VOLLEY-BALL : Jean-Patrice Ndaki Mboulet : « Au Japon, c’était comme changer de planète »
Arrivé cet été à l’Amiens Métropole volley-ball, Jean-Patrice Ndaki Mboulet s’est rapidement fait une place de choix dans le groupe d’Ali Nouaour. Capitaine et relais privilégié de l’entraîneur, l’ancien international camerounais mobilise toute l’expérience acquise au cours de sa riche carrière afin de permettre à son équipe d’atteindre ses différents objectifs. Après avoir évoqué le début de saison de l’AMVB, le principal intéressé a accepté de faire le point sur sa carrière alors qu’il dispute actuellement son ultime saison sous les couleurs amiénoises.
Est-ce que vous avez de suite compris que le volley-ball était fait pour vous ?
Le volley ne m’était pas prédestiné, j’ai touché un peu à tout avant de réellement m’y mettre. J’ai commencé par le judo, puis le volley-ball, ensuite le basket, un peu de football aussi, mais je suis revenu définitivement au volley-ball vers 19 ans. Durant tous ces essais, j’ai disputé des championnats, notamment au basket où j’ai joué le championnat national camerounais, alors que je n’avais même pas le gabarit. J’étais polyvalent, c’est ce qui plaisait aux entraîneurs.
Pouvez-vous nous en raconter un peu plus sur le début de votre carrière ?
Lors de mon retour au volley, j’ai eu du mal car les règles ont beaucoup évolué entre-temps, il a fallu me réadapter. J’ai commencé à jouer en tant que central. Il faut savoir avant tout que je suis devenu volleyeur professionnel grâce au père d’Earvin N’gapeth, Éric, qui m’a épaulé et permis d’accomplir mes rêves. Lors de mes différents passages en France, qui étaient tous de très beaux moments, j’ai été à des endroits où je rêvais d’être comme Fréjus qui à l’époque avait un énorme palmarès. Commencer à Fréjus était un rêve qui devenait réalité. Ensuite, Montpellier a été mon premier contrat professionnel, c’était bien mais avec une certaine exigence que requière le monde pro, puis quand on perd un match dans une ville comme Montpellier la semaine paraît plus longue (rires), mais j’ai pu acquérir pas mal d’expérience là-bas. J’ai joué à un poste où l’on se fait taper sur les doigts, celui de central. Malgré tout j’ai toujours beaucoup travaillé, mon entraîneur m’a pris sous son aile en me donnant des conseils, il me passait des VHS d’anciens matches. Il me disait que j’avais des ressemblances avec Dominique Daquin, qui a joué en Italie, car je n’étais pas très grand comme central (1m94 à l’époque). Je me suis beaucoup inspiré de toutes les VHS que j’ai pu regarder.
Votre carrière en club a pris une toute autre ampleur lorsque vous avez signé à Cannes ?
Oui, j’ai été recruté par l’AS Cannes, c’était encore une autre dimension. Jouer un match de Ligue des champions contre Trévise, qui à l’époque était la meilleure équipe du monde avec Gustavo Endres, Luca Tencati, et d’autres, était impensable quelques années auparavant, malheureusement on a perdu 3-2. Puis, un jour le coach m’a demandé d’assurer l’intérim pendant la convalescence des deux attaquants de pointe qui s’étaient blessé auparavant. Je me alors suis retrouvé en Ligue Des Champions en tant qu’attaquant de pointe, j’y ai pris goût pendant un mois. Ça m’a valu de rejoindre l’équipe de Saint-Brieuc, où je finis, lors de la saison 2006-2007, meilleur attaquant et meilleur marqueur de Ligue A. Je dois dire que j’ai réussi cela en grande partie grâce à un très bon passeur, Julien Anton, qui revenait de Belgique, il avait une bonne vision de jeu, on s’entendait à merveille pourtant on ne connaissait pas du tout, mais notre jeu coïncidait et tout se passait bien ensemble. On avait une très bonne équipe cette saison-là !
Vous avez également joué dans des clubs étrangers…
Oui, il y a eu un épisode au Japon, c’était comme changer de planète pour moi, j’étais très effrayé mais aussi très excité, je n’avais jamais vu un match de volley-ball au Japon, les règles sont strictes, un seul étranger est autorisé par club, c’était en quelque sorte une expérience pour découvrir mes limites. Je partais réellement à l’aventure, je me suis entraîné de la même manière qu’eux, c’est un réel business, au Japon, les joueurs sont considérés tel des marchandises, nous étions obligés de signer des autographes. Au Japon, il y a beaucoup de logistique pour nous faciliter la récupération, les déplacements, en réalité leurs objectifs étaient de nous permettre d’avoir le maximum de nos capacités chaque week-end. Les matches passent à la TV, il y a des caméras qui vous suivent toute la journée, c’était une machine marketing très importante. C’était difficile, je jouais au volley tous les jours donc j’étais content, mais j’ai réellement commencé à prendre du plaisir lorsque j’ai traversé la barrière de la langue, de la nourriture et du mode de vie. Toutes ces années étaient vraiment fabuleuses, l’environnement favorisait l’épanouissement sportif du joueur. Au niveau du jeu aussi, c’est un championnat très technique, avec des joueurs formés depuis le bas âge, seuls les meilleurs joueurs des universités intègrent les équipes professionnels. On peut comparer tout cela au système du basket-ball américain. Ils ont un peu copié leur système, les entraînements sont longs et durs. J’ai toujours rêvé de jouer en Italie, mais malheureusement cela ne s’est jamais fait. Puis j’ai encore voyagé, j’ai fait trois mois au Qatar, et une saison au Koweït, ce n’était pas du tout la même chose. J’ai compris pourquoi ils recrutaient des joueurs en fin de carrière, ils espéraient que l’on encadre leurs séances, car les entraînements n’étaient pas terribles. J’ai rejoint un ami de Montpellier au Koweït, je passais tous les jours avec lui, nous avons tous partagé là-bas, mais les entraînements n’étaient pas très sérieux, nous n’avons pas pu gagner le championnat malgré le fait qu’on avait une bonne équipe, le volley là-bas ne m’a pas beaucoup plu, mais la vie en elle-même était magique à vivre. Je pense que d’ici quelque temps le volley Qatarien va devenir vraiment important.
Vous avez également joué dans un pays plutôt surprenant, la Libye…
On pourrait dire ça oui, j’ai fait deux mois en Libye, où j’ai été recruté par un ami Tunisien, J’ai été très surpris car la guerre était présente, j’avais donc certaines craintes, mais on a joué la coupe arabe des clubs et la coupe d’Afrique des clubs, on a terminé 4e des deux compétitions, sans aucun souci. C’était un record historique pour le club. C’était une réelle expérience humaine, je peux dire maintenant que j’ai des amis Libyens, j’ai beaucoup d’amis là-bas qui n’ont pas du tout le visage que l’on voit dans les médias, j’ai eu un accueil très chaleureux dans ce pays.
En 2015, coup de tonnerre, on vous annonce que vous avez un important problème de santé, cela a dû être une terrible nouvelle pour vous ?
Oui, un problème cardiaque qui m’empêche de jouer au plus haut niveau. Puisque même si je le voudrais, je ne pourrai plus jouer en pro suite à ces problèmes. La nouvelle a été très douloureuse pour moi, c’était dur à vivre. J’étais à ce moment à l’Arago de Sète, et je suis extrêmement reconnaissant envers ce club, certes peut-être que ça aurait été identique partout ailleurs, mais ça s’est passé là, avec eux, et ce fut un grand bonheur qu’il soit là pour moi. Tout le monde a été choqué, tout le club même ceux que je ne connaissais pas ont tous été là pour moi, ils m’ont fait comprendre qu’au-delà du sport, il y a la vie et que le travail est plus important. L’entraîneur m’a parlé un peu comme un père, ils m’ont vraiment soutenu, ils m’ont fait découvrir la ville de Sète. Il y a également eu mon petit frère qui vivait loin de moi, dès qu’il a appris la nouvelle, il a directement pris la route pour venir me réconforter, il ne voulait pas que je sombre, que je baisse les bras. Ça a été difficile, mais j’ai eu cette chance d’être à Sète à ce moment-là, je le répète mais merci à eux.
Cela représentait quoi pour vous de revêtir le maillot national du Cameroun ?
C’était une fierté, c’était d’abord un challenge, puisque des gens qui ont commencé le volley à 12 ans comme moi, n’ont jamais cru que je serai capable d’arriver à ce niveau. J’ai donc voulu travailler pour leur montrer que le travail paye, qu’il suffit d’avoir envie et d’être motivé, il ne faut pas se mettre soi-même des barrières. Mener mon équipe nationale en tant que capitaine à la victoire aux Jeux africains de Maputo était une merveilleuse récompense, mais je retiens aussi et surtout, le championnat du monde en Italie, où l’on perd 3-2 contre les Etats-Unis, Champion olympique en titre, ils avaient aligné leur plus grosse équipe, c’était un niveau monstrueux et on ne perd qu’au tie-break face à une telle équipe c’est juste fabuleux.
Lorsque je vous dis souvenir en sélection, qu’est-ce qui vous vient de suite à l’esprit ?
Ce qui me vient tout de suite à l’esprit c’est les qualifications pour le championnat du Monde de 2010, cela se passait en août 2009, c’était pour la première fois organisé au Cameroun, car avant on jouait tout le temps en extérieur, mais la Confédération Africaine nous a mis à disposition un gymnase pour jouer le troisième tour de qualification. Lors du dernier match qualificatif, on était opposé à l’Afrique du Sud, dans les tribunes il y avait ma famille, et surtout mon père et mon petit frère. Ma mère a eu peur de ne pas supporter le suspense elle est donc restée à la maison (rires). Ce match se déroule plutôt bien pour le Cameroun puisque l’on domine notre adversaire et, juste avant le point de la victoire, mon frère cadet qui jouait avec moi en sélection, me montre du doigt en me disant que c’était moi qui devais marquer ce point décisif, je me suis dit qu’il était fou, car si les adversaires voyaient ça, ils allaient monter à trois blocs et ce serait un échec. Mais par chance si je peux dire, ils n’ont pas vu, j’ai marqué ce point de la victoire et là on est tombés en larmes devant des milliers de personnes qui criaient. On s’est mis ensuite à rechercher notre père avec mon frère, puis le voir aussi fier de nous c’était tellement merveilleux, j’ai encore les vidéos, j’ai gardé tous les souvenirs, c’est, sans aucun doute, vraiment le plus beau souvenir de ma carrière.
A 37 ans, comment envisagez-vous votre avenir ?
Cela risque d’être ma dernière saison en tant que joueur, il se peut que l’an prochain s’il le faut vraiment je fasse quelques apparitions mais cela n’est vraiment pas ce que je recherche. De plus, si le club était amené à monter dans l’échelon supérieur je ne pourrais pas jouer, donc oui c’est bientôt la fin de ma carrière de joueur. Mais l’histoire entre le volley-ball et moi n’est pas finie, je compte y rester, puisque je compte poursuivre ma carrière en tant qu’entraîneur. Je préfère prendre cette voie plutôt que la voie de kiné comme certains amis l’ont fait.
Quel style d’entraîneur voulez-vous être ?
Je me qualifierais d’entraîneur exigeant, car j’ai connu beaucoup d’entraîneurs qui étaient à la fois coach sportif, sans oublier ce côté psychologique, mais qui jouait aussi un rôle de père. Je me rappelle de mon entraîneur à l’AS Cannes qui est l’actuel entraîneur de l’équipe de France (Laurent Tillie, ndlr) qui me disait que pendant l’entrainement qu’il faut se donner à 100%, quelques soient nos problèmes, ceux-ci ne partiront jamais, il faut les mettre de côté. On pourrait dire que c’est comme un sac à dos que tu déposes à l’entrée du gymnase et que tu récupères au pas de la porte quand l’entrainement est fini. L’état d’esprit doit être le même quelles que soit les difficultés, on est surtout là pour prendre du plaisir, le volley c’est un jeu et donc un jeu veut dire du plaisir avant tout. Et la phrase de Laurent m’a énormément marqué, je l’ai gardé en tête tout au long de ma carrière et j’espère pouvoir me servir de cela lorsque je serai à mon tour entraîneur. C’est donc pour cette raison, comme je le disais précédemment, que je suis venu à l’AMVB. Le club aspire à monter au plus haut niveau, il a tout pour monter tout en haut des divisions, donc oui je compte bien dès l’année prochaine entraîner l’équipe élite de l’AMVB. Je compte aider l’équipe, par le biais de mon expérience, j’aimerais vraiment que nous montions au plus haut niveau. J’espère que l’on va pouvoir bâtir une équipe capable d’aller en pro mais aussi de batailler dans le championnat pro, ce serait une belle récompense pour le club d’Amiens.
Un dernier mot ?
J’aimerais rajouter quelque chose qui me tient à cœur, je tiens à remercier particulièrement mes coéquipiers qui m’ont très gentiment et chaleureusement accueilli parmi eux. Je les remercie également de me permettre de vivre encore de bons moments dans le volley-ball. Merci aux joueurs et à tout le club de l’AMVB.
Propos recueillis par Luc BRUMTER