Toujours en attente d’une décision des instances de la Fédération Française de Tennis de Table, Arnaud Sellier, vice-président de l’AmiensSport Tennis de Table et entraineur de l’équipe Pro B, revient pour nous sur cette période particulière chez les pongistes.
N.B.: Cet entretien a été réalisé avant l’annonce de la fédération française de tennis de table d’annuler ses championnats amateurs.
Comment la décision de suspendre toutes les activités a-t-elle été vécue par les licenciés de l’Amiens Sport Tennis de Table ?
Un peu comme tout le monde je pense, on l’a vu arriver mais en même temps on se disait qu’on n’allait pas être concernés. La décision est arrivée le jeudi 12, le samedi 14 on avait une compétition individuelle qui a lieu sur tout le territoire français du niveau départemental à national. On avait tout préparé pour que les joueurs aillent jouer sur les différents sites alors il a fallu prévenir chaque joueur que c’était annulé, même s’ils suivaient probablement déjà l’actualité. Donc même si on le sentait arriver, on se disait qu’on allait pouvoir continuer à jouer et ce qui est « marrant », c’est que sur les réseaux, il y a toujours quelques personnes qui ne comprennent pas cette décision.
Le tennis de table est une discipline assez « particulière ». Diriez-vous qu’il est plus facile pour un pongiste qu’un autre sportif de continuer à s’entrainer chez soi ?
C’est vrai qu’il y a beaucoup de personnes qui possèdent une table de ping-pong chez eux donc sur les réseaux sociaux, puisque l’on n’a plus que ça à regarder en ce moment, on voit énormément de joueurs qui ont remonté la table de ping-pong du sous-sol. On voit pas mal de jeunes joueurs continuer à s’exercer d’une façon ou d’une autre en pratiquant leur service ou avec l’aide d’un robot qui envoie des balles comme au tennis. On essaye de jouer comme on peut puisque, si l’on n’a pas de table de ping-pong, on peut aussi jouer sur la table de la salle à manger. Ce n’est pas vraiment de « l’entraînement », mais les gens qui jouent habituellement tous les jours ou au moins ponctuellement, trouvent des moyens plus ou moins détournés de continuer à toucher la balle.
Chacun fait comme il peut, c’est la grande débrouille !
Arnaud Sellier
En tant que coach, avez-vous transmis des programmes d’entretien physique à suivre pour vos joueurs ?
Les joueurs de l’équipe Pro B s’entrainent de leur côté habituellement donc sur ce point ça ne change pas particulièrement, là ils ont sans doute leur petit programme individuel pour garder la forme, un peu comme tous les sportifs de haut niveau. Mais sur les autres joueurs du club non, il n’y a pas eu de consignes particulières données. Sur les réseaux, la fédération française de tennis de table propose des petits exercices physiques et il y a également beaucoup de « tutos » pour continuer à faire un peu d’activité physique sans place ni matériel. On est un peu comme tout le monde, il y a ceux qui ont la chance d’avoir une table de ping-pong et éventuellement un partenaire, mais chacun fait comme il peut, c’est la grande débrouille !
Certains clubs ont mis en place un petit challenge sportif mais ce n’est pas le cas chez nous. On a Denis Chatelain, le président du club, qui traite le sujet de façon un peu humoristique par rapport au confinement sur la page « La Hérain est mon royaume » : on peut dire que c’est sa contribution à la période délicate actuelle.
Au cours de la saison, vous ne voyez pas souvent vos joueurs hormis à l’occasion des matchs, n’est-ce pas trop compliqué de maintenir un lien maintenant que chacun est confiné de son côté ?
Des petits sms, des petits coups de fils, les réseaux sociaux qui nous permettent d’échanger quelques vidéos… tout est bon pour garder le contact ! On a notre joueur Bulgare, Denislav Kodjabashev, qui nous envoyait quelques images de Bulgarie : ce n’était pas vraiment sur le tennis de table, mais ça montrait le même élan de panique que celui qu’on a pu vivre en France dans les supermarchés. Ce ne sont que des petits messages, mais on espère vite se retrouver même si l’on n’a pas trop de visibilité là-dessus malheureusement.
Dans tous les cas ça ne pourrait pas se terminer après juin puisque les contrats courent jusque-là
Arnaud Sellier
Quelles solutions sont envisagées concernant votre championnat à l’heure actuelle ?
Le président de la fédération a fait un live Facebook lundi soir justement pour la suite de la saison, mais malheureusement il avait assez peu de réponses à apporter. Je sais qu’au badminton ils ont décidé l’annulation du championnat pour cette année, au tennis de table on en n’est pas encore là : ils espèrent pouvoir finir le championnat d’une manière ou d’une autre. Pour l’instant ils en sont à ce point-là. L’annulation des championnats aux niveaux départemental, régional et national ne serait pas extrêmement grave en soi, mais pour le championnat pro c’est un peu plus délicat parce que les joueurs vont peut-être changer de club fin juin. Mais dans tous les cas ça ne pourrait pas se terminer après juin puisque les contrats courent jusque-là. C’est assez particulier mais de toute façon tout le monde est dans l’improvisation, le fait de ne pas savoir quand on pourra reprendre pose évidemment des doutes supplémentaires. Tout pourrait être gelé et on reprendrait l’année prochaine, on ne sait pas.
Il y a deux-trois équipes de N1 qui ont mis pas mal d’argent pour pouvoir monter en Pro B à la fin de la saison et si on leur disait “vous repartez en N1 l’an prochain”, ça serait frustrant ! Le problème est le même d’ailleurs pour les équipes de Pro B qui espéraient monter en Pro A puisque c’est aussi une saison de perdue… Évidemment ce n’est pas très grave par rapport à ce qu’il se passe, mais tout le monde a ses petites priorités.
Quelle serait votre « préférence » personnelle sur cette fin de saison étant donné que vous avez une journée de retard au calendrier ?
Pour le moment on a une journée de retard sur les autres équipes, mais c’était aussi une journée particulière : on devait jouer le 17 mars et ça commençait déjà à être compliqué puisque la semaine précédente, tout avait commencé à s’accélérer. Tomi Lakatos, notre joueur Hongrois, commençait à nous dire que ça serait compliqué pour lui de pouvoir venir jouer en France, ou du moins pour en repartir. On commençait vraiment à s’inquiéter pour cette journée du 17 mars : le fait que tout ait été bloqué, on ne va pas dire que ça nous « arrangeait » puisque le club adverse était exactement dans la même situation, mais ça a évité quelques soucis en tout cas.
Mais pour revenir à la question, la meilleure solution je ne sais pas trop. Si on vient nous dire “on prend le classement à telle date” on ne va pas pleurer parce qu’on n’est pas derniers, le fait de geler la saison pour repartir sur les mêmes bases l’an prochain nous irait également… Mais comme tout le monde, on préfèrerait réussir à continuer de jouer, on aimerait bien finir même si ça serait sans doute compliqué au niveau des dates et de l’organisation. Comme tout un chacun on aimerait reprendre une vie et des activités normales, à la fin de la saison ça serait le moins bon qui descendrait et il n’y aurait pas d’injustice sportive.
Concernant le club, quelles seraient les retombées économiques ou pratiques ?
On avait prévu d’organiser notre tournoi national le 28 mars alors c’est une petite perte économique parce qu’en général c’est tout de même une recette de 2-3.000€. Néanmoins on espère toujours reporter ce tournoi avant la fin juin ou au deuxième semestre. Mais à part ça il n’y a pas vraiment de conséquences économiques parce que toutes nos cotisations étaient rentrées. Mis à part que nos adhérents ne puissent pas jouer au ping-pong, je ne suis pas sûr qu’il y ait d’autres conséquences directes pour nous, on n’est pas le secteur le plus touché. Je sais qu’au foot par exemple ils s’inquiètent énormément parce que remplir un stade de 20.000 places, ça fait des recettes tandis que nous avec 100-150 spectateurs à 3€, ce n’est pas une grosse perte. Dans tous les cas on ne peut rien faire pour la situation actuelle alors on prend notre mal en patience.
Propos recueillis par Océane Kronek
Crédits photos : Kevin Devigne – Gazettesports.fr