L’expérimenté milieu de terrain de l’AC Amiens, Chouaïb Sagouti, s’est confié avant le 8ème tour de Coupe de France. Il évoque le contexte difficile du début de saison et revient sur le lien particulier qui le lie au club, avant de penser à sa fin de carrière de joueur…
Que penses-tu du début de saison de l’AC Amiens ?
On aurait pu faire mieux sur le début de saison. Je pense toujours que l’on peut faire mieux. Je ne me satisfais pas du contexte actuel parce qu’il faut continuer de travailler.
Je n’étais pas là la saison dernière, donc je ne ressens peut-être pas les mêmes choses que le reste du groupe par rapport au contraste entre l’année passée et cette saison. Donc mon regard est un peu différent. J’ai suivi les résultats de l’AC Amiens l’an dernier quand j’étais à Ivry, mais je n’ai pas vécu ce qui s’est passé l’année dernière donc je ne peux pas faire la comparaison.
Qu’est-ce que ça fait de jouer constamment à l’extérieur ?
On prend l’habitude. On se met en mode « extérieur » psychologiquement. J’aime tout type de confrontation, que ce soit à domicile ou à l’extérieur. Un match c’est un match, j’essaye de mettre la même intensité. Mon domicile c’est Jean Bouin. J’aimerais que tous les matchs se passent à Jean Bouin, mais ce n’est pas possible. C’est une écorchure que l’on ne peut pas soigner. C’est compliqué parce qu’on n’est pas chez nous, même à Moulonguet. La véritable énergie dont le club a besoin est à Jean Bouin. Ce n’est pas ailleurs. Moulonguet je connais, ça reste Amiens et on ne crache pas dans la soupe pour autant, mais on n’est pas chez nous.
Lorsque vous avez joué contre Vimy à Moulonguet, est-ce que vous vous sentiez à la maison ?
C’est très compliqué pour nous de se dire que l’on joue à domicile. Pour te dire, je n’ai aucun ami qui est venu au stade, du moins pas des proches. Dans la préparation du match et dans nos têtes, le fait de jouer à domicile ça n’existe pas. C’est un sujet que l’on rejette. Tu as l’impression de dormir chez quelqu’un d’autre. Tu n’es pas chez toi.
Est-ce que ce contexte difficile a soudé le groupe ?
Pour moi c’est inédit, c’est la première année que Jean Bouin n’est pas disponible depuis que je suis à l’AC Amiens. Le football est fragilisé depuis le covid. Il y a peu, certains matchs de Ligue des Champions se jouaient encore à huis clos. À notre échelle il faut se focaliser sur le match en lui-même et faire abstraction, parce qu’on ne peut faire que ça. Il faut aller au combat, aller chercher le maximum de points, essayer d’être solide. Entre nous il doit y avoir une certaine cohésion, pour que tout le monde tire dans le même sens.
La dynamique récente est plutôt positive, la saison est-elle lancée ?
Je suis un éternel insatisfait, je ne dirais jamais que tout ce que l’on fait c’est bien. Bien sûr il faut rester positif, je le reste. Ce qui s’est passé la semaine précédente, c’est derrière nous, on ne pourra rien changer, ce que l’on peut changer c’est ce qui arrive devant.
J’ai vécu de très belles choses avec l’AC Amiens en coupe de France et si c’est à refaire, je suis le premier à aller au front.
En parlant de l’avenir, est-ce excitant de disputer un 8ème tour de Coupe de France ?
Bien sûr ! Ça fait longtemps que je n’ai pas fait de parcours de Coupe de France. Après, le championnat c’est la vie d’une saison, il ne faut pas se tromper d’objectif.
Vous êtes opposés à Feignies-Aulnoye, une équipe qui vous a largement battu en début de saison, comment voyez-vous le match ?
On s’attend à un match difficile. Moi qui suis allé à Feignies quand on a pris ce 4-0 en à peine 30 minutes de jeu, je pense que là on connait l’adversaire, le coach va travailler sur leurs points forts et leurs points faibles. Il faut avoir confiance, jouer sans complexe. Un match de coupe ce n’est jamais comme les matchs précédents, ni ceux d’après, c’est sur le moment. Il faudra répondre présent si on veut vivre une aventure extraordinaire. La coupe c’est un bonus à ne pas mettre de côté. J’ai vécu de très belles choses avec l’AC Amiens en coupe de France et si c’est à refaire, je suis le premier à aller au front.
L’AC Amiens c’est ma famille
J’ai déjà vécu des 32ème où c’était très bien pour le club, mais je venais de me faire les croisés. Je reste un joueur qui a quasiment tout vécu avec l’AC Amiens, sur ces 15, 16 dernières années. L’AC Amiens c’est ma famille. Même en étant à Chambly j’avais toujours un œil dessus, j’ai toujours été proche des joueurs. Avec sa famille en général on vit beaucoup de choses et c’est ce qui s’est passé.
Tu fais partie des joueurs expérimentés du vestiaire, quel rôle as-tu, notamment auprès des plus jeunes ?
Quand je suis revenu cet été à l’AC Amiens, j’ai beaucoup parlé avec le coach (ndlr : Azouz Hamdane) sur le rôle que je devais avoir. Avec le coach et le président on a tout de suite trouvé un terrain d’entente. Je suis arrivé avec un état d’esprit conquérant et je ne voulais pas me tromper. Au départ, le but c’était de me retrouver physiquement et personnellement, avant d’attaquer certaines choses. J’ai eu le covid, ça a été un peu compliqué de trouver mes marques tout de suite.
Mon objectif c’est de finir avec l’AC Amiens.
Le plus important pour moi c’est de mettre en avant ma maturité avant mon égo. Je suis un joueur qui se fixe des objectifs. D’être là à 35 ans c’est quelque chose de précieux. Tout ce qui s’est passé avant c’est derrière moi, je n’essaye même pas de parler avec mon passé. Tout ce que je veux c’est me faire respecter à travers mes interventions, ce que je peux transmettre aux autres et ce que je peux donner. J’ai envie que l’on retienne ça, plus que mon parcours. J’arrive sur des années où l’on ne sait pas quand cela peut s’arrêter. Mais du moment que j’ai encore les jambes et l’état d’esprit je continuerai avec l’AC Amiens, et après j’arrêterai complétement. Je ne me donne pas de temps limité. Mon objectif c’est de finir avec l’AC Amiens.
Après ta carrière de joueur, comptes-tu rester dans le milieu ?
Je pense que oui. Ce qui est bien c’est qu’avec le temps on a un regard un peu plus ouvert. Travailler avec l’AC Amiens ce serait bénéfique pour tout le monde, c’est un club qui me tient à cœur. Au-delà de toutes ces années, on a eu quand même des désillusions, je n’ai parfois pas été d’accord avec le coach, il n’a pas été d’accord avec moi, et aujourd’hui on se retrouve, ça veut dire que quoi qu’il arrive on a cultivé quelque chose de sain. Les erreurs que j’ai pu faire dans le passé je m’en rends compte aujourd’hui. Il y a plus de bonheurs que de malheurs dans tout ça. Aujourd’hui j’apprends un peu plus, je suis plus à l’écoute.
Aujourd’hui à 22 ou 23 ans, j’en ferais 10 fois plus. Je me tuerais à la tâche parce que c’est ce qu’il faut.
Il y a le devoir de transmettre aux plus jeunes. Ce qu’il faut transmettre, c’est l’histoire du club. Je suis un garçon issu de la génération 86 et j’ai connu les plus anciens du club comme Farid Bouras avec qui j’ai travaillé quand j’avais 17 ans. J’aimerais que des jeunes du quartier aient ce parcours. J’ai traversé les époques et ça m’a fait un bien fou. J’ai côtoyé tellement de joueurs à l’AC Amiens avec qui l’on a vécu des moments extraordinaires. Il faut avoir ce travail de fond au quartier Nord parce qu’on ne revoit pas les mêmes choses qu’avant. Nous, à 18 ans, on était six ou sept à être issu du quartier nord et on avait ce rôle de reprendre la relève. Aujourd’hui on le voit moins, il faudrait que ça repasse par là pour que tout perdure et que l’AC Amiens sorte des joueurs du cru, c’est important.
Il y a moins cette culture du club avec les jeunes d’aujourd’hui ?
Oui bien sûr. Tous ces jeunes qui sont autour de moi, j’essaye de leur transmettre le goût du club de l’AC Amiens et du travail. Parce que sans travail c’est impossible de réussir. Dans cette génération on a plus de moyens pour s’exprimer, on a la chance d’avoir une salle de sport à disposition, des choses qu’on n’avait pas forcément avant. J’aurais voulu être à leur place. Aujourd’hui à 22 ou 23 ans, j’en ferais 10 fois plus. Je me tuerais à la tâche parce que c’est ce qu’il faut. C’est peut-être ce que je n’ai pas fait à 17 ans, parce que je ne m’en rendais pas compte. Aujourd’hui il y a plus d’éléments pour qu’il y ait une réussite, mais il faut avoir le mental.
Propos recueillis par Julien Benesteau
Crédit photo : Kevin Devigne Gazette Sports