Depuis le sud de la France où il s’est octroyé quelques jours de repos afin de couper avec le volley-ball, Ion Dobre, entraîneur en partance du Longueau Amiens Métropole Volley-Ball, a accepté de parler encore un peu de sa passion et de revenir sur l’une des saisons les plus difficiles de sa carrière.
Voilà plus de deux semaines que le Longueau Amiens Métropole Volley-Ball a disputé le dernier match de sa saison sur le terrain de Clamart (3-1). Une saison galère, cauchemar, peu importe le qualificatif que l’on lui prête, elle a été difficile pour tout un club. Ion Dobre, l’entraîneur de l’équipe première féminine, s’est offert quelques jours de repos afin de couper avec le volley-ball. Depuis le sud de la France, et pendant près d’une heure, il a accepté de revenir sur la saison qui vient de s’écouler. Avec son franc-parler, son honnêteté, le technicien franco-roumain n’élude aucun sujet et se dit soulagé par le fait que le LAMVB pourrait tout de même évoluer en Élite la saison prochaine après une première approche de la Fédération française de volley-ball.
Dans quel état êtes-vous après cette saison qui aura été difficile du début à la fin ?
C’était une saison compliquée pour tout le monde, pour moi en tant qu’entraîneur, pour les joueuses, pour le club. Dans le métier que je fais, dans le sport professionnel, à la fin du match, il faut très vite l’oublier. Qu’il soit gagné ou perdu, il faut tout de suite l’oublier et se concentrer sur le prochain match. Le prochain match est beaucoup plus important que celui qui est passé. C’est la même chose pour moi maintenant. Mon prochain challenge est beaucoup plus important que celui qui reste derrière moi. Je vais me concentrer là-dessus. Je suis un peu fatigué, mais on va tout de suite se retrousser les manches et partir sur un autre challenge.

Comment avez-vous vécu cette intersaison, avec cette réforme du championnat Élite, qui a très vite été pénalisante pour votre équipe ?
Sincèrement, quand on a fait le recrutement, on l’a fait avec les moyens financiers qu’on avait à notre disposition à l’époque. On devait évoluer dans la poule « amateur » au niveau Élite. Avec les moyens financiers qu’on avait, on a fait un recrutement qui correspondait un peu plus à la poule dans laquelle on devait évoluer. Ensuite, les choses ont changé parce qu’il n’y avait pas suffisamment d’équipes de la poule élite qui voulait accéder à la Pro A. Ils ont mélangé les équipes, ils ont fait deux poules. On a été obligé de jouer le championnat comme ça. Mais ce n’est pas uniquement pour cette raison que les résultats sportifs n’ont pas suivi derrière.
Quels sont les autres facteurs selon vous ?
Le principal facteur qui nous a perturbé la saison, ce sont les blessures. On a fait le choix de partir avec un effectif de neuf joueuses plus trois joueuses de notre équipe réserve régionale. On savait que ces trois joueuses n’avaient pas le niveau pour jouer en Elite. Elles avaient à peine le niveau pour s’entraîner avec nous. Mais on a fait le choix de partir comme ça, avec 12 joueuses. Avec les blessures du début de saison (Aminata Dia s’est blessée lors de la 3e journée face à Valenciennes, Jasmine Adjabi s’est blessée en novembre, ndlr), cela a réduit notre effectif de neuf à sept joueuses [compétitives]. À partir de ce moment-là, le problème était de savoir si l’on pouvait prendre des jokers médicaux, parce qu’on avait le droit de le faire, pour pallier les blessures. On savait que les blessures étaient vraiment graves et qu’elles ne pouvaient pas reprendre la compétition cette année. C’était fini pour les deux joueuses. Les finances du club ne nous ont pas permis d’en prendre. On a essayé de faire le maximum avec les joueuses qu’on avait à notre disposition.

C’était difficile en sachant qu’on a perdu neuf matchs à trois points de différence au troisième set. La moitié de l’équipe était très jeune et bien sûr que les adversaires en ont profité. C’était difficile pour moi aussi en tant qu’entraîneur parce que je n’avais pas de solution, mais c’était aussi difficile pour les jeunes joueuses qui étaient sur le terrain. Elles étaient dans la difficulté, alors qu’il fallait les sortir, les laisser respirer. La formation, ça se passe dans de bonnes conditions quand une joueuse sait qu’elle peut sortir et respirer, qu’il y a du soutien derrière. Les joueuses ont fait le maximum de ce qu’elles pouvaient donner. On pourra toujours dire qu’on pouvait faire mieux, mais, dans la situation dans laquelle on a été, je crois que j’ai tiré le maximum que je pouvais tirer de cette équipe.
Était-ce la saison la plus difficile de votre carrière ?
… (Il réfléchit.) Je ne sais pas. Oui, c’était une saison difficile, parce que je n’avais pas de solution. Peut-être que, durant mes 33 ans de carrière (il a débuté en 1992 en tant qu’entraîneur, ndlr), j’ai passé aussi des saisons aussi difficiles que celle-là, mais pour d’autres raisons. Cette année, la plus grosse difficulté, c’était le manque d’effectif sur les matchs. La moindre blessure qu’on avait, la moindre bobo qu’on avait, on était obligés de jouer avec des joueuses blessées pour pouvoir honorer les matchs. Un exemple flagrant, quand on commence les play-downs, on gagne le premier match chez nous, d’ailleurs c’était un très beau match contre Calais. On devait partir à Nantes pour enchaîner sur une victoire. Mais Silviya (Kyoseva) a eu un problème personnel et a été absente pour le match. On a été obligés de prendre une fille de l’équipe régionale pour pouvoir jouer en élite. Ce sont vraiment des situations dans lesquelles on se sent vraiment impuissant.
Aviez-vous parfois l’impression que tout était contre votre équipe ? Entre les blessures, les scénarios de matchs qui se répétaient…
(Il coupe.) Oui, bien sûr, parce qu’à partir du deuxième set, l’adversaire essayait de s’adapter un peu à notre tactique. On n’avait pas la possibilité de changer les joueuses pour changer de tactique. Les joueuses ont un certain poste, donc elles ne peuvent pas être bonnes partout. C’était une saison très frustrante pour tout le monde, pour moi, mais pour les joueuses aussi. Tout le monde avait envie de faire les choses correctement, mais on n’en avait pas les moyens.
J’aime bien me fixer des objectifs et des challenges pour pouvoir les atteindre.
Ion Dobre, entraîneur du LAMVB
Vous l’avez souvent répété cette saison : « même dans la défaite, on apprend toujours ». De votre côté, qu’est-ce que cette saison vous a appris ?
Je crois que, pour moi, en tant qu’entraîneur, il faut que je sois un peu plus exigeant et plus rassuré de ce qu’il se passe en dehors du terrain. Je crois que la décision des dirigeants, quand ils ont décidé de monter en élite, n’était pas préparée, c’était une montée décidée. Quand ils ont décidé de monter en élite, elle n’a pas été préparée parce que les joueuses de l’équipe réserve ne pouvaient pas combler le manque de joueuses de l’équipe première. Un club, une équipe, peut fonctionner soit avec de la formation car elle peut alimenter l’équipe première avec des joueuses, sinon avec un bon budget qui permet de recruter des joueuses de l’extérieur. Comme le club n’a ni un gros budget ni une formation qui lui permet de fournir l’équipe première, c’est une situation difficile. La prochaine fois, je serai un petit peu plus vigilant. Je m’assurerai qu’on a vraiment les moyens de faire pour pouvoir commencer un projet.
À quel moment avez-vous décidé que votre aventure avec le LAMVB se terminerait à l’issue de cette saison ?
Au bout de la deuxième année. Dès que j’ai commencé la troisième saison, vers le mois d’octobre ou novembre, j’ai pris cette décision. Au mois de décembre, j’ai fait savoir au président (Bernard Couillet) qu’à la fin de la saison, je quitterai le club. Dans ma carrière, j’ai besoin de challenges, j’ai besoin d’objectifs. J’aime bien me fixer des objectifs et des challenges pour pouvoir les atteindre. Le plus haut niveau auquel le club pouvait aller, c’était l’élite, parce que la structure ne permettait pas d’aller vers la pro. À partir de ce moment-là, j’ai pris la décision de quitter le club. C’est pour ça que je l’avais dit au président, dès décembre, pour que le club puisse s’organiser, se retourner.

Que retenez-vous de ces trois années passées sur le banc du LAMVB ?
C’était une très belle aventure. J’ai rencontré des personnes formidables, des personnes moins bien, comme partout. Mais pour moi, c’est enrichissant d’être entraîneur. Bien sûr, je pars avec une grande frustration parce qu’on n’a pas réussi à maintenir l’équipe sportivement. Mais avec un soulagement, parce que l’équipe, elle pourra peut-être évoluer en élite l’année prochaine. C’est un soulagement de voir que le club devrait continuer à ce niveau-là.
Cette saison ne vous a pas donné envie de prendre une pause ?
Non. Vous savez, la vie d’un entraîneur est faite de saisons réussies et d’autres un peu moins bonnes. Bien sûr, parfois, on a envie de faire des pauses, mais on revient très vite parce qu’on est trop drogué au volley-ball. On est drogué par la passion. On est vraiment addict à l’adrénaline du samedi soir à 20 heures, au plaisir d’être dans la salle sur le terrain avec les joueurs et la passion prend très vite le dessus sur la déception.
Qu’allez-vous faire désormais ?
Pour l’instant, je ne vais pas donner d’information sur ma prochaine destination. C’est trop tôt pour en parler.
César Willot
Crédit photo : Louis Auvin, Kevin Devigne, Théo Bégler – Gazettesports.fr
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