Ce lundi se tenaient les qualifications à la Coupe de France de billard, divisés par régions. La finale se jouera au mois de mai aux Herbiers, du côté de Nantes. Pour l’occasion, nous sommes allés à la rencontre de Richard Dussort, président de l’Amiens Picardie Billard, pour découvrir ce club.
Quelles sont les différentes disciplines que vous proposez au sein de l’APB ?
Chez nous on pratique aussi le billard français (aussi appelé carambole) et le billard américain. On a des joueurs de Dunkerque qui vont nous rejoindre cette année parce que c’est une discipline qui est à développer dans les Hauts-de-France : on est le seul club représentant du billard américain depuis l’année dernière et on essaye de démarcher les autres clubs de la région.
Un joueur se dirige vers l’une ou l’autre des disciplines plutôt au feeling. Les bases du billard sont exactement les mêmes, que ce soit du snooker comme à la télé ou du blackball, ce qui change c’est la dimension des tables : celle du blackball est la plus petite (110×210), vient le billard américain (130×280), le billard français va de 280cm à 310cm et finalement le snooker (180×360). La licence fédérale donne une licence « préférentielle », mais un joueur peut participer aux compétitions des différents types de jeu.
En termes de licenciés, quelle part de mixité avez-vous ?
On a des joueurs de 7 à presque 80 ans. Il suffit d’avoir une bonne vue, une bonne visée, de la patience, énormément de patience. Quand on commence un premier match à 8h mais qu’on enchaine le second vers 14h, c’est difficile de garder le même niveau de jeu ; les matchs peuvent être très longs, il y a un stress qui s’installe forcément suivant le niveau de l’adversaire et du jeu, il y a une grosse adaptation à faire mais on a quand même tous les âges.
Les femmes sont toujours minoritaires parce que ce n’est pas tellement leur truc. Même si on insiste pour faire venir des féminines, c’est quand même assez compliqué. C’est surtout au ressenti. On a, je crois, presque une dizaine de féminines cette saison, à côté des autres années c’est bien : leur nombre a quasiment doublé depuis l’année dernière. C’est comme pour les enfants, ça prend tout doucement, il faut savoir prendre le temps.
La filière jeune est donc elle aussi en développement dans le monde du billard ?
Faute de salle pour certains clubs, comme Hazebrouk qui pourrait doubler ses effectifs jeunes, la jeunesse reste encore très moindre pour la plupart des clubs. On ne peut pas dire aux parents « venez dans le bar en attendant », ça va pour les adultes mais certainement pas pour les enfants. Il faut vraiment un lieu adapté pour les faire jouer au calme, pour qu’ils s’amusent.
On a quand même beaucoup plus de jeunes que l’année dernière, à l’image des féminines. Chez les Benjamins on arrive à leur faire faire un beau tournoi.
Chez les jeunes généralement les parents sont eux-mêmes joueurs de billard, c’est très rare d’avoir des enfants qui viennent d’eux-mêmes. Ou dans ce cas ce sont vraiment des passionnés que les parents suivent et accompagnent parce que l’enfant est doué.
De quelle façon se compose une équipe de billard ?
Dans une équipe on trouve quatre titulaires et quatre remplaçants, ce sont donc des équipes de huit joueurs maximums sans limite d’âge. Quatre joueurs vont s’affronter à tour de rôle, chaque match rapportant un point : la première équipe qui atteint 8 points remporte la partie à la différence des matchs de championnats où les 16 manches sont jouées.
On trouve très peu d’équipes 100% féminines parce que d’elles-mêmes elles ne veulent pas déjà, j’ai connu des équipes féminines et ça ne marche pas. Les rencontres féminines se jouent exclusivement en individuel ; autrement on retrouve des femmes inscrites en équipes avec les messieurs. Cependant rien n’interdit les équipes 100% féminines, si un groupe de copines veut s’y mettre c’est tout à fait possible !
Quelle est la notoriété de votre discipline dans la région ? Et parmi les autres ?
Dans le club on est 38 licenciés avec nos trois disciplines. Dans les Hauts-de-France on a dépassé les 250 licenciés sur le blackball. Sur le tournoi régional individuel de ce weekend ça nous a permis d’avoir 112 participants uniquement pour la catégorie mixte ; avec les spécifiques on était autour de 160. Quand des compétitions sont organisées, notre club est toujours le plus éloigné parce qu’on est les seuls Picards inscrits, les autres clubs sont tous dans le Pas-de-Calais ou dans le Nord donc quand on se déplace on fait toujours deux heures de route. On dort toujours sur place parce que ce sont des journées très longues.
Mais les Bretons par exemple ont deux fois plus d’effectif que nous avec de très bons joueurs en plus.
Comment est organisée une saison de billard ?
La saison va se jouer de septembre à juin, même si on dépend aussi des calendriers internationaux. Nos championnats régionaux doivent être greffés par rapport aux tournois nationaux, et la spécificité du billard (surtout du blackball), c’est qu’on a aussi un championnat qui s’appelle l’AFEBAS et qui ne fait pas partie de la FF Billard. C’est un championnat à part qui est aussi national, il y a beaucoup de joueurs licenciés à la FFB qui pratiquent également en AFEBAS donc pour éviter de pénaliser tout le monde, par rapport au calendrier national, sur les weekends restant viennent se greffer autour.
Sur les individuels de samedi par exemple, la journée a commencé à 8h pour se finir dans la nuit à 2h30. Le dimanche a repris directement à la suite dès 8h.
Quand on fait des tournois, il y a la catégorie principale dite « mixte » à laquelle viennent se greffer les spécifiques comme les « vétérans » (plus de 40 ans), les féminines, les benjamins, les juniors et les espoirs. On a donc six catégories qui se jouent dans la même journée. Mais un benjamin (comme les autres d’ailleurs) sont autorisés à faire deux catégories : ils vont faire celle de leur âge puis la catégorie mixte. Seules les féminines sont autorisées à faire féminines, mixtes et vétérans si elles ont plus de 40 ans.
Qu’en est-il de vos locaux ?
Le billard a la mauvaise image du sport de bistrot et on se voit mal former des jeunes dans un bar. L’image commence à sortir de là mais il faut continuer. C’est pour cette raison qu’avoir notre salle rue Riolan c’est vraiment pas mal, je souhaite que notre demande de travaux de rénovation soit acceptée par la mairie parce que c’est un local qui lui appartient. On devrait avoir un rendez-vous avec M. Duflot pour voir ce qu’il serait possible de faire : pour le moment on a un espace qui fait 150 m2, faute d’isolation et de chauffage le matériel n’aime pas trop ça mais ça dépanne alors on ne va pas se plaindre non plus !
Il y a des clubs qui n’ont pas de salle, qui n’ont rien du tout et qui cherchent depuis trois ans.
Le club doit donc trouver des partenariats avec les sites d’hébergements alentours ?
On a fait un partenariat avec l’hôtel Balladins sur Longueau. Malheureusement comme on a tous des priorités de travail ou familiales, je m’en suis un peu occupé à la dernière minute. Il y a quand même des équipes qui se sont logées là-bas, mais l’opération a déjà été reconduite pour le prochain tournoi organisé le 15/16 février. Il faut essayer parce que si on n’essaye pas de trouver des partenaires, tous les joueurs qui viennent au tournoi doivent trouver une solution un bon mois à l’avance. Selon les régions où l’on va c’est très difficile de trouver un hôtel.
On ferait du foot, du handball ou même du hockey, je pense qu’une seule publicité suffirait !
Richard Dussort
Votre sport souffre-t-il de son manque de médiatisation ?
C’est totalement méconnu. On arrive à se faire connaître doucement, notamment grâce à vous chez Gazette Sports, mais c’est quand même un sport qui est resté dans l’ombre des bars depuis très longtemps. Le billard français aussi à son époque a commencé dans les bistrots, il ne faut pas croire !
L’idéal ça serait de faire comme il y a trois ans et de réunir tous les joueurs de la région sous un même toit sur un weekend de compétition. C’est quand même beaucoup plus parlant que de faire un championnat dans une salle commerciale comme c’était le cas il y a dix ans. Maintenant ça fait un peu plus sérieux, on finit par tous se connaître : il y a toujours une entraide qui se fait entre les clubs pour les organisations ; ça fait plus sportif on va dire.
On ferait du foot, du handball ou même du hockey, je pense qu’une seule publicité suffirait, là ce n’est pas le cas. Notre mauvaise image de « sport de pochtrons » et même si depuis une dizaine d’années ça évolue énormément, il y a toujours des réticences. Il faut faire évoluer les mentalités, c’est un sport « à part » parce qu’il faut quand même passer huit heures à piétiner tout en restant concentré.
À l’image de ce vendredi d’initiation, le club organise donc des journées « découverte » de la discipline ?
Au niveau des tournois régionaux, c’est systématique : la veille du tournoi c’est l’initiation scolaire. Ce weekend on a eu la chance d’avoir le lycée à proximité, les élèves ont joué le jeu. Les deux premières années ça n’avait pas vraiment marché, on avait fait des demandes mais on nous a fait comprendre que ça passait un peu « au-dessus » donc on n’avait personne. Là de vendredi matin jusqu’au milieu d’après-midi on a une soixantaine d’élèves qui est passée alors on est vraiment satisfaits.
Il nous arrive aussi d’organiser des après-midis prestations et initiations billard, mais c’est très difficile. Pour en faire plus le problème majeur est un manque de temps, on invite toujours les gens à venir nous rencontrer sur les tournois ou de venir nous rejoindre à la salle rue Riolan. On essaye vraiment d’aller « à la pêche aux adhérents », c’est aussi pour cette raison qu’on participe à l’AGORA depuis quelques années, ça nous a ramené quelques contacts et quelques adhérents aussi. Ça fait parler de nous et on devient de moins en moins inexistants.
Votre sport demande donc beaucoup d’organisation matérielle, qu’en est-il de la part de bénévoles au sein de l’APB ?
C’est très compliqué parce que ça demande énormément de temps. Les deux tournois (ndlr : novembre et février) sont en préparation depuis le mois de juillet parce que c’est très difficile d’avoir une salle chauffée sur Amiens, comme dans toutes les villes. Dès le mois de juillet on est obligés de commencer à faire les demandes, on aurait dû être au gymnase des 4 Chênes mais je me suis fait souffler la salle à une semaine près. Je l’aurai quand même pour le mois de février et c’est déjà ça.
Mais être bénévole c’est vraiment un gros travail. Il y a beaucoup de préparation et de logistique. On se demande constamment qui sera présent sur les tournois parce qu’on a tous un travail à côté, il faut gérer avec les familles, avec les camarades pour les emplacements : comment on fait pour la main d’œuvre et à quelle heure ? Il faut également gérer le bar, même si on fait des rotations avec les joueurs, ce sont quatre jours avec une charge de travail très lourde. On cherche toujours plus de bénévoles pour alléger les tâches de chacun, mais il ne faut pas que ce soit fait à contrecœur non plus, un bénévole doit être passionné. Mais c’est très difficile, on a beau être quasiment 40 dans le club c’est difficile d’avoir des bénévoles. On n’est pas encore totalement dans le « sport de consommation » même s’il y en a forcément dans tous les clubs, mais entre les contraintes personnelles et professionnelles, ce n’est pas toujours évident. Même si on a un calendrier déjà établi, trouver des disponibilités pour les uns et les autres reste compliqué.
Océane KRONEK
Crédits photos : Reynald Valleron – Gazettesports.fr