CRICKET : Focus sur le seul club amiénois de cricket

Amiens Cricket Club vs Creil Cricket Club (Avril 2018) / ©Amiens Cricket Club
Ⓒ Amiens Cricket Club vs Creil Cricket Club (Avril 2018) / ©Amiens Cricket Club
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Une vingtaine de jeunes issus d’horizons différents ont fondé le premier, et seul, club de cricket amiénois.


Une enfance bercée par le cricket

Porteurs de cultures riches et variées, ces réfugiés venus du Pakistan, de l’Afghanistan, ou encore du Bangladesh sont des passionnés de cricket. Imran Shinwari, Président du club, et Zabiullah Safi, capitaine de l’équipe, pratiquent cette discipline depuis leur enfance. En Afghanistan, ces deux joueurs ne jouaient pas avec de réelles balles de cricket, faites de liège dur recouvert de cuir, comme nous pourrions le penser. Zabiullah confie : « Quand j’étais en Afghanistan, j’y jouais dans la rue avec des balles de tennis, ou des balles en plastique. Mais quand je suis arrivé aux Pays-bas, j’ai vu des gens jouer au cricket avec des meilleures balles, plus dures. Alors c’est à ce moment-là que j’ai commencé à beaucoup y jouer, pendant 5 ans ». Quant à Imran, c’est depuis son tout jeune âge, « entre 8 et 10 ans« , qu’il a commencé à jouer au cricket. Une discipline ainsi particulièrement ancrée dans leur vie et leur habitude.

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Comment se joue le cricket ?

Lors d’un match de cricket, deux équipes de onze joueurs s’opposent. Il se joue sur un terrain d’herbe de forme ovale, au centre duquel se trouve une zone entourée d’une structure de bois à chaque extrémité. C’est ce que l’on appelle le « guichet ». Un match peut durer, selon la forme jouée, de quelques heures à plusieurs jours.

Une rencontre est divisée en plusieurs manches. L’une des équipes essaye de marquer des points tandis que l’autre tente de l’en empêcher en éliminant les deux batteurs adverses. La balle est lancée en direction d’un guichet par l’un des joueurs sur le terrain et ces batteurs peuvent marquer des points en échangeant de position lorsque la balle est en jeu. Pour les en empêcher, l’équipe adverse peut détruire un guichet avec la balle sur le lancer.


Une surprise : l’absence de club de cricket sur Amiens

Arrivé en France en 2016, Imran a passé huit jours à Paris avant d’être transféré à Calais. Un an plus tard, l’assistante sociale qui le prenait en charge lui a fait visiter Amiens : « Ça m’a plu. La ville est jolie, surtout le centre-ville. J’ai beaucoup aimé, alors j’ai voulu rester ici ». Depuis, il s’y sent toujours aussi bien et cela fait un an qu’il travaille dans la restauration. « J’aime bien. Mais au début c’était trop compliqué pour moi, comme je ne savais pas beaucoup parler français. J’ai dû déposer une cinquantaine de CV en agence. J’ai fait un stage au restaurant et ils m’ont dit que comme je travaillais bien, je pouvais rester ».

« Pourtant, c’est le deuxième sport mondial. Le premier c’est le football, et le deuxième c’est le cricket »

En arrivant à Amiens, il a été étonné de constater l’absence de club de cricket, alors qu’en Afghanistan, il s’agit d’un sport national. « Il y a des personnes qui ne connaissent pas le cricket, d’autres qui connaissent. Mais ici, le cricket ce n’est pas comme le football. Pourtant, c’est le deuxième sport mondial. Le premier c’est le football, et le deuxième c’est le cricket (ndlr : Des estimations parlent de 2 milliards d’adeptes) ». Là-dessus, Zabiullah ajoute que le cricket est, en effet, célèbre en France, que beaucoup de personnes savent y jouer. Mais la réputation du cricket est moins conséquente à Amiens.

Match contre l'équipe de Saint-Omer (SOCCS) / ©Amiens Cricket Club
Imran Shinwari, match contre l’équipe de Saint-Omer (SOCCS) / ©Amiens Cricket Club


La naissance de l’Amiens Cricket Club

Grâce au Réseau Solidaire Amiénois, Nathalie Szlamowicz, trésorière du club, a pu avoir l’opportunité de donner des cours de français aux personnes exilées. Imran, et d’autres joueurs de l’équipe, en faisaient partie. En apprenant leur passion pour le cricket, elle et Nicolas Parguel, secrétaire du club, se sont ensuite beaucoup investis pour les accompagner et les aider à fonder l’Amiens Cricket Club, en décembre 2017. Imran se montre reconnaissant : « Nathalie et Nicolas m’ont vraiment beaucoup aidé ». Grâce à eux, à leur bienveillance et leur admirable engagement, il a pu prendre la présidence du club.

S’agissant de Zabiullah, parti d’Afghanistan en 2010, il est désormais en France depuis maintenant deux ans : « La France est un beau pays. J’en avais entendu parlé par des amis. Je ne pouvais pas rester aux Pays-Bas, alors je suis venu en France. J’ai d’abord été à Paris, puis on m’a transféré à Amiens ». En arrivant dans la métropole amiénoise, ce joueur doté d’une forte expérience pour la discipline a rapidement procédé à des recherches sur Internet pour savoir si des clubs de cricket existaient. Il est ainsi tombé sur l’Amiens Cricket Club. « J’ai pris contact avec Nathalie et elle m’a donné des informations à propos du club ». Puis, c’est de cette manière qu’il a rejoint le club.

Zabiullah a ensuite été élu capitaine de l’équipe par les joueurs. L’expérience qu’il a acquis aux Pays-Bas fait de lui un excellent joueur de cricket : « Je suis heureux de mon équipe. Quand je suis venu ici, certains joueurs étaient nouveaux, et d’autres avaient déjà joué avant. Ils ont décidé de me faire capitaine parce-que j’avais une grande expérience du cricket. J’étais vraiment content ».


La Providence et son geste merveilleux pour le club

Terrain de cricket / © Amiens Cricket Club
Terrain cricket / ©Amiens Cricket Club

Il est à noter qu’il n’a pas été facile d’obtenir un lieu d’entraînement pour les joueurs. Dans un premier temps, ils s’entraînaient au Parc de la Hotoie. Le club a déposé une demande auprès de la mairie afin d’espérer avoir accès à un lieu permettant à l’équipe de s’entraîner dans de bonnes conditions. La demande a été malheureusement refusée.

Une nouvelle opportunité s’est ouverte au club. L’année dernière, l’établissement scolaire catholique La Providence, sensible à la situation des joueurs, a alors mis à disposition du club un terrain de rugby et un gymnase et est ainsi devenu son premier partenaire officiel. Imran s’en réjouit : « Là maintenant, on a un vrai terrain à la Providence, et ça c’est bien ».

Pour une équipe qui participe au Championnat régional des Hauts-de-France et à la Coupe de France, avoir la possibilité de s’entraîner sur un vrai terrain s’avère être indispensable. Ce terrain ne dispose pas d’une piste réglementée spécialement pour le cricket, mais il confère une chance formidable pour ces joueurs de pratiquer la discipline dans de meilleures conditions. Un lieu bien plus confortable et plus adapté à la pratique du cricket qu’au Parc de la Hotoie.


La participation à des Championnats chaque année

L’Amiens Cricket Club est très récent, mais il faut savoir que de nombreux joueurs ont une solide expérience du cricket. Ainsi, ils étaient rapidement prêts à participer au Championnat régional des Hauts-de-France. En été, les entraînements se déroulent au stade de la Providence, et quand l’hiver pointe le bout de son nez, les joueurs s’entraînent dans le gymnase. Zabiullah explique que : « Les compétitions viennent de se terminer. Le cricket est un sport que l’on ne peut pas pratiquer en hiver, parce-qu’on ne peut pas jouer sous la pluie ou dans le froid. Donc les saisons commencent vers avril, ou juin, jusqu’en septembre ».

L’année dernière, au cours du Championnat régional des Hauts-de-France, le club est arrivé jusqu’en demi-finale. Et il en va de même pour cette année, avec une défaite face à Saint-Omer. Mais le capitaine de l’équipe ne désespère pas et croit en les capacités de chacun : «Cette année, nous allons essayer de devenir plus performants. Quand le Championnat arrive, tout le monde veut gagner. On essaie de faire de notre mieux. Mais même si on aimerait la victoire, on veut aussi surtout s’amuser avec tout le monde, passer de bons moments, juste être ensemble. Donc ce n’est pas grave si l’on perd ou si l’on gagne. Mais nous voulons toujours faire de notre mieux pour gagner les Championnats. Pour Amiens ! »

Imran Shinwari (Avril 2018) / © Amiens Cricket Club
Imran Shinwari (Avril 2018) / ©Amiens Cricket Club


Un soutien nécessaire pour développer le club

Nathalie rappelle que ce projet n’aurait pas pu voir le jour sans l’aide des bénévoles solidaires. Et aujourd’hui encore, le soutien d’autrui est nécessaire pour continuer de permettre à ce club, et à ses joueurs, de s’épanouir toujours davantage. Vecteur d’intégration, le club est devenu essentiel au quotidien et au développement personnel des joueurs et vise des objectifs autant sportif que social.

S’agissant de l’aspect sportif, dans un premier temps, l’objectif est de continuer à développer la pratique de compétitions en formant des équipes performantes. Cela passe par l’amélioration des conditions d’entraînements et du moyen de transport pour se rendre sur les lieux de compétitions.

En effet, les entraînements sont primordiaux pour l’amélioration des performances de l’équipe. Ils contribuent au bien-être physique et moral des joueurs, au développement de leurs aptitudes physiques et tactiques et notamment à la création d’une cohésion de groupe. Et pour le transport, il est à savoir l’inscription d’une équipe au Championnat régional nécessite
des moyens financiers, matériels, logistiques et humains importants dont manquent le club.

Notamment, les joueurs devront s’inscrire à des formations d’arbitres et de scoreurs puisque le règlement du Championnat régional impose aux clubs de mettre à disposition un arbitre et un scoreur.

Concernant l’aspect social, l’objectif primaire est de faire du club un réel outil d’intégration sociale pour les joueurs. Pour la plupart réfugiés, et pour d’autres demandeurs d’asile, Nathalie explique : « Ce sont des personnes qui viennent de loin, qui doivent s’adapter à nos pratiques, à notre schéma de l’organisation de la vie associative et citoyenne. Être actif dans un club sportif, cela leur donne l’occasion d’exister, de s’intégrer et notamment de pratiquer le français ». L’Amiens Cricket Club se présente ainsi comme un vecteur de lien social, d’insertion par le sport et d’actions citoyennes et solidaires.

Enfin, le club souhaite faire découvrir, à un maximum de public, ce sport méconnu à Amiens en organisant des sessions de découverte et de présentation du cricket. «L’année dernière, nous avons pu, grâce aux joueurs, animer des sessions de découverte. On a commencé à la Providence, avec des élèves du primaire et du secondaire. C’était l’occasion de croiser deux disciplines : le sport et l’anglais. En effet, puisque le capitaine de l’équipe, Zabiullah, parle très bien anglais, il y avait des petits temps volontairement en anglais ». Près de 250 élèves de l’établissement, entre le CM1 et la 5ème, ont pu bénéficier de cette découverte.
Le mercredi 3 juillet, l’Amiens Cricket Club a également participé à une journée avec les centres de loisirs d’Amiens métropole. Près de 200 enfants ont alors pu découvrir ce sport grâce aux joueurs qui se sont énormément impliqués. L’avantage de ces types d’actions est qu’il permet de promouvoir à la fois le cricket et le «Mieux vivre ensemble».

Amiens Cricket Club vs Creil Cricket Club (Avril 2018) / © Amiens Cricket Club
Amiens Cricket Club vs Creil Cricket Club (Avril 2018) / ©Amiens Cricket Club


Le club et ses vertus sur les joueurs

L’Amiens Cricket Club est tout d’abord, pour les joueurs, le moyen de pratiquer cette discipline qu’ils affectionnent tant, de se perfectionner et de partager leur passion. Mais d’autres éléments, parfois plus personnels, entrent en ligne de compte.

Zabiullah se confie sur les liens puissants qui se sont créés avec les membres du club : « On joue comme une famille, comme des amis. On s’amuse vraiment bien quand on est ensemble », et Imran aborde les bienfaits sur le moral qui découlent du club : « La vie n’est pas facile quand on n’a pas notre famille. On est tout seul. C’est pas évident. Donc le cricket, ça aide à sortir de chez soi, à voir les amis et c’est bon pour la santé ». En effet, la plupart des joueurs sont des réfugiés, ou des demandeurs d’asile. Ainsi, les séances d’entraînement permettent de structurer le quotidien de ces jeunes, de leur permettre de s’épanouir en vivant leur passion, et de les soutenir moralement.



Angélique Guénot

Crédits photos : © Amiens Cricket Club

Publié par La Rédaction

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