En cette période de confinement, nous nous sommes entretenus avec Bruno Fagnoni professeur d’EPS à la cité scolaire et responsable de la section Football. L’occasion d’évoquer le label PEFA, les résultats de la structure mais aussi le prochain recrutement et la crise actuelle.
Comment la crise a impacté votre travail à la section ?
On a laissé les élèves tranquilles pendant trois semaines, laissant les professeurs des autres disciplines mettre en place leur dispositif avec un gros travail effectué, et les élèves s’adapter à celui-ci. Maintenant on a décidé de prendre le relais sachant que ça va être long et qu’il n’y aura vraisemblablement pas de reprise. Avec le staff technique on va essayer de garder le contact, la cohésion et de gérer leur entretien physique à distance tranquillement en respectant les fondamentaux, les précautions et en gardant une dynamique de groupe.
Comment allez-vous procéder aux inscriptions dans les conditions actuelles ?
On va être confrontés à quelque chose d’historique avec le recrutement pour la saison prochaine. En toute vraisemblance nous ne serons pas autorisés à faire des tests de sélection physique et footballistique. On reçoit en ce moment les dossiers dont l’on a repoussé un peu la date suite aux nombreux problèmes notamment postaux que l’on connaît en ce moment. On va alors procéder à l’étude des dossiers et profils scolaires qui restent comme d’habitude très importants. On va ensuite essayer de prendre le maximum d’informations sur les candidats au point de vue sportif. On va essayer de contacter les responsables de pôles si les élèves viennent de pôles, les cadres techniques de la ligue, les responsables de sections sportives pour ceux qui en sortent et les éducateurs de clubs s’il le faut. L’objectif est d’avoir le plus d’informations possibles sur les candidats, le tout en respectant des critères d’entrée bien définis pour être le plus juste possible. La grande partie de nos candidats sont des secondes car notre parcours de formation est sur trois ans, mais certains peuvent intégrer la section en première ou terminale. Il y a même certains candidats qui n’ont pas été pris en seconde, qui tentent leur chance l’année suivante, et qui sont sélectionnés.
Vous gardez le contact avec vos joueurs ?
Pour les élèves de la section on a commencé seulement à interagir récemment comme je l’ai évoqué avant, on a décidé de construire avec eux un entraînement personnalisé. Chacun nous propose sa séance d’entraînement et avec le staff technique on essaye de les accompagner dans leur démarche du mieux possible. L’objectif étant de s’adapter aux besoins de chacun, aux outils qu’ils ont à disposition le tout en respectant les principes fondamentaux. Mon parcours professionnel fait que je suis très sensible à ce parcours de santé d’entraînement, on va appliquer cela à nos élèves du pôle foot. On va aussi mettre à profit le temps que l’on a devant nous pour les rendre plus compétents et capables de construire des séances adaptées. Ce que l’on a moins le temps de faire habituellement. C’est quelque chose d’important qui leur servira forcément pour la suite.
Vous êtes très actif sur les réseaux sociaux pour dénoncer des méthodes d’entraînement physique non appropriées, c’est pour vous un “fléau” aujourd’hui ?
Oui, il est clair que quand tout a commencé, j’ai été assez alarmé de toutes les préparations physiques proposées à distance par de nombreuses personnes ou médias pas tous adaptés. Le préparateur physique qui propose un entraînement à des gens qu’il a l’habitude de suivre doit en prendre la responsabilité et cela doit être fait en groupe restreint car les exercices ne sont pas adaptés à tout le monde et ils doivent être maîtrisés pour ne pas être “dangereux” et être efficaces. J’ai été fortement sollicité professionnellement pour donner mon avis donc j’ai créé cette interface sur Facebook (Optimeps) pour le partager et des exercices que je trouve pertinents.
Quel bilan tirez-vous de cette année ?
Dans le bilan de l’année je voulais revenir sur le fait que la saison se finit dans des conditions difficiles mais c’est une très belle année. La première grande nouvelle est bien évidemment le label PEFA dont nous avons obtenu le feu vert technique, il manque donc juste quelques formalités administratives. Suite à la réunion du mois de décembre, deux entraîneurs fédéraux se sont déplacés pour évaluer le dispositif technique, pédagogique et évaluer la structure. La DTN a donc validé cela et avec ce PEFA nous concrétisons un objectif démarré il y a 3 ans.
Avez-vous rempli votre objectif lors du challenge Jean Leroy ?
Oui l’objectif a été rempli mais par rapport au potentiel de l’équipe on est peut-être passés à côté d’une performance plus marquante. Maintenant on finit en milieu de tableau, ce qui est une progression comparé aux dernières années. Il y a un peu de regrets car c’est une belle bande qui pouvait mieux faire et dont un grand nombre vont exploser au niveau régional ou national dans les années à venir. Nous sommes avant tout des formateurs et la compétition n’est pas l’objectif premier, le but est de leur permettre de devenir de bon joueurs amateurs voir pour certains aller un peu plus haut. Julien Lomboto en est l’exemple parfait et je pense qu’il y a eu un travail très intelligent qui a été fait autour de lui cette année entre nous, Titi Buengo et son agent dans le but de l’aider à remplir son objectif de signer dans un club professionnel.
Un grand nombre vont exploser au niveau régional ou national dans les années à venir.
Le Label PEFA est pour vous une énorme récompense de plusieurs années de travail.
J’ai repris la section il y a cinq ans et il y a trois ans j’ai partagé ce projet et ce défi à mes supérieurs hiérarchiques qui m’ont suivi et cela a parfaitement été relayé par le commission de la ligue en milieu scolaire et surtout Thierry Claisse, conseiller technique régional, ancien responsable et élève de la section, et Dany Blondel, président de la commission du foot en milieu scolaire. Au fil du temps le défi est devenu un objectif, aujourd’hui il ne reste qu’à la FFF d’entériner la décision. C’est la reconnaissance d’un fonctionnement qui n’a cessé de progresser depuis plusieurs années. Le fonctionnement hebdomadaire de la section, des quatre “pôles” avec 90 élèves dont 10 arbitres sur lesquels 4 filles, les 22 féminines en partenariat avec l’ASC, puis le futsal et le foot à 11 garçons… L’ensemble de ces élèves sont aujourd’hui répartis sur les trois lycées ce qui est une grosse satisfaction. Le niveau de nos élèves est arrivé à quelque chose de très intéressant. La FFF, au-delà d’un cahier des charges technique que l’on respecte, a été admirative du projet éducatif avec le suivi des élèves mais aussi la coordination avec les Sections de Foot Américain et de Handball, et les nombreux événements et projets citoyens partagés qui sont très importants pour nous. Le développement de la dimension éducative va de paire avec le sportif ce qui nous permet d’être demandés et d’avoir encore cette saison plus de 120 dossiers d’inscription.
Pour nos lecteurs, concrètement qu’est-ce que représente le PEFA ?
Le PEFA c’est la reconnaissance de la mise en réseau des quatre pôles que sont le futsal, le foot à 11 garçons, la section féminines à 11 et la filière arbitre sans hiérarchie particulière entre elles dans un contexte proche. Pour nous c’est même un peu inédit car on regroupe cela dans un même ensemble scolaire et la Ligue des Hauts-de-France va donc avoir deux certifications PEFA avec Lens depuis plusieurs années, et maintenant nous. C’est une satisfaction qui se partage avec l’ensemble des acteurs qui ont contribué. Des PEFA il n’y en a que trois actuellement en France avec Lens, Strasbourg et Valence auxquels deux vont s’ajouter avec Amiens et Toulouse. C’est donc quelque chose d’encore très rare en France et une énorme satisfaction. Cela exige un gros dispositif avec des moyens de l’éducation nationale, sportive, de partenaires et de la ligue. Sans l’appui de la Ligue et de notre club partenaire qui est l’ASC pour les féminines nous n’aurions pas pu atteindre ce label, il faut le souligner.
En sachant que la pratique n’est pas encore assez acceptée par les clubs et sous-développée en termes de clubs dans la région.
Avec la crise et l’arrêt du championnat U16 suite à des incidents, certains de vos joueurs ont très peu joué cette saison, c’est un problème selon vous ?
Cet arrêt, mais aussi les reports dus aux conditions climatiques, ont forcément été un problème qui explique aussi en partie notre déception sur le Jean Leroy. On s’est retrouvés avec des joueurs en cours de formation et en manque cruel de rythme et de compétitions. C’est aussi bien évidemment frustrant pour eux de ne pas jouer, mais cela nous a permis de les avoir encore plus concentrés sur la section. Ensuite il faut aussi rappeler que les grosses équipes du Jean Leroy sont des équipes où les joueurs jouent presque tous ensemble en club comme Boulogne ou Aulnoy qui sont des équipes de clubs très solides et qui jouent souvent au niveau national. Nous on a des joueurs issus d’une vingtaine de clubs, notre parcours est donc encourageant, mais c’est aussi le signe que l’on a bien progressé dans une belle compétition qui dure maintenant sur plusieurs mois et qui est motivante pour les garçons avec un niveau très intéressant. Elle est d’ailleurs prioritaire sur les compétitions club, ce qui montre son importance, mais ce n’est pas encore bien assimilé par l’ensemble des clubs.
Quels sont les objectifs pour l’année prochaine ?
Il y a le fonctionnement de la section, le respect des groupes d’entraînement, le staff, le développement avec la préparation physique, le dispositif éducatif, les relations avec les clubs mais aussi le rayonnement, faire briller la section. Cela passe notamment par le Challenge Jean Leroy, les résultats sportifs mais aussi des événements citoyens et des réussites individuelles. Le premier exemple est la double qualification historique de nos deux équipes futsal pour les championnats de France excellence. Nos filles avaient déjà fait deux finales mais jamais les garçons, cela valide la progression et la place que l’on accorde au futsal pour l’ensemble de nos joueurs. En sachant que la pratique n’est pas encore assez acceptée par les clubs et sous-développée en termes de clubs dans la région. Par exemple, notre section garçons de cette année est composée exclusivement de garçons qui jouent au foot à 11 le week-end en club. On espère à terme avoir des clubs support en U17 et qu’un club senior puisse profiter de notre structure. L’objectif est de garder cette dynamique et cette progression footballistique. On veut poursuivre dans notre triple projet qui est de s’occuper de l’élève, du footballeur mais aussi du développement de l’adolescent. On travaille en harmonie avec l’ensemble du staff qui est composé de douze personnes pour remplir cet objectif, cela souligne aussi le professionnalisme de la structure. La différence entre le nombre de sections football avec le Nord est énorme et c’est une motivation supplémentaire pour se développer et donner la chance aux joueurs de la région de suivre ce cursus.
Quels sont les prochains défis et gros objectifs de la section dans les années à venir ?
Je suis très optimiste, content du Jean Leroy, de la promotion de Julien, de nos résultats en futsal, sportivement dans l’ensemble c’est une bonne année. Je pense que l’on rentre progressivement dans le top 16 national, l’objectif va être de continuer à faire partie de ce top 16 en se qualifiant très régulièrement pour des championnats de France, sortir à terme de la phase de poule du Jean Leroy et le prochain gros challenge est que l’une de nos équipes ait le bonheur d’être championne de France d’ici 5 ans. En sachant aussi que plusieurs de nos arbitres sont en lice régulièrement pour le label JAF (Jeunes Arbitre de la Fédération), que ce soit à la fin de leur cursus ou une année après la fin de celui-ci. C’est quand même le Top 40 des jeunes arbitres en France, donc avoir des élèves régulièrement détenteurs de ce label est une satisfaction. L’autre satisfaction c’est que Rudy Buquet, conseiller technique régional en arbitrage, et Guillaume Debart sont nos deux parrains prestigieux et sont deux partenaires importants du dispositif.
Il y a des secteurs que vous aimeriez développer au sein de la section ?
On compte aussi un bon nombre de gardiens avec 8 qui bénéficient du travail de Francis Thorrignac qui est aujourd’hui le meilleur formateur du secteur amiénois dans son domaine. On veut accentuer ce travail spécialisé pour former le plus possible de bons gardiens et leur offrir un travail spécifique nécessaire à leur évolution. La perspective du centre technique de ligue va être un plus pour nos événements dans les mois à venir. Le football féminin est aussi très important pour nous. Certaines de nos joueuses ou anciennes joueuses commencent à faire partie du groupe des féminines de l’ASC en D2 et c’est aussi une réelle satisfaction. Comme je l’ai mentionné précédemment, nous aimerions développer aussi un peu plus le Fustal et en démocratiser sa pratique.
Cela illustre bien le fait qu’il n’y a pas de concurrence entre la section et les clubs, et qu’au contraire le travail doit être complémentaire.
Quel est votre sentiment sur le départ de Julien Lomboto à Strasbourg ? Je suppose que c’est un objectif que vos joueurs intègrent des Centres de Formations Professionnels ?
Oui, c’est notre objectif de permettre à nos joueurs d’atteindre ce niveau. Julien a fait trois ans avec nous et après que l’ASC ne l’ai pas conservé en fin de U16, il a su rebondir parfaitement et accepter le challenge de continuer avec nous tout en rejoignant Camon en U17 nationaux. Il est devenu notre capitaine sur le Jean Leroy, tout en étant un très bon élève. On a su le mettre dans les meilleures conditions pour briller sur le Jean Leroy, avoir la chance de jouer et s’imposer en Seniors à Camon. On a su s’arranger en coordonnant sa semaine d’entraînement entre la section et Camon de manière complémentaire. Julien faisait le mardi et jeudi section et le mercredi et vendredi Camon, on a donc su gérer cela même si parfois il a fallu l’alléger car les séances étaient parfois tard le soir, la charge de travail importante et qu’il a aussi fait plusieurs essais dans des clubs professionnels cette année. On a réussi à coordonner correctement cela sans blessure, sans baisse de régime scolaire, et ça se conclut par cette belle récompense qui est sa signature à Strasbourg. Cela illustre bien le fait qu’il n’y a pas de concurrence entre la section et les clubs, et qu’au contraire le travail doit être complémentaire. Si on y est arrivés pour lui, on peut le faire pour d’autres joueurs.
Certains clubs ont du mal à le comprendre ? Le PFFA va forcément changer les choses, non ?
Il y a encore certains clubs qui ont du mal à accepter cela et ça entraîne des soucis pour nos joueurs. Le PEFA l’année prochaine oblige à ce que l’ensemble des élèves ait fini les cours mais aussi les activités physiques, entraînements compris, à 19h. Nos horaires seront donc adaptés, mais les clubs devront aussi s’adapter s’ils veulent que leurs joueurs présents à la section s’entraînent avec eux dans la semaine. Car si nos joueurs internes sont avec nous toute la semaine comme nos féminines qui représentent l’équipe U18 de l’ASC et qui s’entraînent toute la semaine avec nous, certains non-internes étaient autorisés à s’entraîner avec leur club notamment le mercredi soir. Cela pose certains problèmes de fatigue mais aussi de manque de temps pour la partie scolaire. L’année prochaine cela sera terminé car avec le PEFA aucun joueur ne pourra s’entraîner au-delà de 19h. La section doit être un plus pour l’enfant comme pour le club, nous allons fonctionner comme un pôle, c’est-à-dire que les élèves s’entraînent la semaine avec nous et iront jouer le week-end en club, sauf si un de leurs entraînements respecte les horaires imposés par le PEFA.
Le PEFA n’est pas un aboutissement mais juste une étape, on veut continuer à progresser.
Il y a une concurrence aujourd’hui avec les sections du Nord et Nord-Pas-De-Calais ?
Le nouveau CTD (Conseiller Technique Départemental), Emmanuel Boissier fonctionne avec nous depuis maintenant un an. Il a pris énormément de contact et on va travailler étroitement sur plusieurs projets en commun et le développement de la section. Notamment pour aider les clubs de la Somme à profiter encore plus de la structure. Dans un premier temps il y a 3-4 ans l’idée était de se rapprocher de ce que faisaient les Nordistes avec plus de clubs amateurs au niveau régional, plus de structures et de liaisons entre le scolaire et le fédéral. Aujourd’hui, il n’y a pas de concurrence mais une énorme complémentarité, nous sommes de réels partenaires et on échange très souvent entre nous. À l’image du Séminaire du foot en milieu scolaire qui a eu lieu à la cité scolaire, des événements sont souvent mis en place. La Ligue des Haut de France est aujourd’hui unie et peut se féliciter d’être la première ligue avec deux labels PEFA sur son territoire et tout le monde doit en profiter. J’espère vraiment que certains clubs vont prendre conscience de cela et jouer plus le jeu dans l’intérêt des joueurs. Il faut que l’on puisse travailler en étroite collaboration avec les clubs dans la mise en place du travail la semaine car l’objectif c’est que nos joueurs soient performants le week-end en club.
La perspective des Jeux Olympique de Paris 2024 fait partie de vos objectifs ?
L’année prochaine on sera labellisés génération Paris 2024 et l’on a créé des classes sportives Olympiques et Paralympiques en collaboration avec le pôle Foot US et Handball. C’est aussi une fierté et une satisfaction de plus pour nous et l’ensemble de la section. On forme aussi des futurs éducateurs, arbitres, professeurs d’EPS, entraîneurs ; on a une vision sur le long terme et un accompagnement du projet éducative en plus de sportive. Le PEFA n’est pas un aboutissement mais juste une étape, on veut continuer à progresser.
Je voudrais citer et remercier Madame Winckels, inspectrice EPS et responsable du suivi des dossiers, qui est une partenaire importante et les chefs d’établissements que sont Madame Torres et Monsieur Lhermitte. Ce sont des personnes qui était présentes le 17 décembre pour acter de notre fonctionnement. Mais aussi Pierre Marie Lepretre maître de conférence et membre de la filière staps qui me permet d’avoir de très bons stagiaires staps à l’image de Basile Debeugny.
Il faut aussi souligner que l’on a la chance de profiter de la structure de Moulonguet en collaboration avec le club du RCA qui en est résident et qui joue très bien le jeu pour pouvoir travailler intelligemment ensemble. Notre objectif est aussi de pouvoir aider les clubs Picards à aller concurrencer un peu plus les clubs Nordistes.
Aurélien Finet
Crédit Photo : Section Sportive Cité Scolaire