On s’était tellement habitué à voir son nom dans les médias. Cela faisait dix ans que Jérémy Stravius accumulait les exploits dans tous les bassins du monde.
Quand il avait décidé de quitter Amiens et notre région voici 18 mois, pour amorcer la dernière phase de sa carrière, nous avions été bien malheureux.
Mais comment pouvait-on se passer du concours d’un tel champion ?
Un champion qui faisait honneur à sa ville, à son département, à sa région. Mais à l’époque et ce n’est pas tellement loin, personne n’avait vraiment cherché à retenir celui qui avait été champion d’Europe, champion du monde, champion olympique.
Et Jérémy était allé à Nice rejoindre un autre entraîneur mais il était dit qu’en définitive, le nageur amiénois ne pouvait briller que dans le club de la capitale picarde et que sur la Côte d’Azur, en dépit des conditions de travail, du temps et une météo plus favorable, Jérémy n’a jamais pu retrouver ses sensations.
Il est vrai aussi que Jérémy avait dépassé la trentaine et voir un nageur de haut niveau se produire encore à cet âge, relevait quasiment du miracle. Dans ce sport impitoyable, il arrive forcément un moment où le corps et également le mental ne peuvent plus suivre. C’est ce qui est arrivé à Jérémy qui a compris qu’il ne pourrait pas gagner son billet pour les Jeux Olympiques de Tokyo.
Alors, le plus discrètement, il a annoncé qu’il mettait un terme à sa carrière et que, du jour au lendemain, il n’irait plus chaque matin dans la piscine afin d’accumuler les distances et les séances d’entraînement. Ce qu’a fait Jérémy Stravius relève d’une très grande honnêteté vis à vis de ceux qui à Nice et à la Fédération française avaient confiance en lui pour Tokyo.
Mais à l’instar du boxeur (un sport qu’il aime beaucoup), qui met un terme à sa carrière après un combat très difficile, Jérémy a dit STOP. Et pour reprendre une vieille expression, c’est une petite mort pour le nageur Stravius qui va devoir, maintenant, se plonger dans la vie active et qui n’est pas la plus facile.
Nouvelle épreuve : l’après carrière
Il va découvrir ce que devient le sportif, le champion lorsqu’il arrête. Du jour au lendemain, il n’est plus rien ou presque. Deux exemples illustrent notre propos. Philippe Ermenault aura participé à trois Jeux Olympiques (1992- 1996- 2000) et lui aussi a arrêté sa carrière après une période difficile c’est à dire les Jeux de Sydney. L’après carrière n’a pas été un long fleuve tranquille pour Philippe Ermenault.
Autre exemple, celui de l’haltérophile Daniel Senet qui a annoncé sa retraite au lendemain même de son titre mondial acquis en 1981 à Lille, dans la catégorie des 67, 5kg à l’arraché. Non seulement Daniel avait décidé d’arrêter brutalement sur un exploit mais surtout et cela avait été considéré comme un crime de lèse majesté, il avait volontairement oublié de prévenir son président. Ce dernier ne lui a jamais pardonné.
Nous ignorons totalement quel sera l’avenir de Jérémy Stravius. Amiens, la ville dans laquelle il a beaucoup apporté saura-t-elle lui tendre la main?
Le Conseil Général de la Somme va-t-il aussi l’aider maintenant que Jérémy est redevenu un sportif… normal et n’ayant plus rien à voir avec le haut niveau ? Quoiqu’il en soit, les vrais sportifs, ceux qui applaudissent les exploits des champions mais ne crachent pas sur eux dès que cela va moins bien, n’oublieront pas ce champion.
Jérémy Stravius à bien des égards, offre même une réelle similitude avec ses devanciers Ermenault et Senet. Le premier eut la chance d’avoir un magasin de cycles dans son village et Daniel Senet a eu le bonheur de rencontrer celui qui fut son meilleur entraîneur, un certain Rolf Maïer.
Pour Jérémy Stravius, imaginons qu’il n’y ait pas eu de piscine à Escarbotin, sa carrière aurait-elle existé ?
Lionel Herbet
Crédit photo Leandre Leber Gazettesports.fr