Alors que l’officialisation de la saison blanche a désormais un mois, nous nous sommes entretenus avec Romain Collet pour en mesurer les effets à l’échelle d’une équipe de D1, Amiens Montières.
Comme l’ensemble de ses confrères entraîneurs, Romain Collet admet que la décision d’arrêter les championnats n’est « pas une surprise, on s’y attendait. » Très remonté la saison passée suite à la décision de faire descendre une équipe sur la base d’un quotient de points, il ne peut que trouver la décision d’une saison blanche « logique, surtout dans le sens où l’on a fait moins de matchs que la saison dernière. C’est vrai que ça aurait été dommage de faire descendre ou monter des équipes avec si peu de matchs joués. » Ainsi, même s’il reconnaît trouver « frustrant » de devoir enchaîner une descente sur la décision d’appliquer le quotient avant de ne pas pouvoir défendre sa chance de remonter pour cause de saison blanche, il salue pour autant « une bonne décision. »
Pas suffisant toutefois pour tirer un bilan entièrement positif de la gestion de la saison par les instances. Quand on lui demande s’il trouve que celle-ci a été mieux gérée que la précédente, l’entraîneur amiénois se contente d’un « je n’irais pas jusque là. » En effet, s’il ne veut accabler personne (« je n’aimerais pas être à leur place »), Romain Collet estime tout de même qu’en bout de chaîne, les clubs ont « vraiment été abandonnés par les instances pendant quelques mois. On nous a laissés dans la panade, dans notre jus, sans nous donner vraiment d’infos sur ce qu’on pouvait faire ou ne pas faire pendant de long mois. On a vivoté, attendu de voir comment ça allait se dérouler et puis on a eu au fur et à mesure des informations. C’est vrai que ça a été un peu flou et pour les clubs, ça n’a pas été simple. »
Un lien distendu avec les joueurs
Désormais que les choses sont plus claires, la situation n’en est pas pour autant florissante. Ainsi, « le lien avec les joueurs est pas mal perdu pour certains, déplore Romain Collet. Il y en a avec qui on arrive à maintenir le lien, mais il y en a pas mal qu’on ne voit plus beaucoup. On essaie de maintenir une séance par semaine, mais c’est très compliqué d’avoir des joueurs présents et motivés pour venir sachant qu’il n’y a rien au bout. » De quoi, même, ne pas avoir suffisamment de joueurs pour effectuer tous les entraînements. Et parmi les joueurs qui ne sont plus présents aux entraînement, c’est parfois silence radio de la part de certains qui ont « complètement abandonné ».
Alors que la situation de ce point de vue suscitait un certain optimiste de la part d’autres entraîneurs amiénois parvenant à maintenir leur groupe mobilisé, Romain Collet décrit une réalité « plus compliquée. A partir de la D1, c’est une toute autre vision du football. » Et même si « certains ambitionnent peut-être d’aller plus haut », c’est « avec la contrainte de leur caractère, de leur faiblesse footballistique. Parce qu’il ne faut pas se voiler la face, s’ils sont en D1 aujourd’hui, c’est qu’il y a ces critères qui rentrent en compte. » Des critères limitants qui n’encouragent pas forcément à l’assiduité en ces temps d’absence de compétition, quand l’ambition de voir plus haut n’est pas, tout simplement absente.
Reprendre le plus tôt pour limiter la démobilisation
Face à toutes ces difficultés, Romain Collet « espère qu’on va pouvoir reprendre pleinement le football le plus rapidement possible » et « pouvoir faire des tournois et maintenir des entraînements en juin-juillet, si c’est possible. » D’autant que d’autres doutes se précisent. D’une part, « on ne sait pas du tout où l’on va et c’est ça qui est très frustrant, de se demander comment ça va se dérouler, comment va se passer la reprise, qui va être là à la reprise. »
Le fait de rester à la maison, de voir les enfants grandir, on peut se poser des questions. Après, quand on est amoureux du foot comme je le suis, la question ne se pose pas vraiment, mais je me dis que ça peut en faire basculer certains.
Romain Collet, entraîneur d’Amiens Montières
Outre le flou autour du planning de reprise, la question de la composition du groupe est en effet une préoccupation majeure, particulièrement pour un coach qui n’a plus vu certains de ses éléments depuis un long moment et qui juge problématique « le fait de ne pas savoir qui va se réengager la saison prochaine. » « J’ai peur que les joueurs s’habituent un peu à rester chez eux le samedi et le dimanche, s’inquiète ainsi l’entraîneur d’Amiens Montières, et que ce soit compliqué de les remettre dans le bain pour les week-ends. Même pour nous, le fait de rester à la maison, de voir les enfants grandir, on peut se poser des questions. Après, quand on est amoureux du foot comme je le suis, la question ne se pose pas vraiment, mais je me dis que ça peut en faire basculer certains. »
Une dynamique cassée, une nouvelle à réenclencher
Enfin, de façon plus globale, c’est toute la dynamique du club qui est impactée, estime Romain Collet, même s’il considère que ce problème n’est pas spécifique à son club et que « ça n’a pas cassé que la dynamique de Montières, je pense que ça a cassé la dynamique de beaucoup de clubs. » « Aujourd’hui, poursuit-il, tous ceux qui avaient un projet sportif ont pris un coup dans l’aile. » Pour autant, s’il concède que cela va obliger à « repartir quasiment de zéro pour nous », il affiche également sa volonté de ne pas « baisser les bras et continuer à avancer, essayer de revenir au niveau qui était le nôtre et aux ambitions que l’on avait. »
Dans ce contexte, cela pourrait être l’occasion de « retrouver une dynamique toute autre avec des joueurs différents » comme le souhaiterait le coach de l’équipe première. Mais, réaliste, il reconnaît également que « la problématique est aussi, pour un club comme Montières, de trouver des joueurs qui ambitionnent de jouer dans un club de quartier avec toutes les difficultés qu’on y rencontre depuis quelques années, comme la présence aux entraînements. » Ce qui ne l’empêche pas d’être en recherche de solution, expliquant chercher « un outil qui nous permette de changer cette donne et recruter des jeunes joueurs qui ont un potentiel à exploiter et qui seraient plus sérieux que ceux que l’on a actuellement au club. » « Mais, conclue-t-il, c’est assez compliqué à trouver, les réseaux sociaux ont leurs limites. »
Malgré la volonté de continuer à aller de l’avant de certains, dont Romain Collet lui-même, c’est donc un club encore dans le flou dont il brosse le portrait. Et une situation dont, malgré les spécificités d’Amiens Montières, on peut craindre qu’elle touche un nombre non négligeable de clubs de District.
Morgan Chaumier
Crédit photo Leandre Leber / Kevin Devigne Gazettesports.fr