L’ancien entraîneur des Gothiques, Mario Richer, désormais Manager General du Club de Hockey Amateur de Rouen, était de passage au Coliseum. L’occasion d’évoquer avec lui sa relation avec Amiens, son nouveau poste et sa vision du hockey français.
C’est la première fois que vous revenez au Coliseum depuis votre nomination à Rouen, dans quel cadre êtes-vous revenu ?
Tout à fait. Je suis là avec le PND (Plan National de Détection) pour les U14. On a des joueurs de Rouen. Je suis là pour voir leur évolution, au niveau de la section des Haut de la France. Il y a tous les meilleurs U14 du coin, que ce soit d’Amiens, Caen, Rouen, Dunkerque et Compiègne… Je ne veux pas oublier de ville. J’essaye de voir comment se situent les joueurs, et ce que l’on doit améliorer dans l’organisation afin de les faire progresser, pour que l’on ait plus de joueurs en équipe nationale.
Vous profitez de votre passage pour revoir vos anciens joueurs…
Oui c’est l’occasion. J’ai rencontré Anthony hier (ndlr : mercredi) et aujourd’hui les joueurs pratiquent en même temps. C’est d’une pierre deux coups, ça me permet de voir un entraînement et d’échanger avec les anciens joueurs.
Suivez-vous toujours l’équipe ?
Oui, mais de loin, j’ai mon travail à faire. J’échange parfois avec Anthony (ndlr : Mortas), on s’envoie des messages, mais je ne suis pas assidu à savoir ce qu’ils ont fait ou pas. Je suis quand même en France et dans le hockey tu n’as pas le choix de suivre un peu.
Anthony Mortas vous demande-t-il des conseils ?
Pas vraiment, mais j’essaye de l’encourager, comme je l’ai fait avant la Continental Cup. Je vois comment lui se sent et on échange sur certains points. On reste bons amis, on a une bonne relation. Je veux juste que ça aille bien pour lui. On échange un petit peu à l’occasion, mais on n’est pas constamment en relation pour le hockey.
En quoi consiste votre nouveau rôle à Rouen ?
Je suis directeur général du CHAR, le Club de Hockey Amateur de Rouen. Je m’occupe de tout ce qui est U17 et moins. D’ailleurs, mon équipe U17 a joué ici, ils ont gagné Amiens ici sur le score de 8-0. C’est des joueurs avec lesquels je vais sur la glace, je suis leur progression. Mon rôle c’est de conseiller et d’aider les entraîneurs, aller sur la glace avec les jeunes et leur faire profiter de mon expérience. Faire en sorte que l’organisation s’améliore et que l’on trouve des moyens pour être meilleur.
Vous aviez besoin de prendre du recul, après toutes ces années à entraîner des équipes professionnelles ?
La décision s’est prise durant l’été, quand Rouen m’a fait l’offre. J’avais déjà un contrat en Allemagne. J’ai dû briser mon contrat là-bas et accepter l’offre. Dans mon passé universitaire, je suis diplômé en sport et en business. Gérer une équipe de hockey, c’est quelque chose auquel je voulais toucher un jour et puis l’offre est arrivée très tôt. Je ne m’attendais pas à être sollicité avec une aussi belle offre à ce moment-là, donc j’ai sauté sur l’occasion.
On n’a aucun contrôle sur l’avenir.
Est-ce que l’on vous reverra à la tête d’une équipe professionnelle un jour ?
On n’a aucun contrôle sur l’avenir. Donc pour l’instant je suis à Rouen. Mon travail c’est de développer des joueurs de hockey et des entraîneurs. En plus, ce qui est bien avec la France, c’est que là j’ai un CDI. C’est différent d’avoir un CDD d’entraîneur, où tu peux te faire limoger n’importe quand. Tu n’es jamais sûr d’avoir un travail l’année d’après. C’est ce qui a fait pencher la balance.
Le seul bémol, c’est que vous êtes passé chez « l’ennemi »…
« L’ennemi », façon de parler, je n’ai aucune relation avec l’équipe sénior ou les U20. Moi, c’est uniquement les jeunes, je suis plus là dans l’optique de développer le hockey français, que de dire qu’ils vont venir jouer contre Amiens et gagner. Ce n’est pas le but. L’objectif c’est de s’assurer que nos jeunes ont un bon programme d’entraînement et que l’on forme des joueurs pour jouer en équipe nationale ou en Magnus. Ça ne veut pas dire que des joueurs qui sont sur la glace présentement, ne joueront pas à Amiens plus tard.
Mon but c’est d’améliorer les programmes, pour développer de plus en plus de joueurs de hockey
C’est donc un projet à long terme dans lequel vous vous êtes lancés…
Je suis encore dans l’apprentissage de ce que je dois faire, notamment au niveau du travail de bureau. Tranquillement après je vais amener ma philosophie d’entraîneur sur la glace. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain. Chaque programme a ses forces et ses lacunes. Mon but c’est d’améliorer les programmes, pour développer de plus en plus de joueurs de hockey, parce qu’en France, il y a de moins en moins de joueurs de hockey. Il y a un problème. Le nombre de joueurs de hockey a beaucoup diminué à Amiens et Rouen aussi, c’est partout en France, le problème n’est pas dans une organisation. Donc, il faut aider. Meilleur sera le hockey français, mieux ce sera pour tout le monde.
Justement, que pensez-vous de la formation en France ?
Déjà ce n’est pas facile avec les écoles. L’avantage que l’on a au Québec, dans les programmes sports études, c’est que la plupart du temps l’école est juste à côté de la patinoire. Les cours à l’école terminent souvent le midi, ou en début d’après-midi, donc tu as une demi-journée où tu ne fais que jouer au hockey. Tout est fait pour l’athlète. En France, en tout cas c’est ce que j’ai observé à Rouen, souvent les enfants finissent l’école à 17h ou 18h le soir. Ils passent la journée sur les bancs, ça n’aide pas à développer plus de joueurs de hockey. Les programmes peuvent être améliorés pour aider, mais cela dépend de plus haut, du ministère de l’éducation.
Est-ce que vous avez des clés d’explication de la diminution du nombre de jeunes joueurs ces dernières années?
C’est un sport qui est de plus en plus dispendieux. Quand tu as des crosses qui coutent 200€, des patins à 1000€, alors que quand tu joues au foot tu as juste besoin d’une paire de chaussures, tu peux même jouer nu-pieds. Donc au niveau coût il y a une grande différence. Il faut avoir les moyens. Cet été je regardais les Jeux Olympiques. La France est bonne au judo, au volley, au handball, bref dans plein de sports, tandis que le hockey est classé 31ème sport en France. C’est un sport mineur. Il y a plus de jeunes qui jouent à la pétanque qu’au hockey.
Il y a beaucoup de choses à améliorer dans le hockey.
C’est un sport méconnu en France, contrairement à chez nous au Canada, où c’est le sport numéro 1. Même si le foot devient de plus en plus populaire, nos féminines ont gagné les JO, ça veut dire que les petites filles vont jouer au foot. En France c’est la même chose, avec les sports médaillés. Certains clubs ont atteint leur capacité, comme au handball, contrairement au hockey où il y a beaucoup de place. Il y a un manque de visibilité. Il n’y a pas de matchs à la télé. Le jeune qui ne connait pas le hockey n’en voit pas. Chez nous tout le monde voit du hockey, tous les jours il y a des matchs.
Il manque peut-être un exploit de l’équipe de France pour donner des vocations…
L’équipe sénior a manqué les qualifications pour les JO. Les prochains Jeux en 2022, la France ne sera pas là, donc il n’y aura pas d’images de hockey de la France. Vont-ils montrer des images de hockey ? Très peu, parce que la France n’est pas là, ils vont montrer d’autres sports, donc les gens vont s’intéresser à autre chose. Ensuite en 2024, les JO d’été sont en France, donc toute la publicité va être faite pour cet événement. Donc les jeunes qui veulent faire du sport vont aller vers quelque chose de plus médiatisé. Il y a beaucoup de choses à améliorer dans le hockey.
Propos recueillis par Julien Benesteau
Crédit photos d’archives : Léandre Leber Gazette Sports