LES GOTHIQUES – Mario Richer : « La D2 coûte des milliers d’euros, alors que je pourrais me payer un Tommy Giroux »

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Une semaine après l’élimination en quart de finale des play-offs, Mario Richer nous a accordé un long entretien. Le barbu revient sur cette saison compliquée, aborde la reconstruction de l’équipe à venir et les défis que le club devra relever dans les prochaines années au niveau de la formation des jeunes.

L’entraîneur des Gothiques d’Amiens s’est entretenu individuellement avec l’ensemble des joueurs mercredi 15 mars pour faire le point sur leur état de forme et leurs envies. Suite à quoi, le lendemain, le club a annoncé une première vague de départs. Ainsi, Baazzi, Jago, Lindroos, Ruel, Tiala, Turcotte ne seront plus au club l’an prochain mais restent sous contrat jusqu’au 30 avril. L’entraînement collectif de l’équipe première devrait reprendre la semaine prochaine.

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Que retenez-vous de ces premiers mois à Amiens depuis votre retour ?

Les choses n’ont pas changé depuis mon départ. Si on regarde les résultats… Les U20 descendent en catégorie Junior C. En D2 on joue les playdowns. Ce week-end, on a perdu avec Victor (Bodin) dans les filets, Simonsen et Djemel. C’est dire à quel point on est faible ! L’avenir de l’organisation est préoccupant. On a perdu notre éthique de travail. Jouer à Amiens est devenu une partie de plaisir. Il faut se poser les bonnes questions.

Ce qui nous tue au niveau de la construction de l’équipe première c’est que pour l’instant il n’y a personne en U20 qui a le calibre pour jouer en Magnus.

La formation est-elle pour vous le plus gros chantier à l’heure actuelle ?

La formation est très importante, il faut la restructurer, inventer de nouvelles façons de faire. Ce qui nous tue au niveau de la construction de l’équipe première c’est que pour l’instant il n’y a personne en U20 qui a le calibre pour jouer en Magnus. Résultat, on doit payer tous les joueurs. Quand le salaire des trois joueurs de 4ème trio est équivalent à celui du 2ème trio, on ne peut pas avoir des joueurs dominants.

En revenant chez les Gothiques, vous attendiez-vous à retrouver l’équipe dans un tel état ?

Je pense que la perte de Riton (Buysse) c’est ce qui a fait le plus mal à l’équipe senior. Un gardien c’est 70% de l’équipe. Il y a souvent eu des matchs qui ont été perdus par un but. Quand année après année, Riton est à plus de 92% d’efficacité, il peut faire gagner un match à lui seul quand ça se joue à un but d’écart.

Vous avez récupéré une équipe déjà constituée, quel était selon vous le principal défaut dans la construction de cet effectif ?

Il y avait beaucoup de défenseurs défensifs. Capables de défendre dans notre zone mais à la relance on n’était pas assez rapide. Au lieu de faire une passe pour sortir, il en fallait deux ou trois donc on passait beaucoup de temps dans notre zone.

Les blessures n’ont pas aidé étant donné qu’on n’a pas de profondeur de banc. Aussitôt qu’on a un blessé ça fait mal parce qu’on n’a personne pour le remplacer. Avec deux blessures on n’a plus de quatrième trio, d’où l’importance d’avoir des jeunes du centre de formation qui peuvent jouer. On n’a pas de joueur de 19, 20 ans qui sont prêts à jouer.

Vous avez évoqué le cas de Buysse, on ne sait toujours pas s’il va pouvoir continuer la saison prochaine, quel est votre plan pour les gardiens ?

Il y a plusieurs plans. Le premier c’est le retour de Riton en bonne santé. On est encore dans le dilemme à savoir s’il va réessayer d’aller sur la glace. On devrait être fixé d’ici quelques jours. Dans le cas contraire, on regardera les opportunités sur le marché. Victor a eu des bons play-offs, c’est un jeune qui travaille très fort, il doit continuer à s’améliorer.

Un joueur peut changer s’il est motivé. Tu peux botter le cul à quelqu’un tous les jours mais s’il n’est pas motivé ça ne changera rien.

Cette année une partie des jeunes JFL (Joueur formé localement) ont déçu, que comptez vous faire ?

Si on peut avoir un meilleur rendement de la part d’un autre joueur par rapport à quelqu’un qui est ici, on le prend. Tout est une question de budget. Quand Plagnat, Bruche et Coulaud étaient des joueurs réguliers à 19 ans, qu’ils étaient encore au centre de formation, ils ne nous coûtaient rien. Alors que quand un joueur arrive à 21 ans, on est obligé de le payer un certain montant, parfois plus que certains importés. C’est là que le centre de formation est important. On a une D2 qui nous coûte des milliers d’euros et qui ne nous rapporte rien. Est-ce vraiment utile d’avoir une D2 pour avoir une D2 ? La réponse à la question est facile. Cet argent-là, on pourrait l’investir en Magnus. Je pourrais me payer un Tommy Giroux.

Vous n’avez cessé de répéter que pour jouer à Amiens, il fallait avoir la mentalité Gothique, être acharné et intense. Est-ce qu’un joueur qui n’a pas cet état d’esprit peut le devenir ?

Un joueur peut changer s’il est motivé. Tu peux botter le cul à quelqu’un tous les jours mais s’il n’est pas motivé ça ne changera rien (sic). C’est difficile de changer des comportements mais on essaye de changer les mauvaises habitudes. Ça ne se fait pas du jour au lendemain. Il y a beaucoup de travail à faire. On peut trouver des solutions, ça dépend d’eux. Il faut qu’ils comprennent que c’est pour leur bien qu’il faut faire des efforts.

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Eric Medeiros (au premier plan) a assuré l’intérim à la tête de l’équipe première après la mise à l’écart d’Anthony Mortas, avant de repasser adjoint avec l’arrivée de Mario Richer.

J’aimerais qu’on parle de votre staff, vous avez collaboré avec Eric Medeiros cette année, est-ce que ce sera le cas la saison prochaine ?

Eric a un contrat jusqu’au 30 avril, on verra après.

Si vous avez la possibilité d’étoffer votre staff, quels types de compétences souhaiteriez-vous ?

J’aimerais avoir un « skills coach ». Quelqu’un capable de développer les joueurs au niveau technique, que ce soit le patinage, le maniement du palet, ou le lancer. Ce sont des choses très à la mode chez nous (au Québec). Souvent les skills coach commencent à entraîner des jeunes de dix ans et quand ils arrivent en Juniors ils ont des feintes incroyables.

Qu’importe la nationalité, je regarde des joueurs avec un IQ hockey élevé

Sur le marché des joueurs étrangers, quelle est votre ligne directrice pendant l’intersaison ?

C’est l’offre et la demande. Si je veux avoir un joueur il faut qu’il rentre dans les prix. Il nous faut si possible des joueurs célibataires et qui veulent demeurer avec d’autres coéquipiers parce qu’on n’a pas suffisamment d’appartements. Qu’importe la nationalité, je regarde des joueurs avec un IQ hockey élevé. Ce n’est pas une question de patin, si le joueur est intelligent, tu peux faire des jeux sinon tu ne peux rien faire.

Vous aimez bien ramener des Québécois, pourquoi, est-ce une question de culture ?

Au niveau du langage c’est plus facile. Surtout, je sais tout sur eux ! Lorsque je demande à un entraîneur québécois ce qu’il pense d’un joueur, il va tout me dire de A à Z. Quand je demande à des entraîneurs américains ou à des agents, ils vont tous me dire que c’est un « great guy », « great hockey player ». C’est tout le temps, « il est bon », « il est bon ». Ils ne vont jamais dire les défauts.

Les Québécois disent ce qu’ils pensent, c’est dans nos habitudes, donc la communication est plus facile.

Les Québécois disent ce qu’ils pensent, c’est dans nos habitudes, donc la communication est plus facile. C’est pour ça que des fois c’est plus difficile d’aller chercher des joueurs dans d’autres pays parce qu’ils vont toujours vanter les forces sans accepter de dire les défauts.

Vous avez un contrat de deux saisons avec Amiens, le président a réaffirmé son intention d’intégrer le Top 4, quelle est votre vision sur le sportif ?

Je ne parle jamais de Top 4, je parle toujours de faire les play-offs. On l’a vu cette saison tout s’est joué sur la dernière journée. Il y a des choses que l’on doit changer, il y a des styles de joueurs que je veux aller chercher. Plus intelligents, plus créatifs. Le hockey change. L’éthique Gothique c’est une chose, mais le hockey se joue plus sur le patin et la possession du palet qu’auparavant. Il faut des joueurs techniquement plus forts pour pouvoir performer. Il y a une époque j’adorais jouer contre Gap parce que c’était une équipe très intense comme nous, maintenant si on regarde une équipe qui performe bien dans notre ligue c’est Cergy. Ils ne vont pas frapper mais plutôt patiner, bien bouger le palet et être dans le contrôle. C’est un exemple à suivre. Le hockey va dans cette direction.


Julien Benesteau
Crédit photos : Kevin Devigne – Gazette Sports (archive)