NATATION – Jérémy Stravius : « Préparer ma reconversion ? J’y pense depuis 2016 »

Stravius Point Bar
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Officiellement retiré des bassins sportifs depuis l’an dernier, le nageur Jérémy Stravius vient d’entamer sa deuxième carrière avec l’ouverture de son propre bar à Amiens. Nous nous sommes entretenus avec lui, pour évoquer la gestion de sa fin de carrière et le début de sa nouvelle vie hors de l’eau.

Depuis quand envisagez-vous votre retraite sportive ?

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Préparer ma reconversion ? J’y pense déjà depuis 2016. Une fois que ma carrière serait terminée, je voulais avoir quelque chose de propre et de préparé. Il y a eu deux projets qui ont mis du temps et qui ont échoué. Finalement, il y a eu cette opportunité de racheter le bar et ça n’a pris que quelques mois. Racheter un fond de commerce, un bar, dans la situation la plus compliquée (ndlr : le covid), il fallait démontrer qu’il y avait un réel potentiel, qu’on allait s’investir à fond et que ça allait marcher.

Les deux projets précédents étaient-ils liés à l’idée d’ouvrir un bar ?

Il y avait toujours l’idée de bar dedans, mais l’idée d’une activité de loisir était prédominante. Le premier c’était le karting électrique sur Dury, qui ne s’est pas fait. Le deuxième c’était un Escape Game avec un bar immersif, en plein centre d’Amiens, Rue des trois cailloux et au moment de monter le dossier le covid est arrivé. On s’était dit qu’on allait mettre ça de côté et attendre que ça se passe et finalement on s’est lancé sur un autre projet, plus petit, mais qui nous correspond peut-être encore mieux.

Comment se prépare un projet de reconversion, alors qu’il faut mener de front une carrière de sportif de haut niveau ?

Il faut savoir qu’on a très peu d’aides au niveau de la fédération, il ne faut pas se leurrer, à part des aides en tant que kiné, entraîneur etc. Oui là ils vont donner un coup de main parce qu’ils ont les tuyaux et les partenariats avec certaines filières. Pour le reste on se démerde tout seul. Alors oui, il y a des personnes qui sont amenées à nous recommander certaines formations ou autre, mais c’est à nous de faire le job. Clairement, José et moi, ce projet-là on l’a fait tous seuls et on n’a pas demandé d’aide. Enfin si. Pour ce qui est de trouver un local, on a demandé de l’aide, comme sur les autres projets, j’ai été toqué à la mairie. C’était du temps de perdu. Sur les trois projets, je n’ai jamais eu de retour pour me dire « on a un truc pour vous ou il y a une piste, on a peut-être une idée ». De base je n’y allais pas pour demander une enveloppe budgétaire, on m’a toujours dit « si t’as besoin n’hésites pas ». Donc je n’ai pas hésité, seulement il n’y a pas eu de retour derrière.

Est-ce que le fait d’être obligé de mener un autre projet à côté a joué sur votre fin de carrière de sportive ?

C’est du temps, même si on en a quand on est sportif de haut niveau, il faut juste savoir s’organiser et on peut bien se consacrer à ça. Maintenant, si l’on veut faire des études, si ce n’est pas étalé sur plusieurs années et qu’il n’y a pas de partenariats avec le club c’est compliqué, c’est-à-dire qu’on va toujours être en retard par rapport aux autres et on va toujours devoir courir après le temps et demander toujours les cours après. Ça ça a été très compliqué les deux premières années où j’étais ici, en fait j’arrivais à la fac et j’avais déjà deux heures de cours en moins et il fallait toujours que je rattrape sur les autres et il n’y a pas d’aide sur ça, tu débrouilles avec des copains que tu as à la fac et puis tu récupères tes cours.

Avez-vous suivi une formation avant d’ouvrir le bar ?

Je me suis formé à distance, pendant la pandémie. Je n’étais pas obligé d’en faire, mais pour ouvrir un bar c’est bien d’avoir une formation barman et gestion d’un bar. Mon compagnon, José avait déjà touché à ça et tout ce qui est ouverture d’un projet, business plan, il connaissait déjà, il avait déjà sa boîte à lui avant. Donc sur ça on est complémentaire.

Vous n’avez jamais eu l’idée de faire une reconversion dans votre sport ?

Pas du tout. Entraîneur tout ça, ça ne m’intéresse pas. Déjà, parce que c’est le même rythme qu’un nageur, donc un entraîneur il se lève aussi tôt qu’un nageur et les week-ends s’il y a compet’ et bien il est là-bas, donc moi retrouver un rythme de vie semblable à ce que j’avais, non. Il fallait que je passe à autre chose, que j’ai une vie « normale », avoir des vacances en même temps que tout le monde et pas en décalé. Parce que là à chaque vacances, il fallait que je parte en stage et tous les matins c’était 5h30, non là la nuit je dors bien.

Entraîneur ça m’aurait peut-être plu, parce que j’ai déjà entraîné des benjamins, de cette tranche d’âge là, mais pas le haut niveau. Là je préfère avoir un rôle « d’ambassadeur », comme j’ai aujourd’hui avec le club de l’Étoiles à Paris, ce n’est pas nageur, ce n’est pas entraîneur, c’est entre les deux. Donc je vais y aller fréquemment, pour être avec eux et leur apprendre pas mal de choses.

L’Étoiles 92, c’est un projet que vous n’avez pas abandonné ?

Non, c’est un double projet, il y a le bar où je vais être à 90% et je donne du temps à l’Étoiles, qui me reconduira sûrement jusqu’aux jeux de Paris 2024.

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Bien que retraité du haut niveau, Jérémie Stravius garde toujours un orteil dans les bassins

Nagez-vous encore ?

Je nage encore un petit peu. J’ai fait ma reprise il y a deux jours. Je retourne m’entraîner demain et samedi. C’est à moi de me fixer mes horaires d’entraînement, d’y aller avant de venir ici. J’arriverais toujours à nager et me libérer un samedi ou dimanche pour les compétitions.

Vous décrochez, sans vraiment décrocher…

C’est ça, c’est-à-dire que je n’ai pas les deux pieds dans l’eau, mais j’ai plus un orteil on va dire.

C’est plus le rythme de travail que la natation que vous aviez envie de quitter

Oui, exactement, je voulais vraiment avoir mon rythme de vie, avoir mes vacances à la neige l’hiver, les choses dont je n’ai pas pu profiter toutes ces années et que j’ai envie de rattraper et en plus j’arrête en 2020 et… on ne peut rien faire.

Pour vous ça doit être un vrai changement de vie, parce que lorsque l’on est nageur, on se lève très tôt pour s’entraîner, là à l’inverse vous êtes dans le monde de la nuit…

Complètement inversé, je me couche tard et je me lève un peu plus tard que d’habitude. Ça me change. Après j’avais pris un petit rythme comme ça, depuis que j’ai arrêté. C’est un rythme que j’ai pris rapidement parce que je l’avais déjà, donc je n’ai pas été choqué par les horaires, et il suffit de bien s’organiser. On n’a pas des horaires très tardifs, on ne ferme qu’à une heure et pas trois heures. Quand on est bien organisé, on rentre à une heure trente donc ça va, ça me laisse des matinées jusqu’à neuf heures.

Vous restez dans une natation plaisir, mine de rien vous faites des compétitions, vous alliez toujours plaisir et résultat ?

Je suis toujours dans le plaisir et c’est ce qui me plait depuis que j’ai arrêté. Je viens sans pression sur des compétitions, je fais un peu ce que je veux en terme d’engagement. Si je n’ai pas envie de faire de 100 nage libre je ne le fais pas. Si j’ai envie de faire un 50 dos je vais le faire. J’ai la chance d’être avec un club hyper ouvert sur ça. Ne pas avoir de pression, fait que je prends plus de plaisir à y participer. Je prends également plus de temps avec les gens, que ce soit les bénévoles ou les entraîneurs. Je parle énormément avec les entraîneurs qui me demandent beaucoup de conseils, donc je donne de mon temps, c’est aussi normal. Maintenant que j’ai arrêté, je ne suis plus dans la performance, même si quand je suis derrière un plot je n’ai pas envie de me faire taper par les jeunes. S’il y a vraiment bataille, je fais tout pour être devant, j’ai toujours l’aspect compétitif en moi.



Propos recueillis par Morgan Chaumier et Julien Benesteau

Crédits photos : Léandre Leber et Julien Benesteau Gazette Sports