FOOTBALL – Hicham Andasmas : « On ne va pas jauger un championnat sur cinq journées »

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Après l’arrêt des compétitions et la saison blanche décrétés par la FFF, Hicham Andasmas nous livre sa réaction, sans surprise ni amertume.

Bonjour Hicham, quelle a été ta réaction à l’arrêt des championnats et à la saison blanche ?

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Dans un premier temps, on est tout simplement loin d’être surpris. On se doute bien depuis plusieurs semaines que ça allait être de plus en plus complexe de reprendre les championnats. C’est enfin officiel, donc à la limite, ça nous retire une petite épine du pied pour qu’on puisse vraiment travailler sur la saison prochaine.

Justement, ce travail sur la saison prochaine, il va consister en quoi ?

Déjà, ce sera d’anticiper le budget de fonctionnement que l’on aura, avec le président, rencontrer le staff, valider ces choses là. Il faut faire les choses dans l’ordre. Après, ce sera voir avec les joueuses sur quoi on peut se mettre d’accord pour la saison prochaine. Et anticiper tranquillement le recrutement. J’ai déjà un ordre d’idée sur l’équipe que j’aurai l’année prochaine. C’est tout ce travail à faire en amont, il faut qu’on soit dans l’anticipation. Je le suis déjà depuis un bon moment. Au moins, là, on peut se pencher à 100% sur la prochaine saison et pas garder 50% d’énergie sur une éventuelle reprise.

Cette annonce arrive donc à temps ?

Oui, après, je n’aurais pas aimé qu’elle arrive plus tôt, cette annonce, parce que est-ce que ça aurait été aussi facile de garder les filles en mouvement sur les séances d’entraînement ? Je ne suis pas sûr. Maintenant, il nous reste 3 mois avant la reprise de la saison prochaine. Ce sont 12 semaines à attendre avant la reprise, que pourra-t-on faire ? Au moins sur les 8 semaines qui arrivent. Est-ce qu’on pourra reprendre des matchs amicaux à un moment donné pour terminer la saison de façon un peu plus normale ? Je n’en sais rien et c’est sur tout ça qu’on attend encore.

Maintenant, l’espoir, c’est vraiment de pouvoir reprendre sur des matchs amicaux ?

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Cela fait désormais de longs mois que les contacts sont prohibés pour les joueuses de l’Amiens SC

Ce serait important. Parce que je pense qu’à un moment donné, ça a un peu blasé tout le monde, cette situation. Les joueurs et joueuses amateurs, je pense qu’il y en a qui commencent à se dire que c’est plus d’inconvénients qu’autre chose. La passion passe au-dessus de cela normalement, mais aujourd’hui, quand on nous prive de terrain à ce point-là, la passion se dégrade, ça a tendance à dégoûter tout le monde. C’est pour ça qu’on a hâte de pouvoir rejouer normalement. Parce que je rappelle que l’on n’a pas le droit aux oppositions ou aux duels sur les séances. C’est broder, réinventer l’activité foot alors que ça reste un sport d’opposition. Si on supprime la logique interne de l’activité, ce n’est plus du tout la même activité et voilà pourquoi c’est compliqué pour nous, les coachs de tenir nos joueuses et nos joueurs dans le projet, de les garder motivés.

C’est une des raisons pour lesquelles plus tôt sera la reprise, mieux ce sera ?

C’est exactement ça. Au-delà du foot, dans la vie de tous les jours, quand on n’a pas un objectif, on n’a pas de feuille de route et on ne sait pas on où va. Et quand c’est le cas, on a tendance à faire tout et n’importe quoi. C’est ce qui me dérange : tant qu’on n’a pas de décision plus claire, c’est difficile pour nous en termes de feuille de route. Même si on essaye toujours de partir sur d’éventuelles possibilités. Mais on ne peut pas vivre au quotidien que sur du conditionnel, il faut qu’on ait un peu plus de choses concrètes. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. C’est vrai qu’on est impatients de reprendre les contacts, les oppositions et les matchs amicaux.

Il doit quand même y avoir une pointe de déception de ne pas avoir pu jouer la remontée ?

De base, très sincèrement, l’objectif clairement défini n’était pas de remonter, c’était de reconstruire une équipe. On savait qu’il y avait eu pas mal de départs qui n’ont pas toujours été compensés. On a eu une grosse baisse de budget au niveau de la section féminine. En R1, il faut savoir qu’on est au moins le 4ème budget, d’après les sources que j’ai. Cela veut dire qu’il y a des clubs qui se sont préparés à une montée, sur tous les plans. Nous, on fait avec ce qu’on a. Après, quand je suis sur le banc, l’objectif, c’est d’être performant tous les week-ends. Si on doit jouer la montée à fond, on la jouera à fond. Je considère que tous les week-ends, on doit aller chercher la grosse performance et à la fin, en faisant les calculs, on a la place qu’on mérite.

L’objectif clairement défini n’était pas de remonter, c’était de reconstruire une équipe.

Ça a tout de même cassé une belle dynamique qui s’était mise en place en début de saison.

Exactement, ça a beaucoup cassé cela. Mais la plus grosse dynamique que l’on avait, c’était surtout dans la vie de groupe. Et cette dynamique là, on ne l’a jamais perdue. Donc ça, c’est une grande victoire. Après, effectivement, on avait super bien démarré le championnat, malgré une victoire difficile lors de la première journée à Saint-Omer. Mais c’est un groupe qui est monté en puissance tout doucement, qui a su assimiler mes principes de jeu, les valeurs que je voulais dégager sur cette équipe. C’est décevant pour elles, pour le staff, pour tout le travail qui a été fait. Maintenant, on ne va pas jauger un championnat sur cinq journées, ce n’est pas jouable comme ça. Qui nous dit qu’à la fin on aurait été barragistes ou 4-5èmes. Il faut rester mesuré par rapport à tout cela.

La décision est donc moins frustrante et plus logique que celle de la saison dernière qui vous fait descendre ?

Bien sûr. Après, entre ne pas monter parce qu’on a arrêté le championnat à 5 matchs et descendre de la division supérieure parce qu’on a joué environ 60% du championnat, pour moi, il y a deux poids, deux mesures. La finalité, c’est que dans les deux cas, on se fait avoir, on a été perdants deux fois d’affilée. Mais ça doit nous faire avancer, nous faire grandir, je n’aime pas trop m’apitoyer sur mon sort, c’est ce que je demande aussi à mes joueuses. Si on doit mériter quelque chose, on l’aura. On essaie de se donner les moyens de donner une belle image de l’Amiens SC, c’est ça qui est important.

Du point de vue de l’effectif, du groupe, tu as bon espoir de garder une base solide de ce que tu avais commencé à construire cette saison ?

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Jennifer Meunier, au club depuis 3 ans et capitaine de l’Amiens SC fait partie des cadres d’Hicham Andasmas

Bien sûr. Les premiers choix seront de toute façon dictés par le club, s’il y a des joueuses à ne pas conserver, on l’assumera. Les filles se sentent bien ici. On en a encore pas mal qui font beaucoup de route pour s’entraîner, pour jouer les matchs. Ce n’est pas anodin. Toutes nos joueuses ne sont pas payées, aucune n’est rémunérée. Elles sont là pour l’amour du maillot. Donc c’est beaucoup plus facile pour garder un groupe que l’année dernière quand le club a décidé de faire des économies et de supprimer les indemnités des joueuses. Cette intersaison-là était plus difficile à gérer parce que des joueuses partaient parce qu’elles avaient besoin d’avoir une rémunération. Là, c’est totalement différent puisqu’on n’a plus du tout de rémunération. Je sais que je pourrais compter sur un noyau que j’ai déjà depuis pas mal de saisons et on va apporter à ce noyau beaucoup de joueuses qui vont pouvoir compléter les manques qu’on va avoir dans l’équipe.

Dans une optique plus large, qu’est-ce que tu penses de la situation de la D2 féminine (comme en National 2, les joueuses ont reçu l’autorisation de jouer, avant qu’elle ne soit retirée et sont désormais toujours dans l’expectative, la décision de la FFF ne les concernant pas, ndlr) ?

C’est un terrain glissant. Il y a deux points, déjà. Le premier, c’est qu’il y a des personnes qui ont tendance à calquer la D2 féminine sur la L2 masculine ce qui signifierait que ces filles devraient jouer. Mais à côté de ça, le deuxième point, c’est que, pour avoir été en D2, on était loin d’être une équipe professionnelle. On est entre amateur et semi-pro. Et il faut voir toute la logistique pour tester toutes les joueuses, pour avoir un médecin à chaque match. Il y a des clubs qui n’ont pas forcément les moyens pour tout ça. Je pense que le Ministère se dit que ça doit être compliqué pour mettre toute cette logistique en place parce qu’en termes de moyens humains et financiers, c’est compliqué. Après, on peut facilement y voir de la discrimination aussi dans le sens où c’est un niveau national, où les joueuses ont un statut, quand même.

Je suis très partagé, je ne souhaite pas forcément trancher. Et même si j’avais été en D2. J’aurais entendu le fait qu’il y ait des questions de contrats, etc. Après, il faut se dire qu’aujourd’hui, malheureusement, c’est la limite du football féminin, c’est incomparable avec le foot masculin. Le foot masculin c’est énormément de divisions alors que le foot féminin, c’est 5 divisions, à peu près. Après, c’est normal que la D2 féminine se sente lésée. Maintenant, je suis quand même content que la décision n’ait pas été prise pour la D2, ça laisse un espoir de reprise. C’est important que le championnat de D2 reprenne parce que la D1 joue, il y a des équipes qui luttent pour le maintien et pour ne pas fausser ça, il faut qu’il y ait des montées.


Morgan Chaumier

Crédits photos : Reynald Valleron / Coralie Sombret – Gazettesports