Dernier rempart de l’Amiens SC, la demoiselle se dévoile. Brosse un premier bilan sur sa jeune carrière et sur la saison 2019-2020. Tout en retenue, sobriété.
N.B.: cet entretien a été réalisé avant l’annonce de la fédération française de football du 16 avril.
Gazettesports : Votre parcours footballistique pourrait apparaître inhabituel…
Camille Martin : « Il est possible, légitime même, d’oser le définir ainsi. J’ai chaussé mes premiers crampons à Blangy-sur-Bresle (Somme), chaleureuse association située à deux pas de la maison familiale, dès l’âge de 10 ans. Auparavant j’avais déjà joué avec mon grand frère et mes cousins dans un coin de notre jardin. Une attention toute particulière pour le football que je prolongeais à l’AS Gamaches (Somme) avant d’évoluer, en 2009, parmi les féminines du SC Abbeville (Somme), au moment même où j’intégrais le Pôle Espoir de Liévin (Nord). Dans la foulée et sur les conseils du regretté Jacques Hénot, je veillais à « grossir » les rangs de Hénin-Beaumont (Nord) ; je découvrais alors le championnat U19 national dans un registre de milieu défensif. Une belle expérience avant que je ne prenne la direction de Templemars (Nord). »
Dans la foulée et sur les conseils du regretté Jacques Hénot, je veillais à « grossir » les rangs de Hénin-Beaumont (Nord) ; je découvrais alors le championnat U19 national dans un registre de milieu défensif.
Gazettesports : Nouvel horizon qui précédait cependant le souhait de lever sensiblement le pied.
Camille Martin : « De faire un break plutôt (rire). Déterminée à privilégier mes études, je veillais cependant à maintenir la forme, au sein d’un petit groupe et d’une atmosphère plutôt loisir. Et malgré cette discrétion, je suis toutefois parvenue à taper dans l’œil d’Hacène Kichou (rire), lequel m’encourageait à renouer avec l’esprit de compétition, dès 2015, sous le maillot de l’Amiens Porto (Somme) et dans un rôle à vocation offensive. Dans la foulée, je répondais alors favorablement aux sollicitations de l’AS Beauvais-Oise. Une nouvelle aventure qui connaîtra malheureusement un terrible coup d’arrêt. Une grave blessure qui m’obligera à figurer sur la touche de longs mois… »
Gazettesports : Une inactivité qui n’a cependant réussie à altérer votre passion pour le ballon rond.
Camille Martin : « Exactement, je m’impatientais de pouvoir en découdre ! Toutefois, c’est dans les buts que j’ai finalement signé mon retour (rire), une opportunité s’est présentée et j’ai pris soin de la saisir. Après mes « classes » à l’ASBO, dans ce rôle inédit et sous le regard de ces dirigeants qui m’ont toujours conservé leur confiance, je semblais visiblement correspondre au profil recherché par Jacques Hénot et Hicham Andasmas à l’Amiens SC. D’où mon arrivée à l’orée de la saison 2017/18… »
Gazettesports : Trois saisons et une accession en Division 2 sous le maillot de l’ASC !
Camille Martin : « En effet, au lendemain d’une désillusion en barrages en 2018, nous sommes parvenues à nous hisser dans l’antichambre de l’Elite. Après une campagne « Régionale 1 » où nous avions, dans l’ensemble, connu très peu de frayeurs. Cependant, nous n’avons réussi à surfer sur cette dynamique, réalisant une mauvaise première partie de saison en Division 2. En réalité, nous ne nous connaissions pas vraiment. Paradoxalement. Certes, la plupart d’entre nous étions à l’étage inférieur lors du précédent exercice, au sein d’un groupe où certaines dévoilaient une réelle maîtrise tandis que d’autres affichaient moins d’aisance.
Après une campagne « Régionale 1 » où nous avions, dans l’ensemble, connu très peu de frayeurs. Cependant, nous n’avons réussi à surfer sur cette dynamique, réalisant une mauvaise première partie de saison en Division 2.
Nous aurions dû mieux nous serrer les coudes. Aujourd’hui, je reste convaincue que l’effectif s’est nivelé, que les joueuses sensiblement en deçà se révèlent plus « fortes » à ce niveau grâce à leur mental. D’autres ont peut-être éprouvé quelques difficultés à franchir ce cap… Toujours est-il que nous sommes solidaires. Nos revers nous ont forgé du caractère, un aspect qui ne pourra d’ailleurs nous être enlevé. Cependant, à mon sens, le manque de maturité nous a été particulièrement préjudiciable… »
Gazettesports : Une entrée en matière sur la pointe des pieds que l’ASC semble (devoir) traîner tel un boulet ?
Camille Martin : « En quelque sorte oui. Je reste persuadée que nous aurions pu espérer mieux opposées à Grenoble (1-2) en « ouverture », l’OGC Nice (1-1), l’AS Saint-Etienne lors de la manche « aller » notamment (1-2), ou bien encore Vendenheim (2-0). Mais par manque d’expérience nous avons malheureusement trébuché. Ce groupe a néanmoins le mérite de n’avoir jamais baissé les bras. Nous avons redoublé de détermination, s’entraînant dur afin de se sortir de la zone de relégation. Cependant, le championnat a été mis en sommeil d’ailleurs, pour des raisons que je considère bien plus importantes que son attractivité sportive. »
Gazettesports : Vous paraissez également vouloir également assumer une part de responsabilité ?
Camille Martin : « Je n’ai pas le tempérament à les fuir surtout ! Je le reconnais, j’admets avoir manqué de régularité. Le rôle de « gardien de but » est particulier puisqu’il apporte parfois, souvent même, ce petit plus à l’équipe. Par cet arrêt qui se révèle déterminant notamment. Pour cela, je me dois d’être irréprochable, et par conséquent de « bosser » encore plus dur la semaine. Il est parfois difficile de surmonter psychologiquement certaines défaillances. Je me suis souvent interrogée sur mes capacités, suscitant de multiples remises en question. Des doutes qui ont souvent été dissipés par mon entourage entre autre. Il n’a de cesse de me motiver. Je bénéficie aussi de la confiance de mes coéquipières et ce désir à ne surtout pas les décevoir me galvanise. J’en profite pour adresser un petit clin d’œil en direction de Léa (Tellier Bouzni), Mallory (Vlieghe), Tiffany (Vassant), Sofia (Bennia) sans oublier Jennifer (Meunier) avec qui j’entretiens une belle complicité »
Je me suis souvent interrogé sur mes capacités, suscitant de multiples remises en question.
Gazettesports : Néanmoins, s’il venait à établir un premier bilan, votre prestation semble avoir été à la hauteur…
Camille Martin : « Libre à vous de l’affirmer (rire). D’un regard plus pragmatique, je pense avoir « jonglé » entre satisfactions et prestations en demi-teinte. Je pourrais, éventuellement, définir une rencontre dite « de référence » si besoin était mais je n’ai jamais accompli, à mon sens, le match parfait ! Il l’est lorsque vous apparaissez invincible. J’en conviens, je suis dure avec moi-même, exigeante surtout, mais c’est la rançon d’une progression. »
Gazettesports : L’incertitude ne demeure plus quant à l’avenir de l’Amiens SC en Division 2.
Camille Martin : « Personnellement, je ne me faisais guère d’illusion… En décrétant la fin de ce championnat, les instances n’ont pas encore réellement scellé notre sort cependant. Avant-dernières au classement, à la date dite de référence, nous pourrions retrouver la Régionale 1, un niveau que nous venions à peine de quitter. Mais rien n’est encore acté… Cependant, cette hypothèse pourrait être frustrante car je suis persuadé que nous avions la possibilité de réaliser une bonne deuxième partie…
Sincèrement, je ne sais plus vraiment sur quel pied danser : à mon sens, nous avons le potentiel pour éviter semblable désillusion. Maintenant, il serait mal venu de s’apitoyer sur notre sort. Si d’aventure, il conviendra de tirer les enseignements et d’afficher rapidement ces ambitions. De retrouver par conséquent la Division 2 et ainsi démontrer que nous pouvons y tenir notre rang… »
Gazettesports : Le football apparaît en marge de votre activité professionnelle.
Camille Martin : « Effectivement, je suis ingénieur « performances industrielles ». Et malgré cette pandémie et cette période au parfum de chômage partiel, l’entreprise pour laquelle je travaille a élaboré des procédures et le télétravail en fait partie. Je suis donc amenée à œuvrer une semaine sur mon lieu de travail où les mesures d’hygiène et de protection sont respectées. La suivante, je suis à mon domicile, devant mon écran. Je m’efforce à réaliser les exercices de fitness et de musculation préconisés par le préparateur physique de l’ASC. J’admets que cela est plus facile lorsque je suis en télétravail, la possibilité d’aller courir se révélant plus simple. Sinon, j’apporte une attention à mon sommeil, à ce que je mange, histoire de ne surtout pas prendre de poids (rire). »
Je pourrais, éventuellement, définir une rencontre dite « de référence » si besoin était mais je n’ai jamais accompli, à mon sens, le match parfait ! Il l’est lorsque vous apparaissez invincible.
Gazettesports : Ce confinement n’est pas trop difficile ?
Camille Martin : « L’absence de mes proches est une situation délicate, voire éprouvante ! Mais je ne suis pas la seule à regretter cela. Le ballon et mes coéquipières me manquent également. Nous avions l’habitude de nous retrouver tous les jours et cela fait plus d’un mois que ce n’est plus envisageable. Imaginez ! Toutefois, nous veillons à préserver le lien avec un aspect virtuel. Cela nous permets de partager craintes et joies, ces dernières lorsque nous en avons (rire). »
Gazettesports : Cet « entracte » forcé vous fait réfléchir sur de prochaines échéances ?
Camille Martin : « Pour l’heure, la saison n’est officiellement pas terminée et par conséquent je demeure toujours au sein de l’effectif de l’ASC. Si c’est de cela dont vous souhaitiez parler… Ma principale préoccupation est de savoir mes proches en bonne santé. C’est cela le plus important ! Une fois sortie de cette crise sanitaire, il sera grand temps de statuer sur mon avenir. Une chose cependant, à cet instant mon cœur est bel et bien amiénois.
Un dernier mot : J’adresse mes pensées à toutes et tous, ces personnes infectées ou non par ce satané virus. Je souhaite le meilleur à tout le monde. Prenez soin de vous, respectez aussi les règles de confinement et de santé. »
Fabrice Biniek
Crédit photos : Gazettesports (Archives)