. Si je me loupe sur un choix, je suis le seul responsable. Après ça peut être important d’avoir leur avis, surtout dans l’intégration qui est très importante, surtout dans un club familial comme Longueau. Je veux que les joueurs soient acteurs et au cœur du projet, c’est pour cela que je suis dans le participatif. Après je reste maître à bord et c’est à moi de faire des choix et de prendre des décisions. 

Si je me loupe sur un choix, je suis le seul responsable.

Est ce qu’il est plus difficile de dire à un joueur qu’il ne fait plus partie du projet dans un club familial comme Longueau ?

Non, car si un joueur n’est pas au niveau ou ne rentre plus dans le projet je n’aurais aucun problème à lui dire. Certains en ont déjà eu l’exemple, ils ne faisaient pas l’affaire dans leurs attitudes, je leur ai donné quelques matchs pour se reprendre sinon c’était fini. Ils ont su se reprendre et tant mieux. Je n’ai aucun problème à dire les choses aux joueurs et c’est aussi le rôle de l’entraîneur. Il n’y a pas de stars et de passe-droit et il faut savoir le rappeler par moments quand c’est nécessaire.

Aurélien Finet

Crédit Photo Kevin Devigne Gazettesports.fr