Elles sont encore en petit comité, mais les femmes se font peu à peu leur place dans le milieu des sports mécaniques, historiquement masculin. C’est le cas en Alpine Elf Europa Cup, au volant avec la jeune amiénoise Lilou Wadoux mais aussi pour accompagner les équipes, avec Gaëlle Rigieyx, conseiller technique d’écurie chez Michelin Motorsport.
« Aux femmes de ne pas se mettre de barrières ! » Venant d’une femme, cette injonction a encore plus de force. Et pour Gaëlle Rigieyx, tout semble s’être passé naturellement. « Professionnellement, je ne suis pas issue de ce monde-là (des sports mécaniques)« explique-t-elle. Ce qui peut étonner quand on la voit tellement à son aise pour passer d’un paddock à l’autre, en ce week-end de début d’automne où la ruche de l’Alpine Elf Europa Cup (AEEC) a posé ses roues sur le circuit Paul-Ricard du Castellet (Var).
De la finance aux sports mécaniques
Avec sa formation en école de commerce, Gaëlle Rigieyx commence à travailler « dans la finance ». Mais très vite sa « passion des sports mécaniques » l’amène à intégrer Michelin, le géant auvergnat du pneu. A sa décharge, elle reconnaît avoir « un papa qui baignait dans le sport automobile » et avoir « fait de la moto depuis toute jeune ». Elle est embauchée chez Michelin comme réviseur des comptes puis elle y travaille comme business analyst. « Mais j’ai la chance de faire partie d’un groupe qui laisse à ses employés la possibilité de changer de voie en fonction de leurs appétences ». C’est ainsi qu’elle devient, il y a un un an et demi, conseiller technique d’écurie. « Et aujourd’hui, avec Clothilde RIOM, nous sommes deux femmes conseillers techniques Michelin Compétition, » observe celle qui intervient auprès des teams de l’Alpine Elf Europa Cup pour « aider et conseiller les équipes et les pilotes. Les aider à mieux comprendre le pneumatique, à mieux le faire fonctionner » détaille Gaëlle Rigieyx, fière que la candidature de Michelin à l’appel d’offres lancé par Alpine et Signatech qui organise la compétition, ait été retenue.
« Une relation s’installe… »
« Chez Alpine, on dit que ce championnat est une famille… Eh bien j’ai aussi l’impression d’en faire un peu partie ». C’est vrai que Gaëlle part en week-end avec ses collègues de travail ! Pour cause de pandémie, la saison de l’AEEC a été condensée cette année sur quatre fins de semaines, entre août et début novembre. Mais il n’empêche que « forcément une relation s’installe, mais on ne privilégie pas une équipe ou des concurrents par rapport à d’autres. On les aide à adapter les set-up (réglages) des véhicules, à bien définir les pressions des pneus en fonction des réglages des véhicules ».
« L’équipe choisit les pneus, puis on l’aide pour la pression »
« Une fois que l’équipe qui va prendre le départ de la course a fait son choix de pneumatiques, slick sur piste sèche ou pneus pluie, on va l’aider à choisir la pression en fonction de la température de l’air et de celle de la piste, du vent aussi. Au Castellet, il peut par exemple y en avoir énormément, ce qui refroidit les pneus » détaille Gaëlle Rigieyx. Ce week-end-là, en l’occurrence, c’est surtout la pluie qui a marqué la première des trois journées de cette manche de l’Alpine Elf Europa Cup. « On analyse heure par heure les conditions météo, on regarde les radars de pluie, les bulletins météo, même si les teams sont assez autonomes à ce niveau » souligne celle qui s’est « sentie tout de suite bien acceptée » quand elle est arrivée au milieu de cet univers très masculin.
Epanouies dans un environnement masculin
« Quand une femme est passionnée, il ne faut plus se mettre de barrières ! Une femme qui a l’envie et les compétences ne doit plus se dire que c’est réservé aux hommes, qu’elle ne peut pas y aller ! C’est valable dans n’importe quel métier. Moi, à part une petite angoisse les premières fois -je me disais que j’allais être jugée, mal vue-, ça s’est finalement très bien passé. En plus, la féminité sur un circuit peut permettre de détendre un peu les atmosphères stressantes, quand il y a de la pression (sic)…. Les ressentis que nous avons du terrain ou de l’extérieur sont assez positifs. Avec Clothilde RIOM, ma collègue, on s’épanouit pleinement dans un environnement masculin, c’est vrai… On n’a jamais senti de barrières ou de jugements négatifs » se félicite Gaëlle Rigieyx, satisfaite de voir évoluer le sport automobile.
Deux femmes en AEEC, toutes les deux dans la première moitié du classement
« Ces dernières années, le sport auto s’est très clairement ouvert aux femmes, que ce soit dans les équipes, en coulisses ou bien sur la piste avec les pilotes ». En Alpine Elf Europa Cup, elles sont deux au volant et toutes les deux dans la première moitié du classement ! Après huit des dix courses au programme du championnat, Gosia Rdest, pilote polonaise de 27 ans, membre du team Racing Technology, occupe la 8ème place du classement général. Et la Samarienne Lilou Wadoux, 19 ans, de l’équipe Autosport GP, est classée 6ème et 3ème chez les juniors. Le tout pour sa première saison. Une écurie en tête du championnat, où l’un des deux pilotes, JB Mela ou Laurent Hurgon, sera couronné à Portimao.
« La mixité permet de ne plus laisser les femmes (…) dans une compétition à part »
« Les femmes pilotes sont des pilotes comme les autres pour nous. Mais à titre personnel, j’ai une profonde admiration pour ces jeunes femmes qui ont franchi le pas, en se disant qu’elles aussi avaient le droit de se mettre derrière un volant. Elles ont pas mal de courage. Je trouve bien aussi qu’il n’y ait pas de classement différencié femmes-hommes. La mixité permet de ne plus laisser les femmes de côté, dans une compétition à part et dans un classement spécifique. Lilou Wadoux, je l’ai vue pour la première fois en finale de la Clio Cup, l’année dernière (avec un volant GPA Racing NDLR). Elle avait déjà beaucoup de qualités, la vitesse etc. Puis à Magny-Cours en août dernier lors d’essais privés. J’ai aussi discuté avec son papa. On sent qu’elle a a beaucoup de caractère. On entend de plus en plus parler d’elle dans les paddocks. Elle a certainement de belles années devant elle car elle joue déjà avec les meilleurs en Alpine. Avec un peu plus d’expérience, elle sera sûrement bientôt sur les podiums, au classement général. Lilou Wadoux a la chance d’être entourée par un team (Autosport GP) très attentif, avec Gilles (Zaffini, le boss) et Julien (Neveu, son ingénieur de course)« estime celle dont on constate qu’elle ne féminise pas l’intitulé de son poste-conseiller technique d’écurie- alors que le terme « conseillère » semblerait tout-à-fait adapté. Mais le principal est ailleurs pour Gaëlle Rigieyx : elle a su casser les codes, sans faire de vague, pour vivre sa passion.
Reportage Léandre Leber
Photos Léandre Leber – Gazettesports
Rédaction Vincent Delorme