Alors que l’arrêt définitif des championnats a été décidé par la fédération ce 28 février, Joël Nayet, président du Rugby Club Amiénois, nous fait part de ses ressentis concernant cette situation plus qu’inédite.
Bonjour Monsieur Nayet, la décision de l’arrêt de la saison était-elle prévisible à vos yeux ?
Ça dépend de la période sur laquelle on se base. En décembre je pensais qu’on pouvait reprendre, c’était encore possible en prenant en compte le délai de réathlétisation des joueurs qui est d’un mois avant la reprise des matchs. En février on savait que ça allait être de plus en plus difficile. Finalement nous pensons que c’est une bonne décision qui a été prise. On voit que la situation sanitaire n’évolue pas et on ne veut pas prendre de risque que ce soit pour les licenciés mais aussi pour le staff ou les bénévoles. On doit se concentrer sur nos licenciés. Il paraissait impossible de se déplacer dans des clubs du Nord de la France ou de Normandie pour jouer au rugby. C’est l’exemple du XV de France en ce moment. La presse tombe facilement sur le duo Galthié-Laporte mais il faut être naïf pour penser qu’on peut se déplacer en Irlande ou en Angleterre sans risque d’être contaminé. La réalité c’est qu’on est en crise et que cela peut toucher n’importe qui, dans le rugby de très haut niveau comme le rugby amateur.
Quel impact cela aura pour le club et les licenciés ?
L’avenir du club dépend de ses licenciés, donc s’ils partent on est en danger. On doit assurer une bonne liaison avec tout le monde et continuer le suivi des joueurs. Les entrainements continuent, même si on est en stade 3 du protocole sanitaire. Il y a forcément un manque qui se fait ressentir, autant pour les matchs que pour les entrainements, qui se font sous conditions strictes.
Le discours du club envers les licenciés reste le même : dans l’attente d’une évolution, on doit être patient. Les conditions sanitaires doivent s’améliorer avant toute chose. On n’a pas de vision mais on doit rester solidaire entre nous pour franchir ce cap et repartir sur des bases solides.
À quoi vont ressembler les prochains mois pour le RCA ?
La ligue est embêtée autant que nous. On ne peut pas s’avancer sur des dates, et donc se projeter sur de possibles prochaines échéances. Des idées sont lancées mais tout ça reste flou. Une chose est sûre tout le monde est dans de bonnes dispositions pour reprendre le plus tôt possible. Au niveau du RCA on se penche sur des rencontres amicales en mai-juin, on ne sait pas si cela sera possible mais on veut rester acteur de la vie rugbyllistique. De toute façon le championnat ne reprendra pas, et nos équipes continuent de s’entrainer et de fonctionner avec un rugby sans contact qui reste frustrant pour eux. On veut leur donner la chance de s’exprimer de nouveau sur le terrain, encore une fois si les conditions le permettent, on doit être patient.
Dans les valeurs du rugby on peut entre autres citer le jeu, la convivialité et la fête. En ce moment on ne peut pas développer les deux dernières, donc il ne nous reste que les valeurs du sport pour s’orienter. Le maintien en condition physique est donc important pour nos joueurs, et on peut compter sur eux pour être conscient qu’à l’heure actuelle le plaisir du jeu, même diminué, passe avant celui de la convivialité.
Cela fait deux ans maintenant que je tiens la fonction de président, et deux ans sans finir la saison
C’est une situation inédite dans laquelle on se trouve, comment la vivez-vous en tant que président ?
C’est forcément une immense déception. Cela fait deux ans maintenant que je tiens la fonction de président, et deux ans sans finir la saison. On a l’impression d’avoir fait bouger les lignes avec Julien Carlier (ndlr : vice-président actuel, président du club avant la passation de pouvoir à Joël Nayet), et Martin Saleille (ndlr : coach principal des deux équipes seniors masculines, manager sportif du club). On a amélioré les structures, le niveau de jeu, on a essayé d’insuffler quelque chose de nouveau au club. Et le bilan sportif c’est que la saison dernière on arrête en avril en décrochant notre maintien sur le classement à ce moment-là, et cette saison on arrête après seulement quatre matches joués, malgré notre très bon début de saison et un groupe à notre avantage. Donc évidemment on se pose des questions, c’est beaucoup d’énergie pour des résultats auxquels on ne s’attendait pas. Les sportifs le vivent mal, et nous aussi. Mais l’objectif reste le même, ce qui m’intéresse c’est de faire monter le niveau du rugby à Amiens. On a mis les moyens jusque-là et on compte bien continuer nos efforts, dans la même ligne de conduite. On attend désormais de repartir sur une saison, se relancer et enfin pouvoir se reconcentrer sur notre rugby.
Propos recueillis par Benjamin Poupart
Crédit photo : Coralie Sombret / Léandre Leber – GazetteSports