Adilio Sanches réalisait un de ses rêves en prenant part à la Diagonale des Fous dont le départ a été donné jeudi 19 octobre à 21h (heure locale) sur l’Île de la Réunion. Au final, l’Amiénois pulvérise son objectif initial en bouclant les 165kms en 44h23 et 59 secondes.
C’est le premier pied dans l’étrier des courses ultra pour Adilio Sanches. Le Samarien, qui s’est préparé pendant plusieurs mois pour participer à la Diagonale des Fous qui se tenait jeudi dernier sur l’Île de la Réunion, a largement battu son objectif de temps. Lui qui tablait sur 48h à 50h de course a finalement terminé celle-ci en 44h23mn59s, avec une arrivée le samedi à 17h33mn59s à Saint-Denis.
Nous avons pu nous entretenir avec Adilio pour revenir sur sa performance et son expérience durant ces deux journées de course.
Comment tu te sens après la course, tu as pu récupérer ?
Moi pour l’instant ça va. Je commence à récupérer tout doucement après ce long effort. Les organismes sont pas trop abîmés, à part quelques petites cloques. Il y en a qui étaient pires que moi avec des blessures à la cheville, au genou etc. Mais moi rien de tout ça, donc ça va !
Comment tu t’es senti pendant la course ?
La course était en deux parties. La première, partie j’étais en gestion de l’effort. J’ai couru à allure normale, j’allais pas trop vite. J’ai des collègues et des copains qui ont déjà fait la Diagonale et qui m’avaient averti en me disant que c’est une course où il faut savoir gérer. J’ai géré ma distance, sans trop être euphorique et m’enflammer car je savais que la journée allait être longue. La première nuit s’est bien passée, je n’ai pas trop accéléré et je n’ai pas eu trop froid. J’étais dans la montagne mais je me suis bien couvert. Le lendemain matin, au niveau de la mer la température a augmenté.
Mon premier coup de mou je l’ai eu samedi vers 00h / 1h du matin après 28 heures de course. J’ai commencé à avoir une barre à l’estomac et mal à la tête. Ça me tournait ! Je me suis dit que là j’avais atteint mes limites et qu’il fallait que je commence à dormir. J’ai réussi à prendre sur moi, à aller au prochain ravitaillement et j’ai expliqué la situation. Là il y avait pleins de lits de camp, j’ai pu dormir une demi-heure. Quand je me suis réveillé, je me sentais super bien ! Ca m’a relancé et là, la deuxième partie de course a commencé. D’ailleurs elle s’est passée beaucoup mieux que la première. Je pensais pas qu’on pouvait récupérer autant d’énergie avec si peu de sommeil. Les 60 derniers kilomètres je les ai bien gérés, je me sentais en forme ! J’ai pu dérouler et rattraper les trente petites minutes de sommeil. Si je n’avais pas dormi j’aurais fait pire que mieux.
A ce moment-là, c’est le mental a pris le dessus ?
Quand j’ai ressenti la douleur, je me suis dit que je ne pouvais pas randonner jusqu’à la fin ! Il y a pleins de gens qui m’attendaient : ma famille, mes amis, mon amie Pauline ! Je ne pouvais pas abandonner la course ! Même par rapport à mes amis sur Amiens, tous ceux qui me suivaient sur les réseaux sociaux. Quand tu as plein d’amis qui te disent qu’ils te soutiennent, pour leur faire honneur, t’es obligé de terminer ! C’est ce qui m’a poussé à terminer et à ne pas craquer.
Par rapport à l’objectif que t’es donné, de 48/50h, tu finis finalement largement en dessous…
Oui. Ce qu’il y a c’est qu’au début dans la première partie j’étais entre 47h et 48h. Le fait d’avoir dormi m’a permis d’accélérer sur la deuxième partie de course. Si je n’avais pas dormi j’aurais terminé en plus de 50 heures. Et même si j’avais eu un soucis de santé, j’aurais terminé même en boitant ! Le fait d’avoir terminé la Diagonale et d’avoir fait un chrono mieux que ce que je pensais faire, c’est une double fierté pour moi !
Ça t’a donné envie d’en faire d’autres des courses longue distance ?
Ah oui ! Là c’était la première fois que je faisais une course si longue et ça m’a donné envie de faire l’UTMB de Chamonix ! Je ne le ferais pas cette année mais pour mes 50ans, soit dans deux ans. Il y a tellement de monde qui veut y participer qu’il faut avoir des points. Pour avoir des points, il faut faire d’autres courses qualificatives pour pouvoir prendre part au tirage au sort. Je vais faire le trail d’Alsace long de 175kms et en août je vais faire le Tour de Savoie, qui est la petite sœur de l’UTMB, avant de tenter la grande dans deux ans.
Ça va, ça ne t’a pas dégouté…
Non, comme j’ai bien fini ça va. Je n’ai pas eu de douleurs. J’en ai vu qui avaient de grosses douleurs, je les encourageais en leur tapant dans le dos. Je sais ce que c’est de courir avec la douleur. Je me sentais obligé de les encourager car si ‘j’avais été à leur place j’aurais eu besoin de ce soutien. Il y a une bonne solidarité entre traileurs, en tout cas c’est ce que j’ai ressenti.
Et au niveau de la ferveur, comment c’était pendant la course ?
C’était phénoménal ! On dirait que c’est la Fête Nationale là-bas. Tous les Réunionnais sont touchés de près ou de loin par la course en ayant un membre de la famille participant à l’une des courses ou en étant bénévole. Quand tu prends le départ avec la musique du Raid et les 2800 coureurs c’est incroyable. Tu as tout le public sur la rue principale qui t’encourage, tape dans ses mains et te dit : « Aller tu vas y arriver ! » C’est ça qui te donne des ailes ! Tu te sens transporté et tu te dis que les Réunionnais sont extraordinaires. J’ai déjà fait plusieurs courses en France métropolitaine et je n’ai jamais ressenti la même ferveur.
Justement, sur les lives, on a vu que tu prenais ton temps au départ, aux ravitaillements et l’arrivée en saluant le public et même en discutant…
J’ai pris mon temps au départ pour emmagasiner des ondes positives. Je savais que les Réunionnais étaient sortis de chez eux pour le départ. Je ne voulais pas piquer un sprint pour arriver dans les montagnes. Quand ils t’encouragent tu te sens pousser des ailes. A un moment, je me suis même cru au Tour de France, à la place des grands coureurs français acclamés par le public. Je me suis senti comme eux, c’est vraiment le sentiment que j’ai, tellement c’était inimaginable et intense. Le public nous poussait dans les couloirs, où on passait en file indienne ! Les habitants de l’Île sont extraordinaires ! Ils poussent les gens à terminer leur course. Ils sont tous bienveillants et à fond pour que les coureurs du monde entier se sentent bien. C’est une course technique et festive.
Tu as pu profiter des paysages ?
Oui ! Quand le soleil se levait sur la montagne, avec la lumière du jour c’était magnifique. Le soleil couchant sur le mer, c’était inimaginable. Franchement, tu ne vois ça qu’à la Réunion. Quand tu vois ça, tu oublies tes douleurs et tu penses à la chance que tu as d’être ici. Pour moi, le fait d’être à la Réunion et d’avoir fait cette course, c’était un honneur et une chance. Plusieurs milliers de personnes auraient voulu être à ma place. C’est moi qui ai profité du décor, de l’ambiance, de la générosité des habitants. Je suis satisfait à 100% d’avoir fait cette course, j’en garde des souvenirs qui resteront gravés pour toute ma vie. C’est un rêve d’enfant qui s’est réalisé. Je souhaite à tous les amis traileurs qui souhaitent faire cette course de se lancer. Mais attention à la préparation !
Tu envisages de refaire la Diagonale un jour ?
Oui je pense mais pas dans l’immédiat. Là j’ai adoré et c’est sur que je la referais plus tard. Peut-être avec mon amie Pauline en équipe, où si elle veut se lancer sur l’une des distances je serais assistant à sa place pour la soutenir, mais je reviendrais c’est sur !
Propos recueillis par Dorine Cocagne
Crédit photos : DR – Adilio photo’s – Sport