Deuxième partie de notre entretien avec Mario Richer, dans laquelle le coach amiénois évoque son métier, ses passions pour l’histoire et les voyages, et tire aussi un bilan de son travail avec le club.
Une fois la saison terminée, en quoi consiste le travail de Mario Richer ?
À la fin de la journée c’est souvent comme avoir passé une journée à la pêche et ne pas avoir de poisson
Et bien pour l’instant c’est le recrutement, on est en période de recrutement de l’équipe pour l’an prochain. Nous avons la même masse salariale que l’année passée, donc l’objectif c’est de trouver des joueurs qui veulent venir à Amiens et qui vont compléter l’équipe que l’on a déjà. C’est un travail qui est très demandant, parce que j’arrive ici à 8h du matin et je n’arrête pas jusqu’à 23h le soir parce que je parle beaucoup avec des Canadiens, donc avec différents décalages horaires.
À la fin de la journée c’est souvent comme avoir passé une journée à la pêche et ne pas avoir de poisson. Tu rentres chez toi et tu te dis : « pffff je n’ai rien fait »; tu as travaillé de nombreuses heures, mais ça n’a pas avancé. Certaines journées tu as un poisson, tu as un joueur qui arrive, une autre journée tu as plein de poissons près de ta ligne mais tu n’en as pas un qui mord… l’image c’est ça. Actuellement c’est de la patience, du téléphone, des emails et prendre des informations sur les joueurs. Quand tu ne prends pas assez d’informations sur le joueur tu peux avoir des surprises quand il arrive ici. Une fois arrivé il y aura encore du travail pour le changer, donc c’est fastidieux mais il faut quelqu’un qui le fasse.
Le hockey sur glace semble prendre une place prépondérante dans votre vie, mais avez-vous d’autres passions ?
Lorsque l’on a des breaks j’en profite pour voyager, j’aime beaucoup l’histoire donc j’en profite. Ça fait onze ans que je suis en Europe, donc dès que je peux, je prends l’avion et je m’envole un peu partout à travers le continent. Là c’est la fin de la saison donc je peux faire un plus long voyage, je vais partir puis aller visiter quelque chose. En France il y a beaucoup d’histoire et dans les pays alentours aussi. Par exemple quand j’étais en Autriche j’ai découvert la vie du Kaiser Habsbourg, l’impératrice Sissi, ce sont des choses importantes, c’est l’histoire. Ici il y a beaucoup de châteaux, quand tu es au Canada tu dois faire un long voyage pour visiter les châteaux, mais là j’ai l’avantage d’en être proche. Je suis professeur de sport mais mon autre passion c’est l’histoire; je peux lier les deux avec mon travail d’entraîneur de hockey, donc ça c’est une bonne chose en étant en Europe.
Comment voyez-vous votre avenir ?
On verra, comme je l’ai déjà dit je n’ai pas de CDI. Quand tu es entraîneur de hockey tu as toujours « le fusil sur la tempe » et quand ça ne va pas bien ils te congédient… Donc des plans pour le futur tu ne peux pas en faire, tu ne peux rien planifier. L’Europe me plaît, mais si j’avais des offres en Amérique du Nord j’y retournerais aussi, ou même en Asie. Encore une fois le hockey me permet de voyager.
Des plans pour le futur tu ne peux pas en faire
J’ai déjà été au Japon faire des écoles de hockey, et j’y retournerai n’importe quand, même en Chine ou en Corée. La KHL se développe, il y a eu les Jeux Olympiques en Corée du Sud, et le hockey est de plus en plus populaire là bas. Il ne faut pas oublier l’Australie et la Nouvelle-Zélande qui ont aussi une ligue de hockey.
C’est donc un beau métier que vous faites là ?
Oui, quand tu as la possibilité de le faire c’est un beau métier. Moi je viens à la patinoire, je vais à la salle de musculation, je vais à mon appartement, à l’occasion en centre ville. Ma vie c’est d’écouter tout le temps la même musique (ndlr : de la patinoire), là c’est la séance libre, mais quand ce sont les patineuses artistiques, il faut écouter la même musique qui se répète encore et encore, la même chanson peut passer en boucle 30 fois dans une heure. Anthony (ndlr : Mortas) ça le dérangeait au début d’entendre tout le temps la même chanson, en plus quand tu ne l’aimes pas et que tu la réécoutes encore et encore (rires).
Mais ma vie c’est ici entre 4 murs (ndlr : il montre son bureau), qu’importe ce que tu fais dans la vie il faut que tu aies la passion, si tu n’as pas la passion tu ne peux pas travailler. Moi je ne compte pas mes heures, et puis les joueurs c’est la même chose. Les gens ne se rendent pas toujours compte, ils pensent « sportifs professionnels donc beaucoup d’argent ». C’est loin d’être le cas, il faut savoir qu’à Amiens les joueurs gagnent en moyenne 1500 euros… C’est la passion de jouer au hockey, de s’entraîner, si tu n’as pas la passion ta vie est longue !
Comment abordez-vous la saison à venir ?
La prochaine année on va faire notre possible; dans le fond c’est juste ça, tu travailles, tu fais ce que tu peux pour améliorer l’équipe, et après il y a beaucoup de choses que tu ne contrôles pas. Il y a des équipes en Ligue Nationale (ndlr : NHL) une année elles vont gagner la coupe Stanley et l’année d’après elles ne vont même pas être en playoffs. Il n’y a jamais rien de garanti dans le milieu du sport, ce n’est pas un travail répétitif. Chaque match est différent, chaque année est différente.
Vous êtes très apprécié chez les partisans amiénois, comment vivez-vous cette notoriété ?
Peut-être mais je ne cours pas après cela. Je ne me promène pas dans la ville avec les « jacket » de l’équipe; quand je vais en centre ville j’essaye de passer inaperçu. La plupart du temps j’ai une casquette, il y a des gens qui me reconnaissent mais ce n’est pas mon but, même si je suis vraiment heureux pour les gens d’ici.
Pour terminer, qu’est ce qui a changé depuis votre arrivée au club ?
Depuis que je suis arrivé je pense avoir créé un changement d’attitude et de culture. Il y a un contexte positif et de travail, dans lequel je m’assure que les joueurs travaillent fort. Et la culture organisationnelle est axée et orientée sur l’engagement collectif. C’est très important que les joueurs fassent partie de la solution. Dans le vestiaire c’est marqué « find the solution », donc c’est trouver la solution et non le problème. Souvent quand les équipes ne vont pas bien, les joueurs font partie du problème et non de la solution. Moi ce que je leur demande tout le temps c’est « find the solution », trouve la solution. « Arrête de me dire que ça ne va pas bien; trouve la solution », c’est trop facile d’amener le problème dans le bureau du coach.
C’est la même chose au travail, si ça ne va pas bien au travail tu vas voir ton boss et tu dis « oh ça ne va pas bien »; oui mais c’est quoi la solution ? Il faut travailler ensemble, c’est un peu ça que j’ai amené depuis que je suis ici, un changement de culture. Les partisans qui sont là depuis plusieurs années retrouvent l’équipe qu’ils avaient il y a 15-20 ans, lorsque c’était une équipe qui travaillait, des cols bleus, très intenses, qui mouillaient le maillot, pour l’équipe, pour la ville, pour les partisans. C’est un peu cela que l’on a ramené avec le temps… la conclusion est mieux que tout le reste, non ? (rires)
Propos recueillis par Quentin Ducrocq
Crédits photos Leandre Leber Gazettesports
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