JEUX OLYMPIQUES – Frédéric Bourgoin : « L’avantage des Jeux de Paris, c’est que ça peut transcender certains compétiteurs »

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À l’occasion de l’accueil de Virginia Aymard par Frédéric Bourgoin au sein de Budosport 80, nous sommes allés à la rencontre du 7ème dan de judo. Un enseignant connu et respecté, figure du club amiénois.

Vous accompagnez Virginia depuis longtemps ?

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Alors ça a commencé avec son papa, on était en cours ensemble. Et puis, Virginia s’est blessée à l’épaule et Luc (son père, ndlr) m’a demandé si je pouvais la prendre en rééducation, faire un peu de judo avec elle et voir un peu comment ça fonctionne… Et puis, le courant est bien passé. Et quand elle a été présentée pour la sélection des Jeux olympiques, à ce moment-là, Luc m’a demandé si je pouvais l’entraîner, sachant qu’elle allait s’entraîner un peu à Paris et un peu à Amiens. Pour moi, c’était impeccable. Comme le courant passe bien avec Virginia, c’est que du bonheur !

Participer à son projet des Jeux olympiques, cela représente-t-il quelque chose de fort pour vous ?

Oui, alors c’est surtout pour elle. Parce que c’est une opportunité merveilleuse de participer aux Jeux et c’est le rêve de tout compétiteur… Ce n’est pas donné à tout le monde. Sachant que nous, en judo, on n’a qu’une seule personne par catégorie, il y en a toujours qui restent sur la touche. C’est un vrai bonheur pour elle et pour moi, et c’est un plaisir de l’accompagner dans cette expérience.

Qu’est-ce que vous lui apportez concrètement ?

Alors, c’est surtout sur l’aspect technique. C’est-à-dire que Virginia a un judo instinctif, elle fait du judo comme elle le ressent, mais des fois, elle ne comprend pas forcément pourquoi ça fonctionne ou pourquoi ça ne fonctionne pas. Mon rôle, c’est de lui expliquer : voilà, là ça fonctionne parce que tu as fait ça ou là, ça fonctionnerait mieux si tu faisais ça. J’apporte vraiment ce côté technique. Ça fait quand même cinquante-cinq ans que je fais des arts martiaux, donc j’ai un petit peu de recul. C’est un vrai plaisir de partager cette expérience avec elle.

Et justement, votre carrière dans les arts martiaux, vous pouvez nous raconter un petit peu ?

J’ai commencé le judo à cinq ans. Mon papa a été un très grand judoka parce qu’il a été plusieurs fois champion de France, champion d’Europe et il a fait les premiers championnats du monde. J’ai toujours baigné dans cette période de judo, de compétition. J’ai été en équipe de France, j’ai été vice-champion de France, troisième au championnat de France, remplaçant pour les championnats d’Europe et après, je me suis blessé. J’ai une rupture des ligaments croisés et ça a mis fin à ma carrière. Je me suis orienté vers l’enseignement et depuis des années, je forme des élèves dans les arts martiaux. Après, j’ai plusieurs casquettes parce que je fais du judo, je fais aussi du jujitsu : et pour la fédération, je suis expert national, j’encadre des stages un petit peu partout en France et à l’étranger. J’ai une mission pour la fédération, en tant que cadre technique, et franchement, c’est un vrai plaisir de vivre cette aventure parce qu’elle est belle.

Finalement, malgré votre blessure, entraîner et encadrer de jeunes judokas sont de bons moyens de rester proche du tatami ?

Oui, je suis toujours proche du judo, de la compétition. Après nous, on est un club où on n’est pas orienté compétition. Parce que la compétition en judo, ça casse énormément. Il y a énormément de blessures et moi, en tant qu’enseignant, je ne me vois pas envoyer des élèves à la blessure. Ceux qui veulent pratiquer la compétition le font, mais j’ai vraiment un tout petit nombre de compétiteurs. En sachant que la compétition, en judo comme dans d’autres disciplines, en gymnastique, en rugby, en football, c’est vrai qu’il y a beaucoup de blessures, il y a beaucoup de casse. En tant qu’enseignant, je ne me vois pas former les élèves pour qu’ils aillent à la blessure.

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Ici, ce club Budosport 80 est un club assez familial ?

Alors oui, ce club existe depuis 1964, c’est mon père qui l’a créé. J’ai bossé avec lui pendant une dizaine d’années. On avait un gros pôle de compétiteurs à l’époque, puisqu’on a eu plusieurs champions de France, plusieurs places aux championnats de France, mais maintenant l’esprit des jeunes a un peu changé, c’est-à-dire qu’ils sont plus pour consommer des arts martiaux, mais sans s’investir. Et malheureusement, dans les arts martiaux, s’investir, c’est nécessaire. C’est-à-dire qu’en faisant un entraînement par semaine, ce n’est pas suffisant. On est plutôt un art martial de loisirs. On pratique, on s’entraîne.

Que pensez-vous du judo français à l’approche des Jeux ?

Alors, il faut savoir que je suis parti faire un stage au Japon. Les jeunes judokas s’entraînent trois heures par jour et tous les jours, ce qui est énorme pour des lycéens. Ils ont un niveau extraordinaire, nous, on n’en est pas encore là. Mais voilà, on a des chances de médailles. Plus chez les filles que chez les garçons, mais l’avantage des Jeux de Paris, c’est que ça peut transcender certains compétiteurs. On a vu des gens qui ne sortaient de nulle part être champions olympiques parce qu’ils étaient chez eux.


Donc là, vous les vivrez un peu plus intensément ?

Oui carrément. Ça va être différent. Là, en tant que spectateur, je me sens un peu plus investi avec Virginia !


Propos recueillis par César Willot
Crédit photos : Théo Bégler – Gazette Sports