Double champion du monde juniors du saut en longueur, le sociétaire de l’Amiens Université Club Erwan Konaté était l’invité du président de l’Amiens SC Bernard Joannin, à l’occasion de la rencontre de Ligue 2 contre Saint-Étienne samedi dernier. Erwan Konaté, 19 ans seulement, est licencié dans un club amiénois, il réside avec ses parents à Saint-Fuscien mais il faut le reconnaître, sa vie est plutôt à Paris et à l’INSEP, où il s’entraîne régulièrement.
Erwan Konaté est incontestablement le champion amiénois qui aura le plus de chances de briller aux Jeux Olympiques Paris 2024. Il nous a confirmé qu’il voulait absolument ramener une médaille à sa ville, ce qui ne s’est plus produit depuis le nageur Jérémy Stravius, en 2016 et 2012.
« C’est toujours un plaisir pour moi de venir supporter l’équipe de ma région. D’autant que c’est un match important. Alors je suis vraiment heureux de participer à ma façon à ce match. Moussa Konaté, (ancien buteur de l’ASC, ndlr) qui est mon oncle, a été porteur au niveau du foot pour la ville d’Amiens. Moi ce que j’espère, c’est aussi d’être porteur de mon sport à Amiens. Et surtout de rapporter une médaille à ma belle ville durant les JO.
Car en 2024 vous serez toujours à Amiens ? Vous ne ferez pas comme le nageur Enzo Tesic ?
Oh non, loin de moi cette idée !
Pourquoi vous êtes-vous spécialisé dans le saut en longueur ?
Je suis venu à cette discipline car j’avais remarqué qu’il y avait un record qui datait. Et contrairement au 100 m qui ne dure que dix secondes, je voulais qu’au moment de mes sauts, le public puisse m’encourager et ce public me donnerait ainsi cette adrénaline que nulle autre spécialité pourrait m’apporter, à part peut-être le triple saut. Le saut en longueur, c’est quelque chose qui me transcende et me donne envie d’avoir des ailes. Au bout de neuf mètres, c’est vrai qu’il faut redescendre sur terre !
Il n’y a pas encore eu le saut parfait pour moi
Avez-vous un modèle ?
Pas forcément. Tout simplement, j’essaie de m’inspirer des meilleurs, afin de devenir ensuite le meilleur. Je n’ai donc vraiment pas eu de modèle. Je suis plus dans la recherche technique, même s’il y a des personnages qui m’inspirent à devenir comme eux et surtout à les dépasser.
Le saut parfait, c’est quoi, pour vous ?
Le saut parfait, c’est celui où vous êtes porté par vos muscles, par le sol lui-même. Je pense que c’est une sensation de plénitude et je vous assure que dans une vie d’athlète, c’est le genre de situation que vous ressentez très peu de fois. Personnellement, je n’ai pas encore connu ce sentiment, même lors de mes titres mondiaux juniors. C’est juste l’adrénaline qui m’a poussé à aller aussi loin. Il me manquait un peu de technique et jusqu’à présent, il n’y a pas encore eu le saut parfait pour moi. Mais j’aime bien être présent au bon moment.
Donc ce saut parfait pourrait être à Paris en 2024 ?
Bien sûr.
Bientôt à Amiens, on va voir ma tête dans tous les magasins !
De vos deux titres mondiaux juniors, (en Colombie en juillet dernier et au Kenya en 2021, ndlr) lequel vous a procuré le plus d’émotions ?
Le deuxième, car c’est celui de la confirmation. La première fois, c’était un peu le hasard et la deuxième fois, c’était la récompense de tout le travail fourni. J’ai ressenti une vraie émotion sur le podium et j’ai même essuyé une larme alors que je ne comprenais pas les gens qui pleuraient sur un podium…
Racontez-nous votre activité qui n’est pas que sportive ?
L’athlétisme me prend 3-4 heures par jour. L’école de commerce me prend deux heures. Je suis aussi mannequin mais ce n’est pas un travail journalier. Cela me bloque parfois des quinzaines, mais c’est cool ! Je reviens de deux jours où j’ai été mannequin pour un groupe de cosmétiques. Bientôt à Amiens, on va voir ma tête dans tous les magasins !
Un jour, vous chanterez ?
Bien sûr ! Pourquoi pas, avec moi rien n’est impossible !
Pour moi, le relationnel prime, avant la performance
Mais pour vous, c’est l’objectif Paris 2024 qui est au centre de vos objectifs ? Dites-moi ce que vous trouvez de bien à l’AUC ?
Ce que j’aime bien à l’Amiens UC, c’est que nous sommes des sportifs individuels, mais nous sommes surtout une grande famille. L’AUC est à la fois un club performant mais aussi familial et pour moi, c’est important car le relationnel prime, avant la performance. Sans ces valeurs, je pense que je ne serai pas devant vous aujourd’hui. Je remercie donc l’AUC qui est différent des autres clubs nationaux qui ne pensent qu’à la performance et à l’argent. C’est aussi un club aussi très diversifié.
Au fait, quel est votre rapport avec l’adrénaline ?
Disons que je l’appréhende de mieux en mieux et que je sais la gérer. Mais il y a toujours cette phase d’incompréhension car votre corps réagit différemment. Ce que je sais, c’est que j’essaie de me préparer au mieux pour les JO.
Connaissez-vous bien votre corps ?
C’est important. Bien sûr que je suis obligé de bien le connaître, obligé d’écouter les alertes lancées par votre corps. Il y a des trucs qui ne trompent pas et qu’on apprend à déceler. Il vaut mieux car sinon, vous arrivez à une compétition avec un corps très mou et vous ne savez pas pourquoi et surtout comment y remédier. Ce n’est pas mon cas. J’ai vu, avec tout un aéropage de spécialistes, notamment préparateur mental, pour me prévenir face au stress, face au comportement que mon corps va avoir lors de la compétition. Et ce afin d’être le meilleur sur la piste, le moment venu.
Le regard des gens change…
Quel est votre programme pour 2023, année donc pré-olympique ?
Je crois qu’il y aura un championnat du Monde et deux championnats d’Europe.
Avez-vous été déçu de n’avoir pas été sélectionné pour les derniers Jeux Européens, à Munich ?
Bien sûr et cela fait partie du jeu. Mais je serai présent à Paris. En tout cas, cela m’a donné encore plus la rage et d’envie de me donner à fond.
Êtes-vous optimiste pour l’athlétisme français à Paris ?
Je n’ai aucune crainte. Il sera au rendez-vous car nous sommes des jeunes et commençons à devenir très forts.
Est-ce que le regard des gens a changé depuis que vous êtes devenu un champion ?
Oui, le regard des gens change… Et ce malheureusement. J’aimerais que les gens me regardent et me parlent comme avant. Quand je vois des potes qui commencent à devenir des fans plus que des amis, cela me fait vraiment « chier ».
Propos recueillis par Lionel Herbet
Crédit photo : DR
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