Parmi les belles surprises de cette saison avec 14 matchs au compteur sur son côté gauche, Matthéo Xantippe revient pour nous sur sa progression et ses objectifs, collectifs comme individuels.
Pour commencer, est-ce que vous pouvez revenir un petit peu sur votre parcours ?
Alors moi j’ai commencé le foot à l’âge de trois ans, en baby ballon à l’Amiens SC. Ensuite j’ai déménagé à Camon, à huit ans je suis parti à l’US Camon. J’ai fait mes gammes de U8 à U12 à l’US Camon, entraîné par mon père. En U13, Stéphane Caterina le coach de l’époque m’a contacté pour que je revienne à l’Amiens SC, donc je suis revenu. À partir d’U15, j’ai fait toutes les catégories surclassées jusqu’en U19.
Vous m’avez parlé de votre père qui vous entraînait à Camon, le football c’est un peu une histoire familiale pour vous ?
Oui, forcément. J’ai baigné dedans depuis tout petit en allant voir jouer mon père, en écoutant les histoires de ma grand-mère concernant mon grand-père, Édouard Xantippe, qui jouait à l’ASC, donc oui c’est une histoire de famille.
Est-ce que c’est quelque chose qui vous a poussé à faire du football ?
J’ai toujours été passionné de football grâce à mon père dont ça a été instinctif on va dire.
Est-ce que ce rapport familial au football ça crée une forme de pression ou est-ce que ça a facilité les choses ?
Honnêtement, avant mon arrivée chez les pros, on m’a très peu parlé de ma famille et c’est vrai qu’une fois que je suis arrivé chez les pros, que ce soit les médias ou même au sein du club on parle d’un seul coup de mon grand-père, de ma famille, mais pour moi ça n’a pas forcément été un avantage, ni un poids. J’ai toujours dit que moi c’était moi, et que ma carrière je veux la créer. Certes, mon grand-père il a joué et ma famille aussi mais moi j’ai travaillé pour y arriver tout seul, donc c’est comme ça que je le perçois personnellement.
Au sein de ce parcours vers les pros, il y a eu toute cette période sans compétition, sans match où il a fallu prendre son mal en patience, comment vous l’avez vécu ? Est-ce que ce n’est pas difficile de se dire qu’on est proche du but et que finalement c’est peut-être en train de se dérober ?
Je pense que justement c’est grâce à cette période-là que j’ai progressé mentalement tout d’abord parce que ça a été long. J’ai pris mon mal en patience. Et je pense aussi que c’est là où j’ai le plus progressé physiquement parce que je me suis vraiment donné les moyens, j’ai vraiment travaillé deux fois plus, et quand le foot a repris c’est là que j’ai vu la différence.
En réserve, vous jouiez en défense centrale. Est-ce que vous avez été formé à ce poste ou vous occupiez déjà le côté gauche à des moments de votre formation ?
Pendant le centre de formation j’ai évolué aux deux postes, latérale gauche et défenseur central. C’est vrai que selon les coachs ils me préféraient plus dans l’axe ou d’autres à gauche. J’ai toujours été un peu polyvalent, je pouvais jouer un peu partout, que ce soit au milieu du terrain, derrière, et je pense qu’aujourd’hui c’est encore le cas.
D’où est venu le fait que vous soyez fixé désormais à ce poste de piston gauche ? Cela a seulement été une question d’opportunité parce qu’on avait besoin de vous à ce poste-là ?
Je pense qu’au départ c’était une question d’opportunité parce qu’il n’y avait pas grand monde. C’est vrai qu’à une période il manquait du monde dans l’axe et j’avais dit au coach que pour dépanner il n’y avait pas de soucis, et il m’avait répondu en rigolant que je n’avais pas le physique adéquat. C’est sûr que quand on voit Formose Mendy ou encore Mateo Pavlovic qui sont assez athlétiques par rapport à moi… Donc voilà on avait bien rigolé là-dessus.
Étant polyvalent avec le poste de défenseur central, on aurait pu imaginer un profil défensif, ce qui n’est pas le cas. Vous vous êtes toujours senti une vocation à aller de l’avant ?
Oui, parce qu’en catégorie beaucoup plus jeune je jouais attaquant ou sur le côté. C’est resté, j’ai toujours eu cette envie d’aller vers l’avant, de jouer vers l’avant. Quand j’étais défenseur central je n’étais pas un joueur qui aimait dégager le ballon, donc forcément au poste de piston ça se ressent.
Du coup vous n’êtes pas surpris par les débuts plutôt réussis que vous faites à ce poste de piston ?
Je ne dis pas que ce sont des débuts réussis parce que j’ai des difficultés sur le plan défensif mais j’essaye de donner le meilleur et que les gens apprécient mon football, c’est ça le plus important pour moi.
Justement, quel jugement vous portez sur cette première saison en pro ? Vous avez quand même eu un temps de jeu non négligeable, ça doit être quelque chose que vous mettez du côté positif de la balance ?
Exactement. En début de saison je ne m’attendais pas à jouer autant. Pour moi je devais commencer à intégrer le groupe pro pendant la période hivernale mais grâce à mon travail je l’ai intégré plus tôt, aussi parce qu’il manquait du monde. Mais c’est vrai que pendant ma préparation j’étais plutôt intéressant, après j’ai eu une période de baisse. Là en ce moment je reviens bien et j’espère continuer comme ça et ne pas me relâcher.
La concurrence est une aide parce que tu n’as pas le droit à l’erreur, tu dois prouver ton potentiel chaque semaine, chaque jour, chaque week-end.
Il y a une vraie concurrence à ce poste-là avec Harouna Sy, comment la vivez-vous ? Comment ça se passe ?
Pour moi c’est vraiment du bonus, parce que ce n’est pas moi qu’on attendait. Maintenant, j’ai rarement vu une concurrence aussi saine parce qu’on s’entend vraiment bien, il me donne énormément de conseil, que ce soit pendant le match ou à l’entraînement. On a une bonne relation, mais oui on est des compétiteurs et chacun veut jouer mais c’est vraiment appréciable une concurrence comme ça.
C’est important d’avoir à son poste quelqu’un qui a de l’expérience ? Ça permet d’accélérer son apprentissage ?
Exactement. En début de saison lorsqu’il n’était pas encore arrivé c’est vrai que j’étais seul au poste de latéral gauche et je n’avais pas forcément quelqu’un derrière qui pouvait me guider mais c’est vrai que c’est une aide précieuse, l’expérience c’est important.
Il y a une forme d’émulation peut-être qui vous a permis de progresser plus vite ?
C’est sûr que quand il y a de la concurrence et qu’on est compétiteurs, on progresse beaucoup plus vite que lorsqu’on est tout seul, où on peut se reposer sur ses lauriers. C’est une aide parce que tu n’as pas le droit à l’erreur, tu dois prouver ton potentiel chaque semaine, chaque jour, chaque week-end.
Vous n’avez pas encore de contrat professionnel, maintenant l’objectif à titre personnel, ça va être d’aller le décrocher ?
Bien sûr que c’est un objectif, mais ça passe par les performances. Moi, depuis le début, j’ai toujours dit que je préférais jouer en professionnel plutôt que d’avoir un contrat et de ne pas jouer. Ça va passer par les performances, je le sais, mais mon objectif premier reste de jouer en Ligue 2 et de faire des matchs.
Du coup ce n’est pas du tout un élément de pression, ni de motivation, c’est un élément assez neutre finalement ?
Oui, c’est un plus. C’est sûr qu’en fin de saison je suis en fin de contrat et je n’aurais peut-être rien, donc tu y penses un petit peu par moments mais quand tu te dis que tu joues en ligue 2, que tu as 15 matchs et que certains en ont peu, tu relativises.
Collectivement, comment juges-tu cette saison ? Il y a eu beaucoup de bonnes choses mais finalement assez tardivement donc ça ne se matérialise pas encore totalement au classement. De quel côté penche la balance sur cette saison ?
Je pense que pour que ça penche du bon côté il nous faut cette victoire qui va nous apporter des points et confirmer cette dynamique à domicile.
Bien sûr qu’on pense au haut de tableau. Il faut voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.
Depuis 14 matchs vous avez deux défaites, vous êtes dans les cinq premiers sur cette période. Vous pensez qu’il y a encore quelque chose à aller chercher devant ?
Bien sûr. Si ce week-end on gagne on peut provisoirement revenir à la septième place, ça serait un bond important. Bien sûr qu’on pense au haut de tableau. Il faut voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Et je pense que c’est comme ça qu’on le perçoit, la plupart des joueurs.
Malgré tout ça reste assez loin devant, pour aller chercher quelque chose en fin de saison ?
Bien sûr, c’est vrai que le top 3 est un petit peu devant, maintenant on ne se fixe pas de limites, dans le foot c’est comme ça, tout peut changer rapidement.
Cette idée de se fixer un objectif ambitieux c’est aussi un moyen d’éviter de terminer la saison totalement en roue libre en cas de maintien assuré rapidement ?
Exactement, le coach nous avait dit : Sincèrement qu’est-ce que vous voulez faire ? Obtenir le maintien et ensuite, c’est tout ou visez plus haut ? Et en tant que compétiteurs, on vise haut. C’est une question de ne pas se reposer sur ses acquis et de ne pas avoir le maintien presque en poche et de se dire tranquillement on a le temps, que ça va aller, que ça va le faire. Ce n’est pas comme ça, chaque match il faut donner le maximum, se donner les moyens pour gagner.
Justement, sur ses 14 derniers matchs, ce changement de système a aussi beaucoup aidé à se donner les moyens pour gagner ? On a l’impression que vous êtes beaucoup plus libérés ?
C’est exactement ça, on est beaucoup plus libérés grâce à la solidité des trois défenseurs centraux de grande qualité, grâce à nos milieux de terrains qui sont assez joueurs même si dans les médias on nous reproche un peu de lancer le ballon aux attaquants qui sont grands devant, pour faire preuve d’une efficacité grandiose et de ne pas forcément produire beaucoup de jeu. Mais je pense au match contre Ajaccio, où ils n’ont qu’une occasion qu’ils mettent, ce sont ça, les grandes équipes, aussi.
Vous avez fait un passage par l’équipe de France U18. Comment ça c’est passé ? Qu’est-ce que vous en retenez ?
Deux semaines avant la convocation au centre de formation, on fait un match amical contre l’équipe de France U18 et c’est vrai que je joue une mi-temps avec les U19 et je fais une mi-temps assez intéressante, suite à ça, à la fin du match le sélectionneur me dit qu’on va se revoir très bientôt. Pour moi, ce n’était que des paroles, pas grand chose n’allait se passer. Mais deux semaines après j’étais à l’internat, au centre de formation et mes parents m’appellent pour me dire que j’étais en équipe de France. La convocation s’est très bien passée, j’étais un petit peu timide durant ce stage-là mais c’était une expérience unique, on a gagné 2-1 contre l’Italie en plus, c’était vraiment incroyable. C’est sûr qu’en tant que compétiteur on souhaite y retourner.
Ce genre de moment où on côtoie le haut niveau de sa génération, c’est aussi quelque chose qui aide à se projeter des objectifs vers le haut niveau ?
Oui, tu vois où tu en es par rapport aux autres de ta catégorie et tu vois où tu peux aller. Ça permet de vivre un moment incroyable et aussi de se juger.
Quels sont vos objectifs à titre individuel ?
Je dirais essayer de m’imposer en Ligue 2, faire un nombre de matchs considérable, ce serait déjà important pour mon âge. Après pourquoi pas l’équipe de France U20, mais il faut bosser.
Même s’il n’y a pas encore de contrat, vous vous projetez déjà sur une saison prochaine dans cette équipe amiénoise pour aller chercher du temps de jeu ?
Bien sûr. La première saison, c’était une saison bonus, je suis encore en découverte. Je suis encore jeune mais l’année prochaine le but c’est de faire le plus de match possible. Je suis là pour jouer des matchs, c’est ma passion le football et je veux vraiment jouer des matchs.
D’autant que cette saison la montée va peut-être être un petit peu dure à aller décrocher, mais il y aura normalement encore un bel objectif à viser la saison prochaine.
Exactement. L’ASC est un très bon club de Ligue 2 et je pense qu’il faut viser le plus haut possible.
Morgan Chaumier, avec Charlotte Lecot
Crédit photo : Léandre Leber – Gazette Sports