Catherine Rogister a forgé son expérience de la compétition automobile en Formule 1, chez les Britanniques de Caterham F1 Team (ex-Lotus) et chez Renault Sport F1 Team. Chargée d’organiser des événements pour Alpine et ses clients, elle a assisté au dernier meeting de l’Alpine Elf Europa Cup, à Magny-Cours. « Des étoiles plein les yeux », elle a découvert un championnat « avec des règles aussi strictes qu’en F1 ». Elle partage son avis d’experte, évoquant notamment les performances de l’Amiénoise Lilou Wadoux, 2ème au classement général.
– Pour en savoir un peu plus sur vous, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre fonction de responsable Expérience Clients chez Alpine Cars ?
« Je travaille au sein de l’équipe marketing et communication et je crée pour les clients, les fans de la marque et tous ceux intéressés de près ou de loin par Alpine, une expérience cohérente. En digital, en physique sur des événements en concessions, dans les centres Alpine. Par exemple avec des cadeaux pour la livraison d’une Alpine, que ce soit à Boulogne-Billancourt ou au Japon. C »est ambitieux, tout est à écrire et à construire. Je suis régulièrement en contact avec notre réseau dans le monde entier. »
– Et quels sont vos liens avec le milieu de la compétition ?
« Je travaille pour Alpine Cars, marque du groupe Renault, qui a la chance de briller dans différentes compétitions, de l’Alpine Elf Europa Cup à la Formule 1 en passant par le LMP2 et le GT4. Et je travaille en liens étroits avec les organisateurs de ces compétitions, comme les frères Philippe et Patrick Sinault, pour l’Alpine Cup, avec qui j’organise des événements pour les clients et pour la marque aux 24 Heures du Mans et des expériences pour les propriétaires d’Alpine, autour de l’Alpine Cup. »
« A Dieppe, on sent l’héritage de Jean Rédélé, le fondateur d’Alpine »
– Vous vous appuyez, on imagine, sur l’histoire prestigieuse d’Alpine ?
« Alpine est une marque avec une forte image, formée et forgée par la compétition, en référence aux rallyes qui l’ont rendue célèbre en France, en Belgique, en Italie, en Espagne. On en est fier et on veut mettre cette riche histoire à disposition de la marque et de ses clients. Ce qui est beau aussi, c’est que l’on part de l’histoire d’un homme, Jean Rédélé (1), qui avait une vision, une passion et qui a concrétisé son ambition en créant la première Alpine. A Dieppe, aujourd’hui comme hier, on sent l’empreinte, l’héritage de Jean Rédélé. Mais il est difficile quand on est un constructeur automobile, surtout en 2021, de rappeler en permanence le passé. Alors on doit trouver le juste équilibre entre l’héritage dont on est fier et l’avenir… »
– Comment percevez-vous l’engouement autour d’Alpine ?
« En étant la plus objective possible, l’A 110 est une voiture très réussie. Et c’est à l’essai que l’on se rend compte de toutes ses qualités. De l’extérieur, elle est mignonne, on retrouve les lignes de la berlinette si on l’a connue. On perçoit le clin d’oeil… On peut aussi lui trouver un petit côté Porsche à l’arrière… C’est une jolie voiture et quand on l’essaye, on en tombe amoureux ! Car elle est facile à conduire, elle met en confiance, elle tient bien la route sans jouer de mauvais tours. En fait, on s’amuse avec ! C’est vraiment une voiture-plaisir, sans être ostentatoire. On ne s’achète pas une Alpine pour avoir la plus grosse voiture. On peut l’utiliser en ville, la garer facilement, ce qui est un avantage. »
« Les pilotes terminent à bout ! »
– Pour revenir à l’Alpine Elf Europa Cup, quelles sont vos impressions après ce meeting de Nevers – Magny-Cours ?
« J’ai des étoiles plein les yeux ! Je suis très contente d’avoir découvert ce championnat, assez tardivement car il en est à sa quatrième saison. Vingt voitures en piste, c’est un très beau plateau. J’ai travaillé sept ans en Formule 1, d’abord pour Caterham F1 Team en Angleterre, puis chez Renault Sport F1 Team, côté moteur, à Viry-Châtillon. Ce qui m’a vraiment surprise, c’est le niveau de rigueur pour la réglementation. Les contrôles techniques sont aussi poussés qu’en F1 ! Les règles aussi strictes, ce qui rend la compétition vraiment belle. On ne peut pas tricher, on a la même voiture, mais avec des pilotes aux âges et aux parcours complètement différents. Parmi lesquels deux femmes qui se défendent très bien en course (NDLR : Lilou Wadoux, d’Autosport GP, 2ème du classement général et la Polonaise Gosia Rdest, de Chazel Technologie Course, 7ème). Quand on aime la compétition, on se rend compte de l’intensité d’une course d’Alpine Cup, qui est un sprint de 25 minutes. Ils terminent, ils sont à bout de ce qu’ils viennent de vivre ! C’est un format qui mérite d’être connu et mis en avant. »
– On voit cette année encore, malgré la très belle résistance d’un ancien, Laurent Hurgon, d’Autosport GP, une jeunesse triomphante, ce qui doit dynamiser une marque historique ?
« Au-delà de ça, on est dans un contexte planétaire différent, avec une vraie prise de conscience environnementale de l’impact que l’automobile peut avoir, donc une image parfois négative. Mais on voit de jeunes talents capables de transformer ça et de montrer que la passion de l’automobile et de la compétition n’est jamais finie… Et on voit sur ce plateau de l’Alpine Elf Europa Cup que cela n’a pas d’âge, avec des pilotes qui ont de 18 à 79 ans ! Je suis d’ailleurs touchée par Luc Rozentvaig, le doyen, qui a la même pêche qu’un jeune qui débute. C’est ça la passion ! Et de voir autant de jeunes pilotes, vous avez raison, c’est que la relève est bien là. C’est un message plein d’optimisme pour le sport auto en général. »
« Lilou Wadoux ne manque pas de caractère ! »
– Quels sont vos souvenirs les plus marquants en terme de « fan expérience » ?
« C’est le baptême en Alpine Cup, organisé en Autriche, au Salzburgring (NDLR : circuit situé près de Salzbourg, au coeur d’une étroite vallée…alpine). Une journée pour les clients, ils étaient plutôt réservés en arrivant. Mais ils en sont ressortis avec le sourire et une grande joie dans les yeux ! Une journée réussie également grâce à Autosport GP qui nous accompagne dans ces événements sur circuits depuis plusieurs années. Après, l’Alpine Elf Europa Cup avec des pilotes de ce niveau au volant, c’est encore une autre expérience et on sait que pour le passager, cela n’a pas de prix…
– Lilou Wadoux a justement déjà participé à des baptêmes avec son team Autosport GP. Vous avez senti les clients invités surpris de voir au volant une petite jeune femme ?
« Je ne l’ai pas ressenti. Peut-être parce qu’en tant que femme travaillant dans l’automobile, je sais que cela existe. Mais en revanche, ce que je sais, c’est qu’il faut avoir du caractère et Lilou n’en manque pas ! Alors tout ce que l’on peut imaginer avant pffff… On s’installe et après, plus de place pour le doute ! On s’accroche juste !! (rires) Les clients avec elle étaient ravis, comme avec les autres pilotes. A ce niveau de pilotage, il n’y a plus de différence homme / femme. Et je trouve ça très beau, vraiment !
– D’ailleurs, l’automobile est l’un des rares sports, avec la voile et l’équitation où femmes et hommes participent ensemble…
« Vous avez raison de le souligner. Et pourtant en sport auto le chemin pour y arriver est encore compliqué aujourd’hui pour les femmes. Il y a des questions financières pas évidentes, aussi… Les femmes doivent prouver plus, comme dans tous les domaines… Mais avec le talent et l’envie de Lilou, on fait vite taire tout le monde ! Il n’y a plus de discussions et c’est incroyable comme message ! Il n’y a pas assez de femmes dans le sport auto. En Formule 1, peu de femmes ont marqué l’histoire. Il y a juste deux ou trois noms (2) et quelques pilotes d’essais, alors on n’a pas fini d’écrire l’histoire !
– Enfin, grâce à l’USEP Amiens et Gazettesports, Lilou Wadoux va intervenir dans des classes d’écoles primaires l’année prochaine, pour partager son expérience de jeune femme dans un sport assez masculin. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
« C’est une très belle chose à faire. Car en se rendant compte que c’est possible, cela peut donner envie à des enfants, à des petites filles de se dire : pourquoi pas moi ? Il faut d’ailleurs remercier toutes les femmes qui ont pris le risque de se dire : j’y vais ! Et qui ont ainsi donné envie à d’autres d’avoir la force d’y croire. Alors merci Lilou !
Interview et photos Léandre Leber pour Gazettesports à Magny-Cours
Rédaction Vincent Delorme
(1) : Jean Rédélé (1922 – 2007), garagiste et concessionnaire Renault à Dieppe (Seine-Maritime), a bricolé sa première voiture au début des années 1950, pour courir et gagner le rallye Dieppe – Rouen ! Puis en 1954, il participe à plusieurs épreuves dans les Alpes. C’est suite à cela que sa marque de voitures naît en 1955 et prend le nom d’Alpine. Elle obtiendra ensuite la consécration dans les années 1970 avec un titre de championne du monde des constructeurs, en rallyes, en 1973 et plusieurs participations aux 24 Heures du Mans, marquées par la première victoire d’Alpine dans la Sarthe en 1978.
(2) : Deux Italiennes ont joué les pionnières en Formule 1. Maria Teresa De Filippis, dont la meilleure perf a été une 10ème place au Grand Prix de Belgique 1958. Puis surtout Lella Lombardi. 6ème du Grand Prix d’Espagne 1975, elle a également couru plusieurs fois les 24 Heures du Mans. Depuis, quelques autres femmes ont disputé des qualifs de GP de F1, mais sans réussir à décrocher une place sur la grille de départ.