A la barre de Fondation Arthritis – Amiens Naturellement, Victor Eonnet est arrivé à bon port à St François (Guadeloupe), terme de la Mini Transat en solitaire. 14e Pointus sur 24 à l’arrivée de l’ultime étape, il estime avoir « bien navigué » même s’il regrette l’option nord choisie au départ.
Il a franchi la ligne d’arrivée sous une « douche » chaude quatre jours après le Prototype du… météorologue nordiste Pierre Le Roy (TeamWork), vainqueur de la 23e édition de la Mini Transat EuroChef en solitaire. Mais pour comparer ce qui est comparable, Victor Eonnet (Fondation Arthritis – Amiens Naturellement) a pris une très honorable 14e place de sa catégorie, celle des voiliers Pointus vintage. L’Amiénois se classe par ailleurs 8e sur 14 des Pogo 2, avec son bateau conçu il y a près de vingt ans.
« En terme de classement, j’aurais pu faire mieux. » L’Amiénois ne se défile pas. « Le Top 10 des Pointus était réaliste. » La lecture du classement de la 2e et dernière étape, en attendant le classement général officiel, confirme que l’arrivée s’est jouée au sprint dans sa catégorie ! Ce qui n’est pas banal après un marathon de 2700 milles – 5000 km – pour traverser l’Atlantique, de Santa Cruz de La Palma (Canaries) à St François (Guadeloupe). Car en arrivant ce mardi à 18h16 (heure de métropole, 13h16 locales), Victor Eonnet a franchi la ligne finale seulement 3 h et quart après le dixième Pointus…
J’ai égalé le record de vitesse de mon bateau !
Victor Eonnet
« Je me suis bien amusé les trois-quatre derniers jours, confie celui qui n’a pas donc pas beaucoup rigolé au cours des deux premières semaines de la seconde étape… En approchant des Antilles, c’est enfin devenu super marrant à barrer, poursuit Victor Eonnet. Il y avait du vent, alors j’ai très peu dormi. Je tenais le coup avec la caféine dans le Coca. J’ai égalé le record de vitesse de mon bateau – 17 noeuds – et navigué pendant des heures à plus de 10 ou 11 noeuds de moyenne… »
Il en profite alors pour se tirer la bourre avec ses concurrents les plus proches. Et l’Amiénois croque un à un plusieurs rivaux, comme Benjamin Costa, Nicolas Guibal ou l’Espagnol Ignasi Tico Artelejo qui comptaient plus de 50 milles d’avance. Ou encore Hélène Clouet. Il y a match avec le Britannique Marc Claramunt, avec Pierre-Olivier Grand, qui coiffent Victor Eonnet sur le poteau. Mais il devance sur le fil son coéquipier Antoine Bos et Lilian Geolle.
Un grain… de folie au beau milieu de l’océan…
Dans les grains, ces pluies tropicales brèves et chaudes, bien éloignées des pluies trop picardes, le navigateur samarien a donc pris son pied ! Pourtant le premier coup de vent a bien failli le prendre en défaut, même si, pour sa première transat, il était averti du risque : « c’était au tiers de l’étape. Comme si souvent les quinze premiers jours, je n’avais pas grand-chose à faire, j’étais dans la cabine, avec seulement 8 noeuds de vent, quand le ciel est devenu tout noir… Et là un orage énorme ! Le vent est passé à 25 noeuds d’un coup ! Pas le temps de changer les voiles, qui étaient toutes dehors… Et ça s’est mis à souffler à 40 noeuds (NDLR : près de 75 km/h) ! L’avant du bateau s’enfonçait dans les vagues pendant que l’arrière se levait… Le bateau est parti sur le tas »
À 31 ans, s’il découvrait la transat, Victor Eonnet possède néanmoins – et heureusement – une certaine expérience de la navigation, y compris avec du gros temps, comme en Mer d’Irlande lors de son parcours de qualification agité. Les risques, il les connaissait : « que le spi (la grande voile à l’avant) se déchire ou alors casser le mât. Mais en affalant le spi, le pire a été évité savoure-t-il après coup. Et des grains comme ça, j’en ai eu trois ou quatre par jour les dix derniers jours de l’étape. »
L’option Nord, mauvais calcul
Du vent enfin ! Le skipper de Fondation Arthritis – Amiens Naturellement n’allait pas s’en plaindre… « Au début, j’avais l’impression de faire Paris – Moscou sur autoroute mais avec des bouchons tout le temps, bloqué par l’absence de vent ! » image joliment Victor Eonnet. S’il cite Moscou, c’est peut-être inconsciemment parce qu’après concertation avec ses camarades du Pôle Mini de La Turballe, avant le départ des Canaries, le Picard avait choisi l’option Nord, une route plus directe et permettant de bénéficier, à court terme, de davantage de vent.
« C’était une mauvaise stratégie et j’ai persévéré dans mon erreur. Je croyais que l’anticyclone allait se remettre en place… » Pourtant au classement, après six jours de mer, tout baignait pour Victor Eonnet, 19e des Série (sur 62), il était aussi 6e des Pointus, 4ème Pogo 2 et autour du 35e rang de l’ensemble de la flotte. Mais la bascule s’est opérée quand les tenants de la route Sud ont trouvé du vent et coupé la route des « nordistes ».
En une journée à peine, après huit jours de course, l’euphorie retombe ! Tout comme le doyen de la Mini Transat Pierre Meilhat, 14e des Série le 4 novembre et qui est arrivé le dernier, un peu plus de 24 heures après Victor Eonnet, le Samarien dégringole au classement. « J’étais au courant, même si je ne tiens pas à jour une carte avec les positions estimées des uns et des autres, contrairement à ma camarade de La Turballe Anne-Gaël Gourdin, également sur un Pogo 2 (rires) !! » D’un coup, Victor Eonnet se retrouve 51e des Série. « J’ai alors arrêté aussitôt de m’occuper de la course des autres pour ne pas me démoraliser. »
C’est avec une déconvenue de ce genre que l’ingénieur performance de Clarins à Glisy a apprécié les bienfaits du travail effectué depuis un an et demi avec le coach mental Franck Blondeau, à Amiens : « j’étais impatient en permanence, résume le skipper. Mais à un niveau raisonnable. Je n’ai pas fait de grosse bêtise, pas eu de pépin physique. Pas de casse à bord non plus ». A comparer et comme prévu, la 1ère étape dans le golfe de Gascogne avait été plus compliquée.
Hugo Dhalenne (le vainqueur en Série) a un talent fou !
Victor Eonnet
En approchant de l’arrivée finale, Victor Eonnet a repensé à tout ce qu’il avait fait « depuis trois ans pour en arriver là. C’était assez surréaliste aussi de voir tant de monde d’un coup : mon épouse Chloé, qui a alimenté mes réseaux sociaux sans cesse, mes parents, ma soeur… Ensuite, le rhum avec des fruits servi à l’arrivée m’a un peu fait tourner la tête ! Je suis sinon admiratif devant la performance d’Hugo Dhalenne (le Malouin vainqueur final en Série). Il avait pris aussi l’option Nord mais après trois ou quatre jours il a mis le cap au Sud. Il a un talent fou, il change d’avis au bon moment et il va plus vite que tout le monde tout le temps, donc il a un excellent sens du réglage ! Quant à moi, je me repose avant de ranger le bateau, qui sera rapatrié vers la métropole par cargo. Et on va faire la fête, des potes vont arriver ce week-end ! Avant une semaine tranquille ici avec Chloé. » Puis début décembre, il sera temps de retrouver Amiens, le boulot. Et aussi de partager cette expérience unique de navigateur transatlantique en solitaire.
Classement de la 2e étape de la Mini Transat 2021 :
PROTO : 1. Pierre Le Roy (FRA – TeamWork) en 13 jours 23 heures et 2 min
2. Fabio Muzzolini (FRA – Tartine Sans Beurre) à 14 h 11 min
3. Tanguy Bouroullec (FRA – Tollec MP) à 1 j 3 h et 54 min
etc.
SERIE : 1. Hugo Dhalenne (FRA – YC St Lunaire) en 15 j 23 h et 32 min
2. Alberto Riva (ITA – EdiliziaAcrobatica) à 56 min
3. Loïc Blin (FRA – Technique Voile – Les Entrepreneurs du Golfe) à 3 h et 34 min
…
7. Basile Bourgnon (SUI – EdenRed) à 7 h 47 min
…
22. Melwin Fink (ALL – SignForCom) à 20 h et 11 min
23. Ronan Jezegou (FRA – Diaoulic) 1er Pointus et 1er Pogo 2 à 21 h 14
…
49. Victor Eonnet (FRA – Fondation Arthritis – Amiens Naturellement) 14e Pointus et 8e Pogo 2 à 2 j 2 h et 44 min
…
52. Anne-Gaël Gourdin (FRA – Cassini) à 2 j 3 h et 19 min
…
62. (dernier) Pierre Meilhat (Le Goût de la Vie) à 3 j
Classement général officieux :
PROTO : 1. Pierre Le Roy (FRA – TeamWork) en 21 j 2h et 24 min
2. Fabio Muzzolini (FRA – Tartine Sans Beurre) en 21 j 16 h et 30 min
3. Tanguy Bouroullec (FRA – Tollec MP) en 22 j 5 h et 9 min
etc.
SERIE : 1. Hugo Dhalenne (FRA – YC St Lunaire) en 26 j 2 h et 1 min
2. Alberto Riva (ITA – EdiliziaAcrobatica) à 26 j 18 h et 43 min
3. Melwin Fink (ALL – SignForCom) en 26 j 20 h et 20 min
4. Léo Debiesse (FRA – Les Alphas) en 26 j 20 h et 36 min
5. Anne-Claire Le Berre (FRA – Rendez-Vous Equilibre) en 26 j 22 h et 42 min
…
50. Victor Eonnet (FRA – Fondation Arthritis – Amiens Naturellement) en 29 j 13 h et 19 min
etc.
Vincent Delorme
Crédit photos : Gazettesports.fr Léandre Leber