Nous avons pu échanger avec Henri-Corentin Buysse, au sortir d’un entraînement spécifique des gardiens. L’international français revient sans complexe sur ses galères physiques et mentales après le TQO et se projette sur la Continental Cup qu’il disputera avec les Gothiques.
Depuis le début de saison tu n’as pas pu enchaîner les matchs, la faute à une blessure aux adducteurs, peux-tu nous en dire plus ?
Le problème est trouvé, traité et normalement on devrait être bon. Je me suis blessé lors du TQO, et ça s’est un peu compliqué quand je suis revenu ici, mais il fallait que je revienne. Je suis sous infiltration, c’est normal, comme chaque année. Ce n’est pas la première fois, ni la dernière.
Arrives-tu à retrouver tes sensations sur la glace ?
Tu m’aurais posé la même question il y a dix ans de cela, je t’aurais dit que c’était un enfer, mais quand tu vieillis ce n’est plus pareil. Ton mental arrive à gérer les choses. Certes ce n’est pas optimal, mais je mets beaucoup moins de temps à trouver le rythme. L’expérience entre en jeu et ça revient plus vite. Après, je ne vais pas dire que là je suis en top forme, mais plus jeune j’aurais plus galéré. Plus jeune, tu as moins confiance. Quand tu es plus âgé, tu sais ce que tu vaux.
Le corps est malade, mais la tête est en vie
Tu seras dispo pour jouer la Continental Cup, c’est un événement que vous attendez ?
Oui, c’est clair que jouer une coupe d’Europe à domicile ce n’est pas donné à tous les clubs, et même dans une carrière de joueur, ce n’est pas donné tout le temps. Je me souviens de l’époque où Amiens jouait la Conti ici, en 1998, j’ai hâte de retrouver ça.
C’est une compétition à laquelle tu as déjà pris part il y a deux ans, qu’est-ce que c’est comme expérience ?
Franchement, c’est sympa, parce que l’on joue souvent les mêmes joueurs en championnat. Même s’il y en a qui partent et d’autres qui reviennent, on connait la plupart des joueurs du championnat. C’est toujours les mêmes équipes. Bien sûr il y a des rivalités, mais de se mesurer à d’autres championnats, il y a un truc qui fait que lorsque l’on joue une équipe que l’on ne connait pas, c’est un peu un mode playoff. On joue beaucoup plus concentré, parce qu’on n’a pas trop d’infos sur l’équipe en face, et on s’attend un peu à tout et n’importe quoi.
Quels sont vos objectifs pour ce weekend ?
Trois matchs, trois victoires, pour pouvoir passer au tour d’après.
Tout le monde doit être motivé…
Là tout le monde est malade (rire), mais oui ! Le corps est malade, mais la tête est en vie. On n’est pas épargné…
Est-ce que ça explique en partie les résultats en deçà des attentes sur ce début de saison ?
On perd 6 points contre Angers, alors que les deux matchs on les a à portée de main, Lucas (ndlr : Savoye) fait le boulot. On gagne 3-1 ici à domicile à la fin du deuxième tiers, et on perd le match 5-3. Arrivé là-bas, on est à 2-2 et Dan (ndlr : Gibb) qui fait très rarement des erreurs, en fait une qui nous coute le match. Pour nous, c’est 6 points de perdu au final. Au niveau comptable on est à dix points, mais on en a laissé pas mal en route sur des petites conneries. Je pense que si l’on avait pu jouer au complet, et si j’avais pu revenir plus tôt, on aurait eu le même rythme, la même dynamique, mais avec des points en plus.
Le dernier match à Angers a-t-il laissé des traces ?
Les gars étaient frustrés, parce que arriver à faire un tel match, malgré les absents… On aurait dû derrière aller chercher les trois points à Mulhouse. Je n’y étais pas, donc je ne sais pas ce qui s’est passé et il n’y avait pas de vidéo (ndlr : fanseat ne fonctionnait pas). C’est sûr qu’une fois que toutes les petites maladies partiront, et que l’on pourra enfin jouer en pleine possession de nos moyens et qu’il arrêtera de faire 70 degrés dans la patinoire (rire), je pense que ça ira mieux.
Vous avez des joueurs d’expérience dans le groupe, qui ont déjà eu des parcours européens, est-ce que c’est un point sur lequel vous pouvez vous appuyer pour ce weekend ?
Bien sûr, les gars qui ont déjà joué en Europe ça sert. En défense on a un joueur comme Pretnar qui est international slovène, on a Lopachuk aussi qui a fait les championnats du monde avec la Biélorussie. C’est à tous ces gars-là, les internationaux, les mecs qui ont déjà fait des coupes d’Europe, de prendre en charge ceux qui n’en ont pas encore fait et d’apporter ce petit point d’expérience. Le plus important dans ces compétitions-là, c’est de garder son calme, ne pas surjouer, ni essayer d’en faire trop, parce que sinon ça ne le fait pas. Il ne faut pas oublier que l’on a trois matchs en trois jours, là c’est surtout la condition physique qui fait que l’on va gagner les matchs ou pas, parce que je pense qu’on est tous des équipes du même niveau sur cette compétition. Ça va se jouer là-dessus.
Ta vie c’est manger, dormir, jouer, manger, dormir
Comment fait-on physiquement et mentalement pour enchaîner trois matchs de suite comme ça ?
Tu bois plus de bières (rire). En vrai, c’est compliqué pour ceux qui n’ont jamais vécu ça. Pour certains, on est habitué à ce truc-là, mais même en étant habitué c’est quelque chose. En fait, on ne s’entraîne pas. Ta vie c’est manger, dormir, jouer, manger, dormir. Tu ne fais rien à côté. Je t’avoue que la vie de famille pendant ces trois jours-là… D’ailleurs ma femme a eu la bonne idée de partir à ce moment-là, donc tant mieux. Tu ne t’occupes de rien d’autre que de toi, de toute façon tu n’as pas le choix, parce que sinon tu n’es pas performant le soir au match et ça il faut qu’il y en ait qui le comprennent. Et ça c’est pendant trois, quatre jours, sachant qu’on rejoue le mardi derrière. Quatre matchs en cinq jours, c’est hockey, hockey, hockey et dormir, manger.
Est-ce une satisfaction d’être à nouveau appelé en équipe de France ?
Oui, j’ai eu le staff en visio hier (ndlr : lundi 18 octobre). Est-ce que je vais aller au stage ? Je n’en sais rien. On verra ce qui se passera, mais je sais maintenant les responsabilités qu’ils veulent me donner. Je suis content de retrouver les gars et d’effacer cette désillusion du TQO.
As-tu eu du mal à te remettre de cette déception du TQO ?
Ça a été plus long que ce que je pensais. Je n’aime pas trop en parler. Les souvenirs sont bons, dans un sens où le niveau était cool. On a joué un mois avec des gars qui ne sont pas de l’équipe, donc des nouveaux joueurs et on joue pour la France, ça c’est cool. Le niveau des matchs c’est cool. Néanmoins, c’était long, parce qu’on était en bulle sanitaire et que l’on ne pouvait rien faire. Mais mine de rien, ta vie est rythmée par un planning, tu es chouchouté, t’as les kinés à plein temps, tu ne te fais pas à manger, c’est cool. Mais derrière, la désillusion est tellement forte, que c’était un enfer.
La désillusion est tellement forte, que c’était un enfer
Je l’ai mal vécu. Il n’y a que quand je joue ici, que ça va. Les premiers matchs c’était compliqué, là ça commence à aller mieux. Il y a des moments où j’ai des petits flashbacks qui font mal. Franchement, je l’ai mal vécu. On m’avait prévenu. Surtout si j’étais avec dix ans de moins maintenant, j’aurais peut-être encore des chances de le faire, là est-ce que j’ai encore une chance ? Pas sûr. C’était la dernière chance. C’est les Jeux Olympiques quand même…
Propos recueillis par Julien Benesteau
Crédit photo : Kevin Devigne Gazette Sports