EDITO : Il n’y a pas que les ouvriers qui font grève : les coureurs cyclistes également

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Ce qui s’est passé ce vendredi à l’occasion de la 19e étape du Tour d’Italie est vraiment exceptionnel. On a en effet assisté à ce spectacle quasiment unique dans la grande histoire du cyclisme: à savoir des coureurs professionnels qui refusent de prendre le départ d’une étape.

Cette manifestation de mauvaise humeur, de colère même, n’était absolument pas du tout prévu au programme. Ce mouvement a été spontané et bien malin celui qui peut affirmer qu’il est parti de tel ou tel coureur, de telle ou telle équipe. Cet acte de protestation nous a fait penser à cette révolte des coureurs dans le Tour de France 1978.

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Bernard Hinault avait alors décidé de manifester et on revoit cette image d’un peloton à pieds qui fait patienter les officiels et les spectateurs avant de partir.

A l’époque, Bernard Hinault et ses équipiers ou adversaires reprochaient à l’organisateur, en l’occurrence Jacques Goddet, de multiplier les demi étapes, le transfert des coureurs  et le choix des hôtels souvent très éloignés du lieu du départ de l’étape du lendemain. A l’époque, ce mouvement des coureurs avait été bien accepté.

Ce qui s’est passé au Tour d’Italie est sensiblement différent. Nous sommes à deux jours de l’arrivée et le Giro a été très pénible. Cela n’a pas empêché le Picard Arnaud Demare de remporter quatre étapes et de revenir dimanche à Milan avec sur le dos le maillot du vainqueur aux points.

Arnaud Demare n’a pas fait partie des coureurs qui ont mené la fronde ce vendredi. Il l’a du reste expliqué : « Je ne me suis pas plaint quand il y avait de la haute  montagne. Donc j’aurais aimé que mes adversaires en fassent autant. »

Durant quatre heures, ce fut une vraie pagaille dans la ville départ.  L’organisateur du Giro, le Christian Prudhomme italien, n’a jamais été prévenu de la colère des coureurs. Il était remonté après les meneurs et il leur en voulait d’autant plus que cette année, le Giro s’est  déroulé dans des circonstances particulières avec le coronavirus mais aussi le froid, la pluie puisque nous sommes en octobre.

« Les meneurs devront rendre des comptes » a même déclaré le grand patron du Giro. Cela  n’a pas empêché de vivre un Giro passionnant et ce samedi matin, au départ de l’avant dernière étape, il y aura trois coureurs en quinze secondes.

Du jamais vu. Le Hollandais Wilco Kelderman qui, jusqu’à présent, possède un palmarès disons moyen, sera peut-être dimanche le vainqueur mais ce qu’on retiendra surtout c’est cette grève des coureurs qui ont non seulement fait que l’étape parte avec quatre heures de retard et que surtout elle soit ramenée de 259km à 123 km. Ce mouvement n’a pas fait loin s’en faut l’unanimité d’autant que le cyclisme traverse financièrement une passe difficile.

Mais les coureurs ont eu raison, peut-être de façon maladroite, de montrer leur mécontentement car dans cette regrettable histoire, l’Union Cycliste Internationale est restée bien silencieuse. Ce sont les coureurs qui souffrent sur leur vélo à l’instar des boxeurs sur le ring.

On exige beaucoup des  coureurs mais comme l’a noté le directeur sportif de l’équipe du champion du monde Julian Alaphilippe « Nous sommes dans une autre époque« .  Celle des oreillettes, des étapes plus courtes  ce qui ne signifie pas que les coureurs d’aujourd’hui sont  moins courageux que leurs aînés.



Lionel Herbet  

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