Adjoint de Sébastien Léraillé lors de la montée en N3 puis de son successeur Christophe Huck, Pierre Bourdet s’arrête sur cette année 2022 pleine d’émotions pour l’ESC Longueau.
Comment avez-vous vécu vos débuts en N3 ?
On ne va pas se mentir, moralement c’est très compliqué. Je n’ai jamais vécu ça de perdre ses 10 premiers matchs, que ce soit en tant que joueur ou sur le banc, c’est une situation inédite qui est difficile. On savait que ça allait être compliqué mais pas à être dans cette position…
Il y a des matchs clef où l’on aurait pu faire basculer la saison dans une autre dimension, comme Lambres ou Croix, à domicile. Ce sont des matchs qui ont basculé d’un rien et lors desquels on aurait dû prendre des points. On connaissait la difficulté du championnat mais on savait aussi qu’il allait y avoir d’autres promus avec nous, qui aujourd’hui s’en sortent mieux.
Est-ce que cela gâche la montée historique que vous avez vécue ?
Non, car la montée personne ne nous l’enlèvera et on l’a méritée ! On s’est battu sur le terrain pour avoir le droit de monter en N3 et quoi qu’il arrive, on restera comme la première équipe à avoir mené Longueau en N3. Il ne faut surtout pas se dire que l’on n’aurait pas dû monter et savourer. On a vraiment mérité, n’en déplaise à certains, notre place en N3. Aujourd’hui, on y est et on se bat du mieux possible. Il y a un fossé avec la R1, tu joues contre des réserves professionnelles ou des équipes qui ont un savoir-être et du vécu à ce niveau là.
C’est un début de saison qui est aux antipodes de ce que vous aviez vécu l’année dernière, finalement ?
C’est totalement différent. L’année dernière, on avait pour objectif de se maintenir le plus rapidement possible dans un championnat très homogène, puis de voir ce que l’on pouvait jouer. On se rend compte que l’on peut finalement jouer le haut de tableau et sans se prendre la tête, car on n’est pas forcément programmé pour monter, on se prend au jeu.
On a vécu une fin de saison haletante, avec des occasions ratées que l’on aurait pu payer cher et finalement un dernier match décisif à Dunkerque, dans un superbe stade, avec un public venu nombreux. On est allé chercher notre montée sur le terrain, avec aussi ce brin de réussite qui a souvent été de notre côté. C’est une saison magique et historique pour le club, que personne n’oubliera. Cette saison, c’est totalement différent et on ne peut pas comparer car ce n’est pas du tout le même niveau. Après, il est vrai que ce brin de réussite que l’on avait, on ne l’a plus du tout, mais ça fait partie du football. Et la réussite, ça se provoque aussi…
La montée est votre plus beau souvenir avec ce groupe ?
Le plus beau, je ne sais pas car on a vécu de très beaux moments depuis plusieurs années. Si la montée en R1 a été moins riche en émotions, ça reste un très bon souvenir. Surtout on a vécu des moments extraordinaires en Coupe de France, avec des grosses rencontres et plusieurs exploits. Ce sont des émotions différentes qui sont dures à classer, mais qui restent, quoi qu’il arrive, de bons souvenirs. Une chose est sûre : cette montée restera historique pour Longueau.
On prépare les choses du mieux possible (…), les joueurs travaillent bien. Et parfois, en deux secondes, ce que tu as préparé vole en éclats…
Est-ce que l’on se dit qu’on s’est complètement raté dans ses choix, après ce début de saison ?
Forcément, il y a des choses que l’on n’a peut-être pas bien faites mais on ne s’est pas complètement plantés, car on est loin d’être ridicules dans le contenu. Je prends la responsabilité au début, car le coach ne connaît personne et je fais un peu le relais. On décide, avec le président et l’accord du coach, de conserver l’ensemble du groupe car ils ont mérité d’y être.
Ensuite, on fait un recrutement tardif, avec des moyens limités, comme on le sait. On a essayé de recruter local en répondant au mieux à nos besoins. On était parti sur une défense à 4 mais on a vite vu que l’on était fragiles défensivement, on est alors passé à 5 pour se solidifier. Cela a plutôt bien marché au début avec beaucoup moins de buts encaissés.
Après on se met trop souvent en difficulté bêtement, cela gâche un peu les efforts fournis et nous empêche de prendre des points lors de bonnes prestations. Après, les choses se sont enchaînées dans le mauvais sens et il y a aussi une confiance qui a disparu au fil des matchs. On prépare les choses du mieux possible avec des séances vidéo pour mettre des choses en place, mais on ne peut pas tout prévoir. Et parfois, en deux secondes, ce que tu as préparé la semaine vole en éclats… Une fois ce verrou psychologique des premiers points sauté, on verra un autre Longueau.
De l’extérieur, en voyant le classement, beaucoup pensent que l’équipe est loin de son niveau et ne travaille pas bien. Ça doit être frustrant pour le staff, sachant tout ce que vous faites ?
C’est surtout frustrant pour les joueurs car ils se donnent vraiment à fond à chaque séance et travaillent bien. Cela ne se traduit pas pour le moment au classement mais je vous assure que les joueurs bossent la semaine. Le staff fait aussi beaucoup d’efforts pour mettre des séances de la meilleure qualité possible, on fait de l’analyse vidéo de nous, de l’adversaire. Malheureusement, trop de petites erreurs sont commises et à ce niveau là, ça ne passe pas. On avait une certaine marge l’année dernière que l’on n’a pas cette année. On est sur le fil du rasoir et on n’a pas le droit à l’erreur. Après, le travail finit toujours par payer et les mecs ne trichent pas à l’entraînement. Ils seront récompensés à un moment donné.
Quels sont vos objectifs sur cette deuxième partie de saison ?
L’objectif reste le même qu’en début de saison, c’est-à-dire le maintien. Ça peut paraître fou, mais mathématiquement rien n’est fini. On est des compétiteurs et on se doit d’y croire, même si ça paraît impossible. On va déjà essayer de bien finir la phase aller avec les trois derniers matchs et notamment les deux derbys (contre l’AC Amiens puis l’Amiens SC (b), les deux à domicile en janvier, ndlr). Il faut que l’on essaye d’inverser la tendance dès la reprise et de lancer une série positive. Si l’on retrouve de la confiance, la roue va tourner et qui sait… Au-delà d’aller chercher le maintien, on veut montrer un autre visage et prouver que l’on n’est pas à notre place.
Il y a aussi un sentiment de fierté, j’imagine ?
Aujourd’hui, on nous parle tous les jours du fait d’être derniers avec zéro point, que ce soit dans notre vie professionnelle et privée, sur les réseaux sociaux, donc forcément, ça pèse. On est un peu la risée du foot amiénois et certains sont contents de nous voir dans cette situation. On a envie de montrer que l’on vaut mieux que cela. Pour notre fierté personnelle mais aussi pour l’image du club, on se doit de faire mieux. Surtout que, j’en suis persuadé, on est capables de mieux avec ce petit truc en plus, car les garçons le méritent.
Il faut faire preuve de plus de malice, de vice.
Comment le groupe vit-il cette période compliquée, au plan sportif et extra-sportif, après une saison où l’on avait l’impression que rien ne pouvait vous arriver ?
Ce n’est évident pour personne. Après, les tensions ça fait partie d’un groupe. L’année dernière, il y a eu aussi des tensions dans le groupe et c’est normal mais on avait de bons résultats donc c’était plus facile de passer à autre chose. Cette saison, le staff a changé, on est sur un nouveau projet bien différent de l’année dernière. Et comme les résultats ne sont pas présents, c’est plus compliqué de gérer les tensions car tout le monde est un peu plus à cran. Après, dans n’importe quel groupe, il y a des désaccords dans une saison.
Vous arrivez à retenir du positif depuis le début de cette saison ?
Oui, tout n’est pas à jeter, loin de là et c’est une expérience nouvelle pour beaucoup. Chacun va apprendre de cette saison, quelque soit l’issue. Pour certains, c’est nouveau d’évoluer à ce niveau, il y a de l’apprentissage. Il faut faire preuve de plus de malice, de vice, que l’on n’a pas encore assez. On est parfois encore trop gentils. On s’appuie sur un collectif, plus que sur des individualités. Certaines équipes ont des joueurs capables de faire la différence à n’importe quel moment, ce n’est pas notre cas. Chez nous, c’est plus le collectif qui prime, comme l’année dernière mais le niveau est différent et pour le moment ça ne marche pas. La moindre erreur est payée cash et on doit travailler là-dessus pour être capables d’être concentrés à 100% pendant 90 minutes.
Certains vont sûrement vite penser à la suite : ça va être une donnée à gérer pour le staff ?
Pour le moment, tout le monde tire dans le même sens et croit encore à l’exploit. Quoi qu’il arrive, chacun à intérêt à être performant. Après, on pense à l’avenir et on sait que quand tu descends, ça peut aller très vite, comme on l’a malheureusement vu avec certaines équipes du coin. On va donc faire en sorte que, quoi qu’il arrive, l’année prochaine, il y ait une équipe compétitive.
Il y a une très bonne préformation à Longueau et c’est, je pense, important de s’appuyer dessus pour la suite. On va peut-être en intégrer un peu plus en réserve et pourquoi pas en première, même si pour le moment, on pense surtout à la suite de la saison. Ce groupe a vécu tellement de choses depuis plusieurs années que l’on se dit qu’une deuxième partie de saison de folie et un maintien qui se joue sur le dernier match ne sont pas à exclure… Ça semble utopique mais le football est fait de belles histoires et il faut n’avoir aucun regret et continuer de saisir les chances qu’il nous reste. Après, il faut aussi garder le maximum de joueurs concernés pour cette saison et celle à venir.
Aurélien Finet
Crédit photo : DR (Facebook Pierre Bourdet) – Kevin Devigne et Louis Auvin – Gazette Sports