FOOTBALL : Benoît Sturbois « inquiet » et « malheureux » quant à l’état du foot amiénois

©eva.dbt ∞
Ⓒ Gazette Sports
Publicité des articles du site GazetteSports

Alors que tous les feux sont au vert du côté de l’équipe qu’il entraîne, le coach de l’équipe première du FC Porto Portugais d’Amiens se montre plus pessimiste pour le football local.

Cette saison, le foot amateur amiénois ne tourne vraiment pas bien. Les trois meilleures clubs de la Métropole en dehors de l’Amiens SC, l’AC Amiens, Longueau et Camon sont ainsi tous relégables. Sans oublier la réserve, du côté de l’ACA, après déjà une descente l’été dernier. Une situation qu’a évoqué Benoît Sturbois, l’un des rares entraîneurs heureux en ce moment à ce niveau, localement, après la victoire des siens sur Le Touquet (b).

publicite cit dessaint 2 gazette sports

Un entraîneur amiénois qui s’est dit « malheureux pour eux. » Tout particulièrement, « voir l’AC Amiens pour lequel j’ai évolué se retrouver aux portes de la R1, ça fait mal. » Une situation toutefois pas si étonnante à ses yeux du fait de la fusion des régions : « C’est compliqué dans les Hauts-de-France, on le voit au niveau N3 où le niveau est très élevé. Même en R1, le niveau est bien plus élevé qu’en DH picarde. On le voit cette année en R2, on est obligé de batailler avec l’effectif qu’on a alors qu’on pourrait dire que c’est largement un effectif de DH. »

« Ça devient de plus en plus compliqué de trouver des gens capables de venir donner un coup de main. »

Reste à « se demander pourquoi on a du mal à exister » face aux formations de l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais. Et Benoît Sturbois lance quelques pistes. Parmi celles-ci, « les infrastructures, les moyens financiers. » Ainsi, prend-il en exemple, le fait que son club « n’a qu’un terrain synthétique pour 500 licenciés. » « On est contents, précise-t-il, mais ça fait encore trop peu. » Et, plus généralement, la performance « demande de l’investissement, financier » ou, à défaut, « bénévole », or « ça devient de plus en plus compliqué de trouver des gens capables de venir donner un coup de main. »

Un vivier qui peine à se renouveler

Autre piste de compréhension lancée par le technicien des Portugais, le vivier dont dispose le bassin amiénois. Et ce pas uniquement pris sous l’angle du nombre. Premièrement, « les meilleures jeunes sont à l’Amiens SC, quand ils en sortent, ils veulent aller à un niveau au moins N3 donc si on leur propose un meilleur projet qu’à Amiens, ils s’éclatent ailleurs. »

Ensuite, vient tout simplement le problème de la formation des autres joueurs locaux : « On a beaucoup de mal à former les jeunes, l’accent n’est pas assez mis sur les écoles de foot. On essaie de le faire à Porto, et malgré ça, c’est compliqué. On voit très peu de jeunes formés au club, c’est ce qui fait notre pauvreté en termes de génération qui vient. » La faute notamment à un manque de formation des éducateurs. Pas tant par manque de volonté que par manque de souplesse face à des gens ayant des contraintes hors foot : « Le problème, c’est que les dates de formation ne coïncident pas forcément avec les emplois du temps des éducateurs. On veut former les éducateurs mais il faudrait peut-être que ce soit plus souple, qu’il y ait plus de possibilités. » Ce qui fait dire à Benoît Sturbois : « On a des éducateurs mais est-ce qu’ils sont formés convenablement pour former convenablement ? »

Quand on arrivera à un moment où certains joueurs âgés vont devoir passer le relais aux plus jeunes, je pense qu’on va avoir un gros problème.

Enfin, la mentalité des jeunes joueurs est également visée par le coach amiénois. Face à une génération de qualité mais qui commence à prendre de l’âge, il estime qu’on a « une génération qui veut tout tout de suite » regrettant que « beaucoup de jeunes s’impatientent alors que ce qu’on leur donne est déjà très bien. » Et d’illustrer : « Aujourd’hui, tu prends un joueur qui n’a pas forcément d’expérience au niveau R2, tu le mets sur le banc, tu le fais jouer 20 minutes, il se plaint, il préfère jouer 90 minutes en D2. » Le travail est alors de faire comprendre « qu’il y a des étapes qu’on ne peut pas griller. » Et surtout que le moment viendra : « Il faut qu’ils se rendent compte que le relais sera passé tôt ou tard et que ce seront les plus patients, les plus travailleurs qui prendront ce qu’il y a à prendre. » Sauf qu’entretemps, un certain nombre qui aurait pu permettre de renouveler le vivier amiénois n’est plus forcément là. Y compris venant du centre de formation de l’ASC : « Ceux qui sont frustrés ne continuent pas forcément le foot. »

Une inquiétude pour le futur

De là, Benoît Sturbois peine à voir dans cette saison un épiphénomène. S’il ne se fait pas de souci sur la vivacité du football sur Amiens – « On aura toujours du foot, des équipes » -, car « les clubs ont toujours su se relever », il se montre en revanche plus alarmiste sur l’échelon auquel cela se poursuivra : « Quand on arrivera à un moment où certains joueurs âgés vont devoir passer le relais aux plus jeunes, je pense qu’on va avoir un gros problème. Je suis inquiet sur le niveau. »

Et à court terme, « ce qui me fait un peu peur, c’est qu’on se retrouve tous ensemble dans le même groupe, et que ce soit un peu compliqué pour tout le monde, que ce soit pour le recrutement ou autre. Ce ne serait pas une bonne chose de voir tout le monde au même niveau. » On n’y est pas encore, mais la photographie d’ensemble au mois de février 2023 n’incite donc franchement pas à l’optimisme.


Morgan Chaumier
Crédit photo : Eva Daubenton – Gazette Sports