FOOTBALL : Julien Ielsch, la saison d’après

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Avant le déplacement de l’Amiens SC contre Dijon vendredi dernier (0-0), nous avons rencontré Julien Ielsch. L’ancien joueur professionnel de 36 ans est revenu sur sa première saison hors-pro, où il occupe la place d’entraîneur en U19 ainsi que joueur pour la réserve de l’Amiens SC, après avoir connu les deux montées, de National à Ligue 1 en professionnel avec le club samarien.

Quel est votre premier retour sur cette saison, cette nouvelle vie ?

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C’est un retour mitigé, car en tant que joueur, j’ai été blessé assez longuement. Je pense avoir apporté un peu mon expérience aux jeunes sur le terrain. Et hors des terrains, c’était une année très enrichissante, car je ne connaissais pas la facette du football côté entraîneur, et ça a été une saison très enrichissante dans le fait de découvrir ce métier d’entraîneur, qui est très passionnant.

A quoi ressemble une journée, une semaine type, de votre nouvelle vie?

« c’est un métier de passionné »

Une semaine type, c’est de 8h30 à 9h au bureau, pour prendre la température en tant que joueur, car je suis joueur de 9h à 12h30. A partir de 13h30, je passe entraîneur jusque 18h30 – 19h. Le problème de l’éducateur c’est qu’il travaille sept jours sur sept. On arrive à avoir des jours de repos tout de même. Vous commencez le lundi, et vous finissez le dimanche avec la compétition, donc c’est sûr que les jours de repos sont rares mais c’est un métier de passionné. C’est une chose qui me plaît et qui commence à prendre forme sur l’organisation que je dois apporter, car ça n’a pas été facile de passer du joueur de foot à joueur-entraîneur, c’est une année compliquée qui m’a fait perdre un peu de cheveux, mais qui a été très enrichissante.

Quel est donc votre rôle chez les U19?

J’étais au départ avec Antoine Buron, puis avec David Suarez, en binôme sur l’équipe. Quand je peux être au match, car souvent on (ndlr : la réserve) joue en même temps que les U19, je suis eux, et quand je joue avec la N3 le samedi, je joue avec la réserve le samedi et les U19 le dimanche. Ce sont de bonnes semaines, j’essaie de gérer au mieux avec le côté familial, car c’est toujours compliqué à gérer, et c’est un rythme à trouver.

Avez-vous eu des regrets dans la saison, ou une envie de revenir en équipe première quand les résultats n’étaient pas les meilleurs ?

Non, honnêtement, j’ai vraiment eu de la chance. J’ai été très bien intégré au centre de formation, par les coachs, les salariés du centre. Bien sûr, il y avait des résultats un peu négatifs de l’équipe première, et je reste un fidèle supporter de l’équipe et du club, car j’aime le club. Et à un moment, c’est sûr que c’était frustrant de voir que ça ne passait pas comme on l’espérait, car on avait effectué un recrutement assez riche. On voyait que les recrues n’arrivaient pas à s’adapter à la mentalité recherchée par le club, ça donnait envie de rejouer, mais franchement je n’ai pas ce manque. J’ai eu de la chance de continuer avec la N3, de me dépenser avec elle.

Vous parliez du problème d’adaptation des recrues. Est-ce que vous en avez un également, en passant de joueur à entraîneur, ainsi que de changer de binôme cette année ?

David est arrivé avec le profil qui pouvait vite s’adapter à notre manière de travailler. Après bien sûr, il y a des méthodes différentes car chaque coach a sa façon de penser, de voir les choses, à l’organisation des matchs. Après sur les semaines d’entraînement, on est dispatché sur différents groupes. Et les matchs, il n’y a pas eu de différence sur l’adaptation entre coach Suarez, et coach Buron.

Le fait de rester sur les terrains et de rencontrer le banc, c’était un souhait de longue date ? Avez-vous eu peur de la déprime post-carrière ?

On parle un peu de cette « petite mort », j’en ai eu peur oui, même quand j’ai décidé, car je l’ai décidé assez tôt dans la saison que j’allais arrêter avec les professionnels. D’ailleurs je n’ai même pas parler de prolongation de contrat, ou quoi que ce soit avec John Williams, et les présidents Joannin et Mulazzi. Il n’y a pas eu besoin de parler de prolongation car j’étais déjà parti dans l’optique de passer mes diplômes et franchir le pas, car j’avais déjà échangé avec le directeur Patrice Descamps, sur la possibilité d’évoluer avec la N3. Et en fait cette petite mort, on va dire que ça m’a aidé en jouant avec la N3 et de me dépenser tous les week-ends, ça n’a pas été une coupure brutale. Et j’ai eu de la chance, car mon épouse m’a organisé une petite journée sympathique avec les gens que j’ai côtoyé dans le milieu. Ça m’a vraiment fait une coupure. C’était le 14 juillet, et je reprenais le 15 avec le centre. Je ne vais pas dire que ça a enterré ma carrière, mais on va dire que je suis passé de l’autre côté à ce moment-là. Ça a été un déclic, elle a été très très forte, car ça m’a aidé à passer la barrière.

On voit qu’il y a une vraie identité au club, quand on voit le centre, il y a beaucoup d’anciens, comme Fabrice Abriel, David Suarez, Antoine Buron, et maintenant vous. C’est vraiment important de garder cette identité au club et de ne pas tout recommencer à zéro ?

On nous a surnommé « les braqueurs », mais je pense qu’on aurait pu avoir plus de surnoms.

C’était une envie. Moi je suis arrivé en 2010, et le président Joannin avait le slogan qui a fait rire « 1000 jours pour réussir ». Il avait déjà fait un petit profil du club pour les prochaines années, dans les fameux 1000 jours, même si ça a mis plus de temps. Cette envie de travail, de savoir d’où l’on vient, car la région est assez difficile, il y a beaucoup de chômage, les gens ont du mal à finir les mois, le travail est compliqué. On voulait instaurer, dans l’équipe première, des joueurs qui ne lâchent rien, à l’image des Picards. Et dans les trois-quatre années où j’ai pu revenir au club, je pense que l’identité que le président Joannin cherchait a été bien développée. On nous a surnommé « les braqueurs », mais je pense qu’on aurait pu avoir plus de surnoms. Oui on a braqué quelques matchs, on a su aussi être des guerriers, des combattants, des winners. C’est un état d’esprit où on a montré qu’on était fait pour la région, où personne ne lâche, nous les premiers. Le football est tellement populaire, qu’on peut montrer une image importante aux gens, et je pense que les gens peuvent s’identifier à nous. Quand je vois que la Licorne est pratiquement pleine. Les supporters recommencent à chanter dans le stade, à s’imprégner de cette identité club qui commence à monter dans les gradins. On a souvent décrié la Licorne comme étant une salle de cinéma où les gens viennent en tant que spectateurs, regardent le match, s’en vont, et sifflent de temps en temps. Mais, il y a un élan dans le club depuis quelques années qui est très important pour le club, et pour la région.

Pensez-vous que la pérennisation du club en Ligue 1 se passe d’abord dans celle des joueurs ?

Plus le club évolue, plus il va devoir se séparer de joueurs, c’est normal, car certains étaient taillés pour le National, mais d’autres se sont adaptés, se sont mis à niveau. Maintenant, c’est normal qu’il y ait une évolution au club, dans les infrastructures, dans les joueurs, et on a une dizaine de joueurs internationaux. Quand il y a les trêves internationales, il n’y a quasiment plus personne à l’entraînement car ils sont tous dans leur pays. Je pense que, pour le club, c’est une évolution très positive. Maintenant, pour continuer la marche de progression, il faut se demander où est-ce qu’on va être dans trois ans, c’est très important, et c’est dur à franchir. On a encore la crainte de retourner là où on était il y a trois ans. On a l’ambition d’aller plus loin, mais entre l’ambition et la crainte, il n’y a pas grand chose. Il faut qu’on arrive à trouver le cap à franchir, mais j’ai confiance dans les personnes en place et dans les dirigeants, pour faire que l’Amiens SC devienne un club qui peut se pérenniser en Ligue 1. Il faut ne pas voir trop haut non plus. On est dans les vingt meilleurs clubs français, il faudra sans doute, à un moment, s’installer dans les quinze premiers, après dans les dix, mais pas sur un coup, sur cinq-six ans, comme l’a pu faire Angers, Caen, Dijon, Montpellier. On ne peut se permettre de monter-descendre, monter-descendre, on n’a pas les reins assez solides pour pouvoir assumer l’ascenseur. On l’a fait en 2010, où on redescendu de Ligue 2 l’année suivante, mais c’est toujours difficile pour un club de se projeter.

Comment jugez-vous la saison de l’équipe première ? A-t-elle été bonne, même si la saison dernière a été « meilleure » ?

C’est toujours difficile, le vestiaire a été renouvelé, avec beaucoup de joueurs. Avant, on avait beaucoup de revanchards, à l’image de Kakuta, où il devait (re)prouver certaines choses à lui-même en Europe, car il l’avait fait en Chine, et aux gens du milieu du football. Cette saison, on a recruté des joueurs. Certains ont fait la Coupe du Monde, donc ils étaient sur leur petit nuage. Il fallait qu’ils digèrent tout ça, et qu’en même temps, ils arrivent à s’adapter à une petite ville, un petit stade, un petit club, parce qu’ils venaient de clubs différents, et à une mentalité. Et cette période là, l’adaptation était plus ou moins longue, et je pense qu’ils ont réussi à vite « switcher » sur l’Amiens SC. C’est très important, quand on voit les Emil Krafth, les Saman Ghoddos, même Guirassy et Pieters qui sont arrivés il y a pas longtemps, on voit que ce sont des joueurs qui se sont adaptés au club, et qu’ils sont dans un projet club et pas individuel.

Le maintien est-il assuré ?

Ça peut aller très vite malheureusement, avec le déplacement à Nantes, il faut qu’on arrive à faire les résultats pour mettre les concurrents à distance, pour être toujours en Ligue 1. Mais avec l’équipe qu’il y a actuellement, je pense que le maintien est plus que possible. Après c’est mon point de vue en tant que joueur et petit coach, où je me dis qu’il y a une équipe qui est vraiment compétitive.

Jouer les barrages serait une déception ?

Non, si demain, on me dit qu’il faut passer par les barrages pour être maintenu, je signe tout de suite. Si on peut l’éviter, je pense que les joueurs le feront, on aimerait nous aussi, au centre de formation, que le club soit maintenu avant, mais après s’il faut passer par là pour être en Ligue 1 la saison prochaine, on passera par là. C’est aux joueurs de tout faire pour qu’on puisse être en vacances plus rapidement et être soulagé plus rapidement.

Avez-vous un joueur qui vous a impressionné cette saison ?

Un mec comme Pieters, au mois de janvier, a été un détonateur, sur la mentalité, sur ce qu’il a pu apporter, sur sa présence dans l’équipe, c’est quelqu’un avec un gros charisme. Je n’ai pas beaucoup parlé avec lui, malheureusement, je ne parle pas très bien l’anglais, mais on voit ce qu’il dégage, et c’est impressionnant. Après, il y a d’autres joueurs, qui ont su apporter chacun leur pierre à l’édifice, je pense qu’un mec comme Pieters, Ghoddos, ou Moussa (Konaté), qui revient de blessure, c’est super important, et c’est ce que j’ai toujours dis dans le vestiaire. On a tous à y gagner, que ce soit individuellement et collectivement. Si individuellement, on est bon, et qu’on est bon aussi collectivement, tout le monde est gagnant.

Au sujet de la réserve, c’est une bonne saison ? Est-ce que le changement d’entraîneur a changé beaucoup de choses ?

Il y a eu une prise de conscience, une évolution dans les méthodes de travail. C’était une prise de conscience aussi individuelle des joueurs, car c’est toujours dur de s’identifier dans une équipe réserve. Il faut dire qu’il y a les descentes de l’équipe première. Mais après c’est un tout, et il y a des joueurs qui devaient franchir un cap, et ils mettent plus longtemps que certains.

Lors des matchs de la réserve, on vous voit beaucoup parler aux joueurs, c’est important ce rôle d’ancien dans un onze ?

J’ai toujours eu un peu ce rôle d’aboyeur, un mec qui dirige de l’intérieur. Je pense que ça a aidé certains, ça en a frustré d’autres, mais j’espère, à mon niveau, avoir apporté de mon expérience du plus  haut niveau. C’était important pour eux d’avoir un grand frère, un papy dans le vestiaire. C’était un cap à franchir.

Vous parlez de frustration de certains, c’est par rapport au fait que vous prenez sans doute la place d’un jeune ?

Oui, bien sûr. On peut le tourner comme on veut. Après, je n’ai jamais vu une équipe de jeunes joueurs pouvoir s’en sortir en N2-N3, on le voit actuellement, en N2, beaucoup de clubs pros sont dans la « charrette ». Je pense que mettre un ou deux anciens dans ces équipes, pour aider ces jeunes, ça crée de la frustration, parce que oui, j’ai pris la place d’un jeune, qui est en formation, mais on n’est pas là que pour juger dans les matchs. Je ne pense pas avoir triché à l’entraînement, je n’ai pas de passe-droit, je fais le physique comme tout le monde, je m’entraîne comme tout le monde, je n’ai pas de jours de repos en plus des autres. Il y a juste la musculation, que j’ai négocié pour ne pas faire, car ça n’allait pas beaucoup m’aider au vu de ma musculature (rires). Pour tout le reste, je suis dans les clous par rapport à tout le monde. J’ai eu une blessure de trois mois et demi, certains joueurs auraient pu jouer et montrer des qualités, mais si le coach m’a remis en place, c’est que j’avais peut-être un rôle à jouer.

Comme pour l’équipe première, avez-vous un joueur en particulier qui vous intéresse plus que les autres ?

Il y a des joueurs intéressants, on a fait signer quelques joueurs en pro. Mettre en valeur quelques uns n’est pas le but précis, mais il y a une évolution dans le centre de formation et au club, où les joueurs deviennent de plus en plus intelligents. On est dans la continuité du travail qui a été fait, et on va tout faire pour envoyer le maximum de joueurs aux portes de l’équipe première.

La saison prochaine, on pourra encore compter sur vous ici ?

Je me sens très bien dans la région, dans le club, qui me fait confiance sur un projet de reconversion. Je suis actuellement entrain de passer mon BEF avec la Ligue des Hauts de France et oui, je serai sous les couleurs de l’Amiens SC pendant quelques années. J’ai envie d’apprendre ce métier d’entraîneur, et je suis dans la bonne structure pour pouvoir le devenir, me faire plaisir tous les jours, et donner mon point de vue, mes sensations d’ancien joueur à tous ces jeunes, qui veulent arriver en équipe première. Pour ce qui est du terrain, je pense que ça va commencer à être dur. Il faut aussi laisser la place aux jeunes, et cumuler les deux postes commence à être un peu usant, j’ai pris quelques années en un an (rires). Dès que le maintien de la N3 sera assuré, on verra la suite de mon évolution en tant que joueur.

Tous propos recueillis par Romain Prot

Crédits photos – Léandre Leber, Reynald Valleron, Kevin Devigne – Gazettesports.fr

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