« Au départ c’était pour un an ! » Voilà les premiers mots de Yann Mailly quand le sujet de sa fin de mission de coaching après trois saisons a été abordé. Un mandat qui l’a amené à vivre beaucoup de choses, des fortes émotions et des désillusions, dont il nous fait part aujourd’hui.
Bonjour Yann, peux-tu nous raconter ton parcours au RCA, de ta première licence à aujourd’hui ?
Ma première licence je l’ai prise en septembre 1991 au RCA. J’étais en CM2 quand mon prof de sport nous avait fait découvrir ce qu’on appelait « la balle ovale. » J’ai tout de suite accroché ! Et dans ma classe il y avait le fils du président du club de rugby de l’époque avec qui je m’entendais très bien, donc les choses se sont faites comme ça. J’ai enchainé les catégories au RCA avec des postes très divers : 3ème ligne aile, talonneur, ou trois-quart centre. Et à 16 ans j’ai commencé à donner des coups de main en tant qu’éducateur pour les jeunes du club. À 20 ans le club me propose un contrat d’éducateur sportif donc avec brevet d’état. J’intervenais dans des écoles primaires sur Amiens mais aussi auprès des étudiants, c’est ma première expérience professionnelle. Finalement c’est dans ce cadre que j’ai découvert le boulot d’éducateur spécialisé, que j’exerce actuellement. Je continue toujours le rugby mais de mes 25 à 35 ans le rugby est un peu secondaire, j’enchaîne blessures et obligations professionnelles qui me font mettre le rugby au second plan. Et en 2015 je raccroche définitivement les crampons en me faisant une rupture des ligaments croisés sur le terrain de Saint-Omer, la veille de mes 35 ans. Trois ans plus tard je suis sur le banc du groupe senior aux côtés de Martin (ndlr : Saleille).
Pourquoi avoir dit « oui » à la proposition de Martin ?
Rendre au RCA ce qu’il m’avait apporté dans ma vie.
Ce sont d’abord Julien Carlier (président de l’époque) et Michaël Lopata (coach principal en partance cette année là) qui m’ont appelé pour m’expliquer la situation et qu’ils cherchaient des personnes pour monter un nouveau staff. Moi je connaissais Martin de vue mais sans jamais lui avoir vraiment parlé. La première rencontre c’était chez lui, en août 2018, en retour de vacances ! Très vite le lien de confiance s’est installé. Son projet m’intéressait et je savais qu’en travaillant avec lui j’aurais de la place pour m’exprimer. Je n’avais jamais entrainé un groupe senior, c’était très différent de ce que je connaissais. Mais j’avais l’envie de bien faire et permettre au club d’évoluer. J’ai dit « oui » car mon histoire de vie est en lien avec le club. C’était aussi un changement de dernière minute donc c’était important pour moi de me montrer disponible et de rendre au RCA ce qu’il m’avait apporté dans ma vie. Et c’était aussi un beau challenge sportif, dans lequel je voulais m’investir.
Qu’est-ce que ces trois années sur le banc t’ont apporté ?
Enormément d’émotions. Je n’imaginais pas en vivre d’aussi fortes. Dans tout ce que ca représente, ça t’apporte surtout de vivre rugby h24. Tu penses rugby, tu vis rugby, tu es dans la projection constante des prochaines rencontres. Dès la fin du match tu analyses, tu regardes sur quoi rebondir, tu penses à que mettre en place pour le dimanche d’après. C’est une aventure humaine très forte avec le club, le staff, les dirigeants, les joueurs et aussi les supporters. Je ne pourrai jamais oublier tout ça, c’était vraiment trois belles années.
Quel est ton meilleur souvenir ?
La montée en Fédérale 3, sans hésiter ! Le club était à deux doigts depuis déjà quelques années. Le parcours de la saison était super, c’était un objectif qu’on avait mais sans se mettre trop de pression non plus, même si on devait forcément y penser. C’est le premier grand aboutissement dans mon histoire avec ce groupe. Ça demande beaucoup d’énergie avec le staff et c’est une belle histoire entre nous cinq, le staff, et aussi avec les joueurs. Tu sais, ça représente quelque chose pour beaucoup de personnes. Quand on est coach, on porte l’envie et le désir de plein de gens ; des joueurs, des bénévoles, des dirigeants, des supporters. On est un peu garant, responsable de la réussite. Avec l’investissement des gens qui nous entourent, on ne devait pas se louper.
Je pense aussi au jour de mes 40 ans, quand on bat Evreux à la maison. C’était important car la victoire nous mettait dans une situation confortable pour le maintien. C’était un match important pour ne pas retomber, on voulait continuer à grandir et à franchir des étapes. Ce match c’était une grosse tension, et au coup de sifflet final je me suis laissé submerger par l’émotion, c’est un très beau souvenir.
Quel est ton pire souvenir ?
C’est la défaite de l’équipe réserve en finale du championnat honneur. Ils méritaient cette place de champions pour tout ce qu’ils avaient accompli cette saison là, et l’état d’esprit qu’ils avaient. L’équipe était un peu moins performante, avec les blessés et les renforts envoyés pour l’équipe première. Voir cette équipe réserve ne pas porter le bouclier j’étais vraiment déçu pour eux. Comme l’année dernière où ils ne peuvent pas aller en championnat de France. C’est ma déception de ne pas voir ce groupe aller au plus haut. Il ne faut pas oublier qu’ils nous ont aidé à monter, ils ont été très performants et méritaient mieux.
Ils méritaient cette place de champions pour tout ce qu’ils avaient accompli cette saison là, et l’état d’esprit qu’ils avaient.
Est-ce une fin de carrière définitive ?
Je ne m’imaginais pas entraîner le RCA, si on me l’avait dit il y a quatre ans je n’y aurais pas cru. Donc pour l’instant ce n’est pas d’actualité. Si ça se présentait, ça serait imprévu, comme pour ces trois années. Mon seul désir est de rester au niveau du club en tant que bénévole. Aider à l’organisation, aider au cadre de l’équipe. Participer à l’aventure mais dans une place différente. J’ai profondément aimé ces années auprès de ce groupe, mais ce choix a été longuement réfléchi, avec mes proches. Mes enfants me demandaient d’être plus présent, c’est aussi une volonté que j’avais envers eux, et j’ai d’autres projets sur lesquels me pencher. Évidemment j’aurais préféré finir sur une saison complète, mais il était temps pour moi d’arrêter.
Tu parlais de ta relation avec Jean-Baptiste Segais, Jean-Sébastien Leblond, Bertrand Legranger et Martin Saleille, qu’est-ce que tu as envie de leur dire aujourd’hui ?
Tout d’abord je veux les remercier. Je n’imaginais pas que les liens allaient être aussi forts. On a vécu des moments forts et on est devenu des amis, même si on se connaissait déjà un peu. Jean-Baptiste et moi sommes de la même année, donc on s’est suivi dans les catégories au RCA. J’ai entraîné le fils de Jean-Sébastien, donc c’était marrant de se retrouver dans ce contexte. On s’est fait confiance, avec un rôle différent pour tous. Je pense aussi à Abdel (ndlr : Lasfer) qui faisait presque partie de ce staff aussi. On est tous indispensables et complémentaires. Donc qu’ils continuent à prendre du plaisir, à faire grandir ce groupe de joueurs.
On va te retouver dans les tribunes ?
Forcément ! Maintenant ma place est en tant que bénévole du club. Je serai toujours là pour le RCA mais cette fois pour aider. Ça sera une autre facette du travail au RCA, mais je serai là pour les supporter, et peut-être tenir la buvette, c’est aussi très important (rires).
Un mot pour Scott Jeffrey, qui va prendre ta place auprès de Martin ?
Quand on m’a parlé d’un coach venu de Compiègne, j’ai tout de suite dit « Est-ce que c’est Scott ? ». Dans la saison ordinaire on croise beaucoup de coachs sur les bancs, mais Scott a toujours été accessible et humble, même si son équipe était supérieure à nous. Il a une expérience qui va faire du bien à l’équipe. Je suis optimiste sur la dynamique qui sera mise en place.
Propos recueillis par Benjamin Poupart
Crédit photo : Coralie Sombret – GazetteSports