En repos forcé après les différentes décisions prises par le gouvernement et par la Fédération, le Rugby Club Amiénois voit toutes ses activités suspendues. L’occasion de rencontrer Martin Saleille, coach principal et manager sportif du club.
- La saison est suspendue, matchs et entraînements, quel regard tu as sur cette décision ?
C’est une bonne chose, on ne peut pas demander aux gens de faire des efforts dans leur vie et de continuer à venir au club. On ne peut pas non plus les obliger à faire des déplacements à quarante personnes, rencontrer un groupe de quarante, faire un sport de contact, et ensuite retourner dans leur famille. Soyons citoyens. C’était même presque un peu tard, j’ai trouvé. On a attendu la communication officielle jusqu’au dernier moment. Je trouvais ça important, autant pour le monde du rugby que pour le club. Donc, depuis vendredi, le club est fermé. On a reçu vendredi matin un courrier de la Fédération nous expliquant les mesures prises, et le soir même tous les entraînements ont été annulés. On s’est réuni avec les coachs pour voir les suites possibles, mais en réalité, on n’a pas de questions à se poser, on suit les directives.
- Est-ce que tu demandes aux joueurs de se garder en forme ?
Oui, on va leur demander. Entre jeudi et dimanche, il y a pas mal de choses qui ont changé, on a du s’adapter à cela. On va envoyer un programme sportif aux joueurs, comme un programme estival. D’ailleurs on ne les encourage pas à sortir, ni à le faire ensemble. C’est un programme à faire seul, chez soi, sans besoin de matériel particulier. On ne sait pas où on va, si cette situation va durer ou non, si le championnat sera gelé ou non. Donc on fait comme si le retour au terrain se faisait au plus tôt, ça signifie qu’on veut rester opérationnels. Notre rôle est aussi de leur donner les clefs chez eux pour rester en forme, et que ça corresponde au maximum à nos possibilités. On se posait les questions avec les coachs, si le championnat pouvait reprendre et finir fin juin, c’est encore possible. Il y a plein de paramètres à prendre en compte.
- C’était une saison importante pour vous, quel préjudice pour le club ?
C’est moins grave. Le plus important pour nous c’est de reprendre une vie normale pour tout le monde avec une bonne santé. On a envie que ça marche pour nous, bien sûr, mais si on garde le classement actuel on n’est pas plus inquiétés car on n’est pas dans les places relégables. Et de toute façon le travail n’est pas perdu dans tous les cas, on a beaucoup appris, et si malheureusement on doit redescendre on se remettra au boulot, ça ne nous fait pas peur. On pourra anticiper les difficultés qu’on a vu jusque là.
On est trois salariés dans la structure. La semaine passée on continuait de travailler en essayant de respecter les distances, les contacts, mais ce n’est pas intuitif et c’est presque une autre organisation. Le plus important c’est le coté sanitaire. Dans le bureau on est deux, on a de la place, mais on ne veut pas prendre de risques. On veut que les gens continuent à vivre normalement. On veut donner les bonnes instructions et ne pas mettre en danger le personnel du club. C’est le côté financier pour le personnel qui est surtout préjudiciable. L’important est de faire en sorte que ça fonctionne bien de notre coté et reprendre vite. Plus on est disciplinés, plus on reprendra vite. On a l’avantage d’être un club sain, tant financièrement que dans l’état d’esprit.
- Quelle fin tu vois à cette situation ?
À mon avis, on ne risque pas de reprendre bientôt. Au mieux, six semaines comme on l’entend dans les médias. S’il y a une reprise, je la verrai fin mai-début juin. De ce que je vois, il y a trois suites possibles à tout cela :
- La saison suspendue reprendrait fin mai-début juin. Et reprendrait où les équipes s’étaient arrêté, ce qui donnerait un système de montées-descentes classique.
- Tout geler, finir la saison là où elle s’était arrêtée et garder les équipes telles quelles pour la saison prochaine. Recommencer une saison sans les montées-descentes
- Sinon dans le rugby on a un système de calcul qui peut être utilisé, qui partagerait les points équitablement entre les équipes match par match. On a simulé rapidement cela pour le match face à Domont, et on aurait quelque chose comme 1,5 point. Ça peut faire parler, car c’est une simulation de match basée sur un calcul alors qu’on sait que chaque match peut donner son lot de surprises, mais c’est difficile de trouver une solution juste pour tout le monde.
Dans tous les cas on garde la lucidité de savoir qu’il y a une situation grave, où des gens sont hospitalisés. Donc certes le rugby est notre gagne-pain, mais on n’a aucune hésitation à appliquer les règles imposées par l’État. Dans 15 jours je pense qu’on en saura plus. Une chose est sûre, le club suivra scrupuleusement les règles sanitaires. On attend l’État, puis la Fédération. Si j’étais à leur place, et tant que la situation dans le pays ne s’améliore pas, je dirais « rien ne change pour l’instant », les décisions viendront quand la situation le permettra.
Propos recueillis par Benjamin Poupart
Crédit photo : Léandre Leber – GazetteSports