Ce samedi matin, 40 joueurs du Pôle France de Football US avaient rendez-vous avec cinq cégeps canadiens et un recruteur pour les USA.
Dès 8h, les joueurs étaient conviés au Stade du Grand Marais pour débuter leurs échauffements. Les premiers exercices de tests étaient focalisés sur les capacités physiques et athlétiques de chaque joueur : course, développé couché, et travail des appuis étaient au programme pendant près d’une heure.
À l’occasion d’une brève pause photo pour les sportifs, nous sommes allés à la rencontre de Tony Niel, ancien joueur chez les Spartiates maintenant « scout » pour le cégep des Gaillards de Jonquière.
Pour commencer, pouvez-vous nous parler de votre parcours personnel dans le foot US ?
J’ai commencé avec l’Élite des Spartiates en 2005 et j’ai arrêté de jouer en 2012. Je ne suis jamais passé par cette journée de tests étant jeune parce que j’ai découvert le foot très tardivement, je suis passé directement à la case « Spartiates » sans avoir jamais fréquenté le Pôle.
Que représente cette journée pour vous ?
Aujourd’hui je ne viens pas comme ancien joueur sportif, mais comme scout, donc recruteur pour un cégep, en l’occurrence celui de Jonquière. Je suis là pour détecter des jeunes prometteurs qui seraient susceptibles d’aller embrasser une carrière scolaire et sportive au Québec.
Comment se joue votre rôle de scout avec le cégep au Québec ?
On a un lien étroit avec le cégep pour lequel je travaille. Moi je suis intervenant football accessoirement donc je sillonne une bonne partie de la France : à travers les camps et mes déplacements je suis susceptible de rencontrer plusieurs clubs et donc de voir beaucoup de jeunes. Ce scan du paysage football me permet éventuellement de rencontrer des jeunes qui pourraient être sensibilisés au parcours québécois et donc d’être présentés au cégep.
Dans quel sens se font les rencontres ? Est-ce vous qui allez vers les jeunes où les jeunes qui font la démarche ?
Les deux fonctionnent ! Parfois ce sont les jeunes qui sont demandeurs et à qui j’apporte un niveau d’informations tout comme ça peut être des jeunes qui me semblent intéressants en termes de potentiel à qui j’apporte les informations et puis ensuite ça se fait ou non.
Par qui sont définis les critères de sélection ?
Ce sont des critères croisés, c’est-à-dire qu’il y a mes critères basés sur mon expérience personnelle, mais croisés avec la politique sportive des cégeps puisqu’eux ont besoin d’un certain nombre de joueurs. Après effectivement ce sont des jeunes qui présentent un potentiel sportif sachant que derrière la condition sine qua non c’est la réussite scolaire : même si le jeune a un gros potentiel sportif, il faut une base scolaire très solide. Quand il part, le jeune est condamné à réussir, il y a vraiment tout de suite cette épée de Damoclès sportive qui vient se positionner sur le projet.
Avez-vous un nombre limité en termes de recrutement ?
À ma connaissance non, il n’y a pas de limite, après ce n’est pas non plus pléthore. À titre d’information, on peut dire que l’année dernière fut faste en termes de recrutement pour le cégep pour lequel je travaille : on était sur une dizaine de jeunes Français, ce qui est déjà beaucoup en soi. Mais personnellement je ne pense pas qu’il faille dépasser ce quota à l’avenir parce que ça finira par perturber l’équilibre du lien.
Votre recrutement se fait-il uniquement en France ou allez-vous voir dans d’autres pays ?
Il y a une politique migratoire très favorable mise en place par le gouvernement canadien à l’égard de tous les francophones et surtout à l’égard des Français parce qu’il y a des accords inter-gouvernementaux entre la France et le Canada. Donc pour un jeune espagnol par exemple qui serait francophone, c’est tout à fait possible pour lui d’intégrer un cégep, mais ça sera plus coûteux. De son côté un Français bénéficie de cet accord inter-gouvernemental, de façon indirecte ils bénéficient d’une aide et donc c’est beaucoup plus avantageux pour les jeunes Français.
Vous parliez de liens tout à l’heure, en avez-vous avec les autres cégeps ?
Moi-même non, je n’ai pas de contacts avec d’autres cégeps, je ne travaille que pour celui de Jonquière. Sinon entre cégeps c’est selon les accointances qu’ils ont. Il y a trois niveaux de championnat au Québec et donc en fonction de ça ils se connaissent parfois très bien ! Par exemple, les Cougars de Chicoutimi connaissent très bien les Gaillards de Jonquière. Quelques fois il y a des liens inter-cégeps pour des raisons scolaires, donc ça dépend de plein de choses mais d’une manière générale il y a plutôt une bonne entente.
Il n’y a donc pas de concurrence directe entre les différents cégeps ?
En France peut-être que certains se « piquent les recrutements », mais une fois arrivés au Québec, il y a des rivalités sportives bien entendu, mais globalement plutôt une bonne entente.
Que deviennent les jeunes qui partent avec vous sur le long terme ?
Ça fait aussi partie de mon travail de scout, il faut considérer que les jeunes Français qui partent au cégep représentent un investissement personnel et financier pour le gouvernement canadien. C’est-à-dire que le gouvernement canadien ne peut pas se permettre de faire venir énormément de jeunes Français qui ratent leur scolarité et qui viennent juste pour le foot, l’amusement et les vacances, ce n’est pas possible. Mon travail et celui des autres recruteurs présents sur cette journée, c’est de trouver des jeunes dont la scolarité sera effective. L’échec n’est plus envisageable parce qu’au bout d’un moment le gouvernement tape sur les doigts des cégeps : il faut de la réussite, c’est une condition impérative. Les jeunes Français qui viennent au Québec sont tenus de réussir leur scolarité, de décrocher un diplôme, après libre à eux de revenir en France, la plupart a des VAE en France d’ailleurs puisque c’est aussi l’intérêt de ces accords. D’autres décident de rester là-bas parce qu’il y a plus d’ouvertures professionnellement, pour un nouveau mode de vie.
Il est donc primordial pour les jeunes d’avoir un solide projet professionnel ?
C’est un énorme plus, ça c’est certain ! Si le jeune a une idée précise de ce qu’il veut faire, si la famille le soutient, s’il y a des moyens derrière, si son club d’origine le soutient, en bref s’il y a cette triptyque « club-famille-joueur » et qu’il a un projet solide, qu’il s’est donné les moyens, qu’il sait exactement quel programme pré-universitaire il va choisir et s’il sait dans quelles universités il peut trouver des accointances. En général tout fonctionne très bien pour ces jeunes-là.
La famille joue donc un rôle essentiel dans cette démarche ?
La famille est fondamentale dans le projet ! C’est extrêmement difficile voire quasi impossible si la famille ne soutient pas pour plusieurs raisons parce qu’il y a quand même un aspect financier, même si ce n’est pas si onéreux, et puis il ne faut pas oublier que quand le jeune va au Québec, au bout d’un moment il est seul alors même s’il est très bien intégré, le mal du pays finit par se faire ressentir. Il faut vraiment que la famille soit à 100% derrière, on a besoin du soutien familial, peut-être que certains ont déjà réussi seul mais c’est très dur. Et si le club soutient également, c’est encore mieux.
Océane KRONEK
Crédits photos : Kevin Devigne – Gazettesports.fr