Le 16 octobre dernier, Joseph Mbongo a été élu Président du Comité Départemental Handisport de la Somme. L’occasion pour nous d’aller à sa rencontre pour évoquer les enjeux de cette présidence, ses multiples engagements, mais également la nécessaire évolution du regard sur le handicap.
Pour commencer, que ressentez-vous en tant que nouveau président du Comité Départemental Handisport de la Somme ?
C’est une satisfaction, une fierté, mais aussi une suite logique de mon parcours sur le handisport. Comme je le dis souvent, j’ai marché jusqu’à mes 19 ans et demi, et ensuite je suis rentré dans le monde du handicap, et ce qui m’a fait renaître, d’une certaine manière, c’est la possibilité de refaire du sport. Le sport c’était la voie de la renaissance. Je me suis investi en tant que sportif, j’ai fait de la compétition pendant 27 ans et en 2008 je suis rentré dans le conseil d’administration de l’association handisport Amiens Métropole. J’en ai pris la présidence en 2010 et depuis je suis le président de cette association, qui est omnisports. Après avoir passé dix ans en tant que président d’une association comme celle-ci, le rêve, la suite logique, serait qu’on l’étende un peu au département, pour toucher toutes les populations concernées par le handicap dans la Somme. D’autant plus que j’ai été élu vice-président au niveau du Comité Régional des Hauts de France. Les actions s’appellent les unes les autres autour de ma personne, c’est une fierté mais on sent le poids de la responsabilité.
Justement, en matière de responsabilités, comment vivez-vous les choses ?
Ce n’est pas anodin, mais ce sont les dérivés de la passion pour le sport et pour le mouvement handisport. On est dans la mouvance de l’exercice de la passion et on ne ressent pas trop de pression. Pour tout vous dire, dans un engagement comme celui-là, si on n’est pas sur la même longueur d’onde avec la personne qui partage nos vies, on peut difficilement tenir plus de deux jours. Donc avec l’accord de mon épouse, et son accompagnement surtout, on arrive à prendre ces engagements-là. Maintenant le but sera de les tenir et que la santé suive surtout.
S’il y a bien un secteur dans lequel le « faire seul » n’existe pas, n’est pas envisagé, c’est bien celui-là.
Vous semblez être accompagné par des équipes dynamiques et soudées…
C’est très important, je dirais même que c’est capital. S’il y a bien un secteur dans lequel le « faire seul » n’existe pas, n’est pas envisagé, c’est bien celui-là. Et avec tout ce que cela suppose comme mobilisation de personnes autour de soi, en partant du salarié jusqu’à tous les membres du comité directeur, c’est une affaire d’équipe. Et quand on a des personnes motivées autour de soi, on est fier d’être comme le gouvernail de cette dynamique-là. C’est aussi cela qui fait que l’on se fixe des objectifs et que l’on essaye de les atteindre.
Comment abordez-vous cette période de « paralympiades » 2020-2024 ?
Déjà sur les sports cibles, avec des actions fixées par le mouvement autour de quatre priorités fédérales : l’athlétisme, la natation, le tennis de table, le cyclisme, et quatre priorités régionales : le basket-fauteuil, le cecifoot, la boccia et la sarbacane. Ce sont des actions ciblées par le mouvement, que l’on va essayer d’accompagner et de promouvoir au niveau du département. Mais on ne va pas laisser tomber les autres qui ont envie de faire une activité physique quelle qu’elle soit. Souvent ce n’est qu’un loisir, mais ces populations on ne va pas les lâcher.
Les Jeux Olympiques 2024 auront lieu à Paris ; cela ajoute un « petit quelque chose » à votre présidence ?
Tous ceux qui sont concernés et impliqués dans le mouvement handisport savent que, pour les JO de 2024 organisés par la France, on se doit de faire quelque chose. Pour nos sportifs, tous nos jeunes qui sont engagés dans la compétition avec des rêves réels par rapport à cette échéance-là, on est tenus de se mobiliser. Dans le département, nous avons quelques athlètes qui ont de très bons résultats. Nous avons aussi quelques jeunes qui sont dans les pôles de formation dans différentes disciplines. On se doit de les accompagner, de les soutenir et d’être là. On espère que certains seront prêts pour les JO 2024.
Cette nouvelle présidence n’est pas la seule, parlez-nous de vos différentes responsabilités.
Je suis président du club Handisport Amiens Métropole au moins jusqu’à janvier 2023 et coach de l’équipe de basket. Je pense qu’après je ne repartirai plus. L’association regroupe sept sections : cyclisme tandem, handbike et solo, natation et activités aquatiques, tir à l’arc PMR (déficients visuels et déficients intellectuels), tennis de table, sarbacane, boccia et basket fauteuil.
En parallèle, je travaille, je suis en invalidité, donc je travaille à 50%. Ça me laisse le temps de me poser sur le midi car j’ai des soins aussi sur la demi-journée, mais après on peut repartir. C’est un emploi du temps très chargé mais on arrive à s’en sortir, le téléphone et la visio aidant. En plus, à côté de ces deux présidences j’ai aussi la présidence du comité des fêtes du village, je suis un peu boulimique dans mon engagement.
Je suis dans ce combat-là, notre passage sur la terre doit avoir un impact sur nos contemporains.
Quel message aimeriez-vous véhiculer au fil de votre présidence à venir ?
Les personnes en situation de handicap, pour leur quotidien, doivent pouvoir se dépasser. Si elles réussissent à se dépasser pour elles, il faut qu’on les amène à comprendre qu’elles peuvent se dépasser pour leur entourage et pour leurs contemporains. Je suis dans ce combat-là, notre passage sur la terre doit avoir un impact sur nos contemporains. Les systèmes doivent nous aider mais ils ne doivent pas nous assister.
Depuis le début de votre engagement dans le handisport, avez-vous vu le regard des gens évoluer ?
Pour ceux qui ont le courage de se déplacer et de s’intéresser aux actions handisportives, ces personnes sortent toujours de là avec l’idée : on vient de se prendre une leçon de vie. Mais il y a encore du travail au niveau des médias, on est de plus en plus visibles même s’il y a encore du chemin à faire. Je rêve d’une société où tout le monde prenne conscience de la présence du handisport, pas en tant que boulet, mais en tant que coopérant ou collaborateur pour un monde meilleur.
Comment faire évoluer les choses afin que le handisport ait plus de visibilité ?
Si j’avais la recette je crois que je la publierais très rapidement. Mais ça reste notre préoccupation. Si je prends l’exemple des Outre-mer, j’ai fait un séjour en Martinique il y a quelque temps, et j’ai rencontré le président du comité départemental de Martinique. Là-bas, j’étais étonné de ne pas voir de dispositif de mise à l’eau sur les plages. Il m’a dit : « Mais Joseph, tu sais, le handicap on ne le montre pas, on le cache. »
Même dans la sémantique, dans le mot handicap il y a quelque chose qui est de l’ordre : reste loin de moi. Moins tu rentres dans ma conscience mieux je me porte. Dans certaines familles il y en a qui refusent d’aller voir un parent ou quelqu’un parce qu’ils ne « supportent pas ». Comment faire pour que ces personnes supportent le handicap ? Je n’ai pas la recette.
Il y a un souci quand on grandit dans une société où seuls ceux qui ont une certaine forme physique ont droit à telle ou telle pratique ou que des enfants ne voient autour d’eux que ceux qui sont comme eux.
N’y a-t-il pas une question d’éducation ?
C’est le volet sensibilisation du mouvement et je crois que l’intérêt va être celui-là. Aujourd’hui il y a des familles avec des enfants en situation de handicap qui ont du mal à trouver des places dans le tronc commun de l’enseignement et de l’éducation. Parce que les systèmes ne prennent pas en compte, ou ne se sentent pas assez préparés, pour prendre en charge des populations pas forcément uniformes. Il y a un souci quand on grandit dans une société où seuls ceux qui ont une certaine forme physique ont droit à tel ou tel pratique ou que des enfants ne voient autour d’eux que ceux qui sont comme eux. Il faudrait que l’on fasse quelque chose pour que le handicap soit découvert un peu plus tôt. Les enfants en situation de handicap sont souvent des enfants très très matures et qui ont une réflexion qui peut donner la chair de poule. D’être avec des camarades de leur âge qui les entendent parler de cette façon là, donnerait une autre idée du handicap.
Je vous laisse le mot de la fin…
J’ai annoncé au soir de mon élection que j’allais rendre visite aux clubs et sections, il y a un calendrier qui est en train d’être établi. À côté de ces structures, je sais que certains clubs et sections n’ont pas encore pris leur affiliation au niveau du département. On ira les chercher et on ira comprendre les raisons de cette mise en retrait. Le comité départemental n’existe que parce qu’il y a des clubs, des sections et des personnes en situation de handicap qui s’intéressent à la partie sportive. Nous avons aussi en projet d’établir un contact avec les fédérations homologues. On doit ouvrir notre action, car je crois à l’action collective. Il faut le côté collaboratif et mise en commun de nos efforts pour l’épanouissement des personnes handicapées dans leur activité physique quelle qu’elle soit. Et pour celles qui ne trouvent pas de clubs ou d’associations où s’investir j’ai aussi envie d’être au courant.
Propos recueillis par Quentin Ducrocq
Crédit photo Gazettesports.fr / CD Handisport de la Somme