Après plus de 30 ans au RCA, Tangi Mailly, joueur légendaire du club, tire sa révérence. Il revient pour nous sur son parcours et évoque son avenir.
NB : Interview réalisée juste avant le match aller du barrage d’accession en Fédérale 2 contre Maisons-Laffitte, dimanche dernier .
Qu’est-ce que ça fait de se dire : voilà, c’est fini ?
C’est une sensation un peu particulière car je joue au rugby depuis mes 7 ans, j’ai commencé en 1991 donc j’ai passé plus de temps à jouer au rugby que l’inverse. C’est donc très spécial mais, à un moment donné, il faut savoir s’arrêter et passer à autre chose.
C’est une décision que vous avez prise depuis longtemps ?
Oui, c’est une décision qui date finalement. Au début, quand on est monté en Fédérale 3, je voulais faire une saison à fond avec l’équipe première pour aider le club à se maintenir puis je voulais arrêter. Mais Martin Saleille est venu me voir pour me demander de rester encore une année ou deux. L’objectif étant d’accompagner les jeunes en équipe réserve et les faire profiter de mon expérience. C’était vraiment important pour lui que des anciens puissent faire cette transition, notamment pour la cohésion de groupe. J’ai accepté sans hésitation.
Vous n’avez pas eu peur de faire la saison de trop ?
J’y ai réfléchi et c’est aussi pour ça que je dis stop, à 38 ans. J’étais prêt à faire une année ou deux de transition mais pas plus. Je n’ai pas eu cette appréhension car je me sens encore bien physiquement, mais il faut savoir dire stop au bon moment. J’avais l’objectif sur cette saison d’accompagner au mieux la réserve, en championnat de France, avec comme objectif personnel les huitièmes de finale, au minimum. L’objectif est atteint, donc je suis content de finir là-dessus.
Sur cette fin de saison, les émotions étaient vraiment fortes
Comment avez-vous vécu cette dernière saison ?
Je suis passé par une sorte d’ascenseur émotionnel cette saison car je débute en sachant qu’à la fin, ce sera fini (sic). Au début, j’ai voulu savourer chaque match surtout que l’on a connu un début de saison très intéressant avec notamment une victoire contre Bobigny sur un scénario fou ! Je savourais donc vraiment à fond chaque moment sur le terrain. Puis je me suis blessé au genou et j’ai mis du temps à revenir. Et au moment où je suis revenu, j’ai eu le Covid. C’était compliqué d’être éloigné des terrains aussi longtemps en sachant que c’était les derniers moments, surtout que l’équipe allait un peu moins bien. Je me suis dit que c’était peut-être l’année de trop, au final. Puis j’ai réussi à revenir et on fait une très belle fin de saison, avec de belles phases finales. J’ai vraiment pris du plaisir avec les mecs sur ces matchs-couperet. Sur cette fin de saison, les émotions étaient vraiment fortes et j’ai pu profiter au maximum.
Comment jugez-vous votre parcours avec la réserve ?
On a fait un très beau parcours mais on est des compétiteurs et tu veux toujours aller plus loin quand tu arrives en huitièmes de finale. Ils y avait la place de passer, ça se joue à pas grand-chose, mais on peut être fier de notre saison. Après, il ne faut pas oublier que la réserve, il y a quelques années, était en très piteux état. Quand on a joué à Chevreuse, contre Blois, j’ai rappelé aux mecs qu’il y a quelques années, ici-même, la réserve avait pris 100 points… Alors voir cette équipe dans les 16 meilleures, sur 180 au départ, c’est quelque chose de très positif. Ça prouve le travail accompli et que l’on est sur la bonne voie. Il faut se servir de ça pour continuer de briller avec cette équipe dans les années à venir.
On a vu cette saison que l’équipe réserve est bien plus qu’une équipe B ?
Oui, on a la chance qu’au RCA le groupe seniors ne fasse qu’un, ce qui n’est pas forcément le cas partout. On s’entraîne ensemble et cela crée une émulation entre tout le monde et tire tout le monde vers le haut. En début de saison, quand l’équipe première était moins bien, la réserve, grâce à ses bons résultats, l’a tirée vers le haut. Il y a aussi des joueurs qui, grâce à leurs performances en équipe réserve, vont obtenir leur chance en équipe première. Si les deux groupes était distincts, je ne pense pas qu’il y aurait autant d’émulation entre les deux.
Vous avez presque tout connu ici : qu’est ce que ça vous fait de voir le club aujourd’hui aux portes de la Fédérale 2 ?
Le projet de Fédérale 2 est un projet dont on entend parler depuis plusieurs années maintenant au sein du club. Mais aujourd’hui les choses sont plus concrètes, on est vraiment en train de le toucher du doigt. J’ai vu le club évoluer au cours de mes 30 ans ici et le fait de le voir à ce niveau me fait plaisir. Les infrastructures ont évolué, des bénévoles ont su s’investir énormément pour en arriver là. Je pense à des personnes comme Julien Carlier, Jean-Baptiste Segais, Claude Saint-Laurent et tant d’autres qui ont permis au club de grandir. C’est grâce à ces gens-là que des investisseurs comme Joël Nayet ont eu envie d’investir dans le club pour lui permettre de passer ce cap. Des managers comme Michael Lopata ont permis au club de grandir. Puis Martin Saleille aujourd’hui qui permet de passer un nouveau cap. On doit viser la Fédérale 2, mais surtout s’y pérenniser sans se donner de limite.
Au-delà du sportif, on sent que le club est prêt à assumer un nouveau statut ?
On est aujourd’hui structuré, que ce soit en termes d’infrastructures ou du staff pour remplir nos objectifs, c’est ce qui fait la différence avec avant. A l’époque, on voulait monter mais on n’avait pas les structures, pour commencer les vestiaires par exemple. Et on n’avait pas les soutiens financiers aussi. Aujourd’hui, on a des vestiaires neufs à la hauteur de nos ambitions, un club house de qualité, une salle de musculation, du matériel, un ensemble de partenaires publics et privés. La structure est donc solide et peut assumer les objectifs et c’est très important.
Je vais rester au club, c’est une certitude
Quand on voit que des internationaux rejoignent le club, ça prouve aussi la solidité du projet ?
Effectivement, quand des joueurs comme nos Sud-Africains viennent, c’est que le projet est solide et attrayant. C’est une chance pour nous de pouvoir compter sur eux et de jouer avec eux. Quand on voyait il y a quelques années des équipes qui jouaient le haut de tableau, on les enviait car nous on avait un XV très fort mais un petit manque de banc pour jouer le haut de tableau. Après, on a aussi pu étoffer le groupe avec des joueurs d’expérience comme Noam Tramon ou Anthony Scellers. Mais il ne faut pas oublier que la majorité des mecs sont issus du club. C’est important de s’appuyer sur des gens du cru et sur notre formation, car c’est cette grosse base qui nous permet d’en être là.
Le RCA est un club familial, est-ce que garder cet ADN est possible, tout en se professionnalisant ?
Le challenge est là : il faut que l’on arrive à conserver notre ADN car c’est notre force, tout en étant capable de franchir ce palier. Après un moment donné, plus on va augmenter le niveau, plus on va devoir se professionnaliser et ça va peut-être jouer sur ce côté familial. Après, je pense qu’il va falloir trouver le juste milieu et c’est aussi pour cela qu’il est important que des anciens restent au club. C’est à eux de rappeler d’où l’on vient et comment on est arrivé là.
Vous parlez d’anciens qui restent au club, justement quel est votre avenir ?
Je vais rester au club, c’est une certitude. Ce club m’a tellement donné pendant 30 ans que je me dois de le lui rendre. J’ai grandi en tant que joueur mais aussi en tant qu’homme grâce au RCA. Je ne sais pas encore de quelle manière… Il va falloir que j’arrive à trouver la meilleure façon. Je suis en réflexion et il faut aussi que je discute avec Martin Saleille, pour savoir à quelle place je serai le plus utile.
Ce serait aussi une manière de ne pas trop s’éloigner du rugby ?
Effectivement, ce serait impossible pour moi de m’éloigner du rugby. Et puis ce club c’est une famille, pour laquelle j’ai envie de m’investir. Je vais avoir besoin de garder le contact avec ce club et je ne me vois pas arrêter tout, du jour au lendemain. J’ai envie que l’aventure continue, d’une certaine manière.
Vous avez eu la chance de partager le terrain avec vos frères, j’imagine que c’est une fierté ?
C’est quelque chose qui m’a vraiment fait plaisir et qui n’est pas donné à tout le monde. On est quatre frères et j’ai deux frères jumeaux qui sont plus vieux que moi. Ils ont joué au rugby et je suis venu au rugby grâce à Yann. Il a découvert ce sport à l’école primaire et il a décidé de poursuivre. Moi, à l’époque, je ne faisais pas de sport, donc j’ai décidé de le suivre et je n’ai jamais arrêté. J’ai eu la chance de jouer avec lui et mon petit frère Hervé qui a malheureusement dû arrêter, sur blessure. Avec Loïc, je n’ai pas joué mais je l’ai vu jouer, car il a arrêté le rugby tôt pour des raisons professionnelles. J’ai aussi eu la chance de vivre de très beaux moments avec Yann, en tant que coach.
Quel est votre plus beau souvenir avec le RCA ?
J’ai énormément de beaux souvenirs, mais la montée en Fédérale 3 avec Yann en tant que coach, c’était vraiment énorme ! Remporter un bouclier ensemble est vraiment l’un de mes plus beaux souvenirs.
Le meilleur cadeau que vos coéquipiers peuvent vous faire serait de monter en Fédérale 2 ?
Oui, ce serait vraiment une très belle chose de partir sur une montée en Fédérale 2, ce serait la cerise sur le gâteau. Après, j’espère que ce sera cette saison mais si ça ne l’est pas, ça le sera l’année prochaine. J’ai joué pour la plupart avec eux en seniors et j’espère vraiment pour eux qu’ils vont y parvenir. Ce qu’il faut vraiment retenir, c’est que le RCA réalise sa plus belle saison depuis très longtemps, puisque c’est la plus belle que j’ai connue au club. Après, il faut remettre les choses dans leur contexte. Au départ, le club voulait finir dans les quatre premiers pour voir ce qu’étaient les phases finales. Finalement, on finit 2ème et on joue la montée, mais ce n’était pas forcément l’objectif initial. Il y a eu des matchs d’une très grosse intensité contre Strasbourg et Saint Malo qui forcément laissent des traces. Il ne faut pas non plus oublier que Saint Malo a fini 3ème National, donc c’est une équipe qui avait peut-être un petit temps d’avance sur nous...
Aurélien Finet
Crédit photos : Léandre Leber et Coralie Sombret – Gazettesports