Cette année, la sportive amiénoise Audrey Caron a participé à l’Ironman de Vichy et est parvenue à atteindre la ligne d’arrivée après 12h59 d’effort. Pour Gazettesports, elle est revenue sur cette performance hors du commun.
Bonjour Audrey, pour commencer, qu’est-ce-qu’un Ironman ?
Un Ironman est un triathlon XXL, c’est-à-dire longue distance : avec 3,8 km de nage, 180km de vélo et un marathon pour finir (42,195 km), le tout dans un laps de temps de 16h. Cette année, sur Vichy, le premier homme l’a fait en 8h42, et la première femme en 9h50. Ceux qui n’ont pas fini avant les 16h se font arrêter. Cette année, il me semble qu’il y a eu plus de 400 personnes qui n’ont pas fini, soit par manque de temps, soit à cause d’insolations, parce qu’il faisait très chaud, de problèmes physiques ou de chutes en vélo, etc.
Comment vous êtes-vous entraînée pour l’Ironman ?
Je n’ai pas un entraînement spécifique pour ça. Je fais beaucoup de sports divers et variés. Je pratique énormément le CrossFit. C’est un entraînement croisé, à haute intensité, qui varie avec de l’haltérophilie, de l’endurance et de la gymnastique. Mais je ne me suis pas forcément entraînée plus que ça pour l’Ironman. J’ai recommencé à nager quand l’Aquapôle a ouvert en juillet, donc vraiment un mois et demi avant le triathlon. Au niveau de la course à pied, je n’ai pas beaucoup couru cette année. Pour le vélo par contre, sur ce coup-là, tous les dimanches je faisais une sortie de 85km à peu près. Mais sinon je n’avais pas de plan d’entraînement comme certains font, je déteste ça. Je préfère m’entraîner en fonction de mes envies. Je ne fais jamais de programmes d’entraînement vraiment ciblé, au moins comme ça, je ne me frustre pas en cas d’échec.
Combien d’heures vous entraînez-vous par semaine ?
Je m’entraîne énormément. Je pense que je suis sur les 15 à 18 heures par semaine. Si on compte une sortie vélo, qui peut être assez longue, ça peut me prendre 3 à 4 heures, donc ça augmente forcément le compte. Mais sinon, je suis à peu près sur cette base-là. Ça peut paraître dingue, mais je fais du sport depuis que je suis toute petite. C’est habituel pour moi.
Est-ce-que le mental est aussi important que le physique pour l’Ironman ?
Oui, complètement. Pour moi, même si le physique en pâtit un petit peu à un moment donné, il y a quand même le mental qui reprend le dessus. Et pour ce genre de distance, je pense qu’il faut un gros mental. Parce que, par exemple, après avoir passé presque 7h sur la selle d’un vélo, en le posant, on se dit qu’on a un marathon de plus de 40km derrière, c’est compliqué de voir que ce n’est pas terminé.
J’aime bien voir jusqu’où mon corps et mon mental peuvent aller
Pour quelles raisons vous êtes-vous inscrite à l’Ironman ?
C’était avant-tout un défi personnel. J’avais fait le half Ironman l’année dernière, c’est-à-dire que les distances sont divisées par deux. Du coup, je me suis dit que cette année, il fallait faire le complet. On m’avait dit, « tu verras, quand tu finiras, tu voudras tout de suite repartir », et c’est vrai. Pourtant ce n’est pas si simple que ça, je fais quand même presque 13h d’effort. Mais j’ai envie d’aller encore plus loin. J’aime bien voir jusqu’où mon corps et mon mental peuvent aller.
Comment vous sentiez-vous avant de faire l’Ironman ?
Stressée ! J’ai fait ça avec un ami. On fait beaucoup de défis sportifs ensemble. Sa mère était avec nous aussi. On l’attendait avec impatience, et on en parlait beaucoup. J’ai été très stressée deux semaines avant. Je n’arrêtais pas d’y penser, et je me disais qu’il fallait que je me calme, parce que ce n’était pas tout de suite ! Mais c’est quand même quelque chose que l’on appréhende un peu, surtout la première fois. Quand on a fait l’half Ironman en 2018, on n’avait jamais fais de triathlon. Du coup, on stressait par rapport à l’organisation, pour savoir où poser nos sacs de transition. Il fallait aussi mettre bien les choses dedans, parce que si on oublie quelque chose, tant pis ! On ne peut pas y retourner. Cette année, ça me faisait encore peur. Mais ça a été au final.
L’Ironman était le dimanche. On est arrivé le vendredi. J’étais bien, pas stressée. Je me suis même dis « Mince, c’est pas normal que je ne sois pas stressée ». Le samedi avait lieu l’half Ironman. Du coup on a été voir. Et, quand on a été sur l’aire d’arrivée, j’ai eu une espèce d’émotion qui est sortie. Le samedi soir par contre, le stress commençait à venir. Je me disais « Bon, il va falloir s’y mettre ». Mais une fois partie, une fois dans l’eau, je n’avais plus rien. Et à aucun moment je me suis dit « Je ne vais jamais le terminer ». Ma plus grosse hantise était surtout d’avoir un problème physique, ou matériel avec mon vélo. Si j’avais dû ne pas le finir à cause d’un problème physique, ça m’aurait vraiment embêté.
Comment vous sentiez-vous pendant et après l’Ironman ?
Quand on passe du vélo à une course à pieds, où on se remet sur le sol, on a une petite crainte d’avoir mal quelque part. Mais ça a été. Pendant le marathon, je n’ai pas couru à une allure que je cours d’habitude parce qu’il faisait vraiment très chaud. 40° au soleil, c’était dur. Au bout de 35km, je me suis dis qu’à un moment donné j’allais avoir mal quelque part, mais en fait non. Je suis arrivée, j’étais bien. Même le lendemain, moi et mon ami, physiquement on n’avait rien.
Comment fait-on pour faire du sport pendant 13h d’affilé ?
C’est le mental qui est là. Puis on s’est inscrit en décembre 2018, donc on le savait que ça serait aussi long, on était préparés mentalement. Même si ça paraissait fou, je savais qu’il fallait faire 180km en vélo, alors je faisais ces 180km, sans réfléchir. Sur ma montre, je ne regardais même pas la distance. Je m’étais juste fixée un objectif à un moment donné : « Avant 15h, j’aurais fait 160 bornes ». J’aime bien me fixer des objectifs par heure.
Moi-même je suis surprise. Je ne vais pas dire que c’était facile, mais ça m’a étonné que ça ce soit aussi bien déroulé. Mon ami et moi avons un gros mental. Et personnellement, je me dis que l’on n’a pas fait tout ça pour finalement abandonner. J’ai horreur de l’abandon et de l’échec. L’abandon n’était pas envisageable, ça c’était catégorique. Je n’aurais abandonné que si j’étais vraiment à l’agonie. Mais s’il fallait le finir en 15h50, je l’aurais fini.
Comme je dis souvent, le corps humain est une machine de guerre
Combien de temps vous a t-il fallu pour vous en remettre ?
Je savais que, physiquement, on avait quand même fait un effort de 13h, et ce n’est pas rien. Et aussi, il y avait eu le stress avant. Donc on a eu une grosse fatigue la semaine qui a suivi, et du mal à remanger pendant 3-4 jours. Parce que pendant la course, je n’ai pas beaucoup mangé. J’ai plus bu de l’eau. Je pense que les intestins en prennent un coup quand même. Mais ça a été juste ça sur les 3-4 jours suivants l’Ironman. Une grosse fatigue physique, mais au niveau musculaire ça a été. Pour dire, le dimanche d’après, on faisait du vélo ! Donc ça allait. Comme je dis souvent, le corps humain est une machine de guerre ! Après il y a eu une perte de poids. Rien que sur la course, j’ai dû perdre 2 kilos. Ça va vite, 3 sports enchaînés comme ça. Puis je pense qu’on perd beaucoup d’eau aussi, c’est surtout ça.
Réalisez-vous l’importance de ce défi réalisé ?
Je pense qu’on n’a pas réalisé tout de suite ce qu’on avait fait. Quand je suis revenue, tout le monde m’a applaudi, mais je ne me rendais pas compte que c’était un gros défi. Même si pourtant, des années avant, je voulais déjà faire ce genre de défi. Je ne l’ai pas fait parce que je faisais d’autres choses. Mais là de l’avoir fait avec mon ami, on se motive à deux, ça pousse à s’y inscrire. C’était un beau défi réalisé.
Mais c’est vrai que quand on parle d’un Ironman, tout de suite les personnes sont stupéfiées. Mais maintenant que je l’ai fait, ça va au final. C’est vrai que ça peut paraître fou, mais moi ça me paraît normal. C’est peut-être parce que je suis modeste aussi. Avant de le faire, moi aussi je me suis dit que c’était fou, mais là de l’avoir fini, au final je me dis « C’est fou, mais c’est possible ». Bon après, n’importe qui ne peut pas le faire comme ça. Il faut quand même une base sportive. Si des personnes veulent s’y mettre alors qu’ils ne font que 3 heures de sport par semaine, il va falloir faire un plan marathon, un plan natation, etc. C’est bien, c’est un gros défi, mais il faut quand même s’y préparer en amont.
J’ai vu que vous aviez beaucoup communiqué sur les réseaux sociaux, vouliez-vous faire passer un message précis ?
Je voulais montrer que c’était possible. J’aime bien partager ce que je fais dans le monde du sport, mais pas du tout dans ma vie personnelle. J’ai parlé de mon aventure pour montrer que, si on a une motivation, tout est possible et on peut réussir à faire quelque chose. J’étais contente de pouvoir montrer comment ça s’est déroulé, faire partager un moment aux personnes qui ne comprennent peut-être pas le but de réaliser ce genre de défi.
Sur ma page Facebook, j’ai fait un petit récap’ de mon aventure à l’Ironman, et beaucoup de gens ont aimé. Certains m’ont même dit « Oh, ça donne envie de le faire ». J’avais envie d’écrire tout ça parce que je me suis aussi dis que, dans quelques mois, ou dans quelques années, ça pourra être sympa de le relire. C’est un bon souvenir. Certaines personnes m’ont dit qu’elles avaient eu les larmes aux yeux. C’est que le message a dû faire passer des émotions, c’est bien.
Aussi, la mère de mon ami faisait un peu de natation avec nous quand on s’entraînait, mais qui est plus coureuse à la base. Et là, elle a pris un vélo et elle va faire un half Ironman aussi. Même des amis qui font plutôt de la course à pieds et de la natation, ça leur a donné envie de se mettre au vélo et puis d’essayer un triathlon.
L’année prochaine il y aura encore d’autres défis je pense !
Comptez-vous participer à un nouvel Ironman l’année prochaine ?
Il faut savoir que « Ironman » c’est un label, mais il y a d’autres triathlons XXL qui existent. Sans doute que l’année prochaine, je vais faire l’Embrunman, le 15 août, à côté de Gap. Mais ce n’est pas sûr. C’est dans les montagnes. Il y a un fort dénivelé pour le vélo et la course à pied, donc là c’est assez dur. Et puis c’est en altitude, donc au niveau de l’oxygène ça ne va pas être pareil. On s’était dit qu’après l’Ironman de Vichy, on ferait celui de Nice l’année prochaine, mais on nous a dit que celui que l’on a fait cette année était un peu pareil que le prochain. Donc il faut trouver un triathlon plus difficile, peut-être Embrunman.
Et peut-être un half Ironman pour essayer d’aller faire un meilleur chrono cette fois-ci. Histoire d’essayer de faire quelque chose de mieux en connaissant plus les distances. Maintenant, mon ami et moi, on se connaît sur les deux distances, donc on va peut-être pouvoir envoyer un petit peu plus. Parce que là, mine de rien, j’étais un peu sur la réserve sur certaines choses. Je suis toujours un peu sur la réserve. Je ne vais jamais dans le rouge. J’ai peur de me cramer physiquement et de ne plus arriver à aller jusqu’à la ligne d’arrivée.
J’ai aussi d’autres défis. Dans deux mois, je fais un trail, qui s’appelle la « SaintéLyon ». C’est entre Saint-Etienne et Lyon, 77km de trail et le départ est à minuit. Comme c’est le 30 novembre, souvent les conditions climatiques ne sont pas géniales. Je m’en vais encore pour un nouveau défi farfelu, mais j’aime bien ! L’année prochaine il y aura encore d’autres défis je pense !
Vous êtes diplômée en tant que coach sportif, quels sont vos projets professionnels ?
J’ai eu pas mal de diplômes avant. J’ai un master en management du sport, donc là c’était de la théorie. Le diplôme en tant que coach sportif, c’était surtout pour aller à la pratique. Maintenant, je compte faire pas mal de coaching privé, soit en individuel ou en petit groupe. Coacher en CrossFit, parce que c’est quand même ma base sportive, et en musculation aussi, puisque je pratique aussi beaucoup. J’ouvrirai peut-être par la suite une structure sur Amiens, ou dans les environs. J’aimerais pouvoir développer le CrossFit sur la région amiénoise. A voir. Ce n’est pas encore bien établi dans ma tête, c’est tout nouveau.
Pour l’instant, ce sont des projets après ma formation. Donc maintenant, il n’y a plus qu’à mettre les choses en place, et à faire pas mal de communication. Là je suis en train de me faire un logo. Ensuite, il faudra que je me fasse un réseau et communiquer un maximum pour que les gens me connaissent.
Vous pouvez retrouver tous les détails de son aventure directement sur sa page Facebook.
Angélique Guénot
Crédits photos : Audrey Caron
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