BOXE FRANÇAISE : Théone Adenet Louvet – « Ce n’est que le premier chapitre »

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Le week-end dernier, Théone Adenet Louvet, pensionnaire de l’ASC Boxe Française, devenait champion du monde junior en boxe française. De retour à Amiens après ce titre, Théone nous a accordé un entretien pour évoquer ce formidable exploit.

Théone, avant de rentrer dans la compétition, il y a eu un coup dur durant la préparation ?

Oui c’est ça, durant un entraînement en stage Équipe de France, à 15 jours du championnat du monde, j’ai ma rotule qui est sortie de mon genou. J’ai dû arrêter l’entraînement, je me suis fait strapper directement et je suis parti faire des radios à l’INSEP où ils m’ont dit que je devais m’arrêter et ne pas utiliser ma jambe. Mais il y avait les championnats du monde donc je ne pouvais pas stopper ma préparation et ils m’ont alors conseillé de ne pas utiliser ma jambe pendant une semaine. Je n’utilisais donc que les poings pour m’entraîner, et perdre du poids. J’ai couru un peu, mais en ligne droite et avec un très gros strapp. C’était compliqué pour perdre du poids avec ma jambe blessée. Je suis arrivé à la compétition avec des petites douleurs. J’ai donc dû gérer les 15 derniers jours de préparation et le championnat avec une blessure.

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Au final, cette perte de poids aurait pu être très problématique…

Je devais arriver à moins de 70 kg à ce championnat du monde, mais comme je n’ai pas pu transpirer à cause de ma blessure, je suis arrivé à la pesée à 69,9kg… J’ai eu beaucoup de chance.

« Je ne vais pas mentir, j’ai eu beaucoup de remises en question, j’ai sombré un peu »

Cette blessure si proche de la compétition a dû te faire peur…

Je ne vais pas mentir, j’ai eu beaucoup de remises en question, j’ai sombré un peu. J’ai paniqué puisqu’avec une jambe comme ça, je ne pouvais pas m’entraîner et je voyais que mon poids ne descendait pas. Je me disais aussi que si je prenais un coup, ma jambe pouvait partir. J’en ai parlé à ma mère, pour aller de l’avant et me donner de la force. Je partais clairement avec un handicap, mais j’ai travaillé mentalement, j’ai pris sur moi et je me suis concentré sur moi.

Sur place, en Tunisie, personne n’était au courant pour ta blessure ?

Non parce que le matin, je mettais un long pantalon, et quand j’arrivais au gymnase, je me cachais dans les toilettes pour ne pas qu’ils voient que j’avais un strapp au genou.

→ Il y a un mois, nous rencontrions Théone afin d’évoquer son parcours

S’ils avaient su, tes adversaires n’auraient pas hésité à viser ta jambe ?

Oui, lorsque tu sais qu’un adversaire est blessé, tu vas chercher à taper là où ça fait mal, c’est logique. C’est pour cela que j’ai caché ma blessure, mais à la fin, lorsque j’ai gagné, je me suis changé devant tout le monde, et là ils ont vu que j’avais un gros strapp à mon genou. 

Parlons maintenant des combats. Comment s’est déroulée la compétition ? 

Lors du premier combat, j’ai rencontré un Serbe que j’ai compté 2 fois, au 1er et au 3ème round. C’était un beau combat, engagé, lui aussi, il m’a touché mais je n’ai pas lâché et je l’ai emporté. Après j’ai affronté le Tunisien l’après-midi, c’était un beau combat, il était dur au mal, il était devant son public, il était déterminé. 

Il combattait devant son public, à domicile, tu as réussi à gérer cette pression de la foule ?

J’étais à fond dans mon combat et ça me donnait encore plus de force quand le public criait pour lui, c’était comme-ci il criait pour moi ! Donc, j’étais vraiment bien, et cela aussi grâce à mon coach de l’Equipe de France, Jerôme Huon, qui m’a très très bien préparé, il m’a mis en confiance, m’a mis à l’aise et m’a permis de m’affirmer sur le ring. Et au final j’ai remporté ce 2ème combat.

Et en finale, tu retrouves le Serbe, celui que tu avais affronté lors du premier combat…

Oui et cette fois-ci c’était en 4x2min alors qu’avant c’était en 3x2min. J’avais donc un peu plus de temps et je me suis mieux posé, je trouve que j’ai bien boxé. Je l’ai compté une première fois, et puis j’ai finalement gagné le combat à l’unanimité des 3 juges. J’avais un genou en moins, et dans les vidéos, on voit que je mets beaucoup plus les poings, je n’ai pas mis énormément les jambes, j’ai dû boxer avec les moyens du bord. Mais je suis fier de moi, de ce que j’ai réalisé, j’ai mieux boxé là-bas que lors de ma finale à Marseille, j’ai eu beaucoup de retours positifs.

C’est une compétition qui s’est parfaitement déroulée finalement ?

Exactement, j’étais déterminé, j’étais focus sur l’objectif, mais je ne pensais pas au titre, je pensais match par match, round round, et petit à petit, sans me mettre la pression, j’ai réussi à remporter le titre. Je suis resté humble, car je sais aussi ce que ça fait de perdre et je suis heureux de ce que j’ai réalisé. Mais pour moi ce n’est qu’une étape, et je veux  aller encore plus loin. Pour moi être un champion ça ne se mesure pas qu’à un titre de champion du monde, ça se mesure à la détermination à gagner. Tant que tu seras déterminé à gagner tu seras un champion, mais quand tu ne seras plus déterminé, tu ne seras plus un champion.

« Moi je veux un récit, je veux une histoire, un peu comme Mohamed Ali, je veux faire quelque chose de grand »

Qu’elles ont été tes premières pensées quand tu es devenu champion du monde ?

Au début, je n’ai pas réalisé, car j’étais vraiment éprouvé par le combat. Mais ensuite j’étais content, j’étais heureux, j’ai pensé à ma mère, j’ai pensé à tous les sacrifices que j’avais fait. C’est vraiment une grosse ascension, un truc bien, mais ce n’est pas fini. Moi je veux un récit, je veux une histoire, un peu comme Mohamed Ali, je veux faire quelque chose de grand. Je suis la preuve que les jeunes qui viennent des quartiers peuvent faire de grandes choses dans le bon sens du terme.

Tu parles de récit, on peut dire qu’il commence bien avec ce titre mondial…

Il commence très très bien, mais moi, je veux toujours rester humble, pour moi, dans ma tête, je n’ai rien fait. C’est bien ce que j’ai fait mais ce n’est que le premier chapitre, et je compte en avoir beaucoup d’autres. Donc je le prends comme un exemple pour les enfants, pour les clubs, pour les Amiénois, pour montrer qu’ici c’est une petite ville, mais il y a beaucoup de gens qui travaillent très dur.

Quelle va être la suite pour toi ?

Je passe en senior l’an prochain, ça sera très difficile, il faudra être à la hauteur de l’attente, mais pas de pression non plus. Maintenant j’ai compris des choses, ça m’a fait grandir l’expérience en Tunisie avec l’Equipe de France. Donc j’ai hâte d’être à l’année prochaine pour montrer ce que je sais faire.

La fierté d’un coach

La joie été grande également, pour Mohammed Oudji, son coach à l’ASC Boxe Française, qui travaille avec lui depuis de nombreuses années :

« Je suis très content, car ce sont 6 années de travail qui sont validées avec ce titre. Je savais à mon retour en 2014 qu’il fallait 5 ans pour pouvoir sortir une nouvelle génération de boxeurs, ce qui fut fait avec Théone. Ça a été un travail de tous les jours, mais Théone s’est donné les moyens de ses ambitions. Moi j’ai mis ma vie privé en suspens, j’avais quand même un air de revanche et je savais que si j’avais pu le faire à l’époque, je pouvais encore réussir aujourd’hui à sortir des champions. Et ce n’est pas fini, on a toute une génération, qui va de 99 à 2003 qui va rayonner les prochaines années ! »

Propos recueillis par Quentin Ducrocq

Crédits photos Leandre Leber Gazettesports.fr

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