VOILE : La Longue Route de Pierre-André Huglo

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Le jeudi 7 mars de cette année, Pierre-André Huglo achevait son tour du monde à la voile en solitaire en accostant à Ouistreham. Il est revenu pour nous sur cette aventure.

Voilà 50 ans que ce tour du monde fascine. Car c’est bien il y a 50 ans qu’eut lieu le Golden Globe Challenge, première course à la voile autour du monde en solitaire sans escale, remportée par le seul navigateur l’ayant finalement terminée, Robin Knox-Johnston, en 313 jours. A l’occasion de ce cinquantenaire, deux courses étaient organisées. La première, très officielle et très encadrée, la Golden Globe Race, la seconde, La Longue Route, un hommage à Bernard Moitessier, l’un des 9 concurrents qui décida de ne pas franchir la ligne d’arrivée en vainqueur pour poursuivre son chemin vers Tahiti où il s’installa finalement et écrivit La Longue Route, récit de son périple.

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C’est à cette seconde épreuve que s’inscrit Pierre-André Huglo il y a maintenant plus de deux ans. Initialement, c’est pourtant bien à la Golden Globe Race qu’il voulait s’inscrire. Mais son bateau ne remplit pas les conditions d’inscription. Ce sera donc La Longue Route. Si cette épreuve est moins contraignante, puisqu’en plus de permettre à son bateau de concourir, elle permet des départs différés pour les concurrents, quelques règles sont constantes : le tour du monde en solitaire sans escale doit suivre le parcours original de l’épreuve, passant par le Cap de Bonne Espérance, l’Océan Indien, le Pacifique puis de le Cap Horn.

La préparation, une étape majeure

L’inscription faite, commence alors ce que Pierre-André Huglo considère comme le plus important pour un tel périple : la préparation.  »La préparation, c’est 80% de la réussite » déclare-t-il ainsi. Une préparation d’un an et demi qui, il ne faut pas s’y tromper, est relativement courte d’après le navigateur. D’autant plus lorsque l’on n’est pas professionnel, il faut conjuguer ce temps de préparation avec son emploi de professeur de philosophie au Lycée Louis Thuillier.

Cette préparation comporte de nombreux aspects. D’une part, il faut s’occuper du bateau. Il n’est pas question de prendre le moindre risque et cela passe donc par des changements de pièces. Par ailleurs, si l’épreuve présente à gros traits le parcours à suivre, l’itinéraire précis doit être minutieusement préparé par le navigateur lui-même. De même, la préparation inclut également des aspects pratiques du voyage. Ainsi, il faut anticiper la nourriture à emporter (principalement des conserves, du chocolat, des pâtes,…). C’est une tâche plus difficile qu’il n’y paraît car deux contraintes s’opposent. D’une part, il ne faut pas trop emporter au risque d’alourdir le bateau, chose d’autant plus compliquée que le bateau de Pierre-André Huglo faisait partie des plus petits engagés. D’autre part, il faut tout de même embarquer suffisamment de nourriture pour pouvoir terminer l’épreuve. La préparation réside donc avant tout dans le choix. Le choix d’emporter pour 245 jours de nourriture mais également celui de démonter le moteur, à la fois pour alléger l’embarcation et pour permettre de dégager de la place.

La dernière phase de la préparation tient en la préparation humaine d’un tel événement. Pour Pierre-André Huglo, cette préparation fut constante mais, surtout, elle ne datait pas de l’inscription à l’épreuve. Passionné par la navigation depuis toujours, monté pour la première fois sur un bateau à 3 ans et caressant le rêve de ce tour du monde  »depuis [ses] 18 ans », ses nombreuses sorties en mer lui servaient depuis des années de préparation à ce défi dont il ne savait pas encore s’il allait avoir l’occasion de le relever un jour. Alors toutes l’expérience accumulée durant des années de navigation pouvait lui servir. Notamment dans sa préparation mentale. Mais également pour quantifier ses besoins. Une inconnue majeure restait tout de même : sa plus longue escapade en solitaire n’avait pas duré plus de 50 jours, en 2014. Rien à voir en termes de temps passé sur l’eau avec ce qui l’attendait.

Pierre-André Huglo avant son départ
Plus de 7 mois en mer

Si toute l’organisation du voyage est donc minutieuse et extrêmement importante, ce sont toutefois les flots qui servent de juge de paix. Pierre-André Huglo souligne que le plus difficile à supporter une fois à bord est de ne jamais s’arrêter, d’être  »toujours sur la brèche ». La question de la gestion du sommeil devient alors centrale sur une embarcation où les préoccupations sont constantes. C’est là que l’expérience du navigateur est précieuse, afin de se connaître, de savoir de quels moments profiter pour se permettre un micro-sommeil. Il est également important selon lui de respecter les rythmes du sommeil et de ne jamais attendre d’être au bout de la fatigue pour s’accorder ses temps de repos. Un problème particulier en pareil moment, nous explique-t-il, et c’est l’impossibilité de dormir et l’obligation de résoudre le problème en question dans un état de fatigue trop important. C’est dans ce cadre qu’il a également banni la prise d’excitants tel que le café : le navigateur doit pouvoir s’endormir si besoin.

Un autre aspect de la traversée que souligne Pierre-André Huglo, c’est la différence entre la navigation dans les mers australes avec les autres mers. Justement sur le plan de la vigilance constante, il pointe la grande difficulté qu’est le passage dans des eaux très fréquentées comme c’est le cas de la Manche notamment. A contrario, les mers australes peuvent donner lieu à de très longs moment sans croiser le moindre bateau. De même, le navigateur met en avant les contrastes en termes de température. Alors que celle-ci pouvait atteindre les 40°C au niveau des tropiques, il a été confronté au froid et à la neige au niveau des hautes latitudes, son huile étant même proche de geler.

Enfin, la dernière difficulté fut tout de même celle de la durée du périple provoquant une fatigue importante. Ainsi, la traversée s’est achevée dans la difficulté, Pierre-André Huglo souffrant d’une sciatique. D’un point de vue mental également, l’épreuve en demande énormément. Ainsi, le navigateur souligne la difficulté à terminer l’épreuve. En effet, alors que le dernier Cap, le Cap Horn, est passé, existe l’impression d’enfin en voir le bout alors qu’en réalité, il reste environ un tiers du chemin à parcourir. De même, ce n’est pas tant la solitude en elle-même qui l’a marqué, alors même qu’il ne disposait que de 10 minutes de communication par semaine sur son téléphone cellulaire que la nécessité de devoir tout assumer, tous ses choix lui-même. Un ensemble d’éléments qui le pousse à insister sur le fait que, malgré un parcours sans ennui majeur, la traversée reste une épreuve constante.

Une grande satisfaction

Au final, la satisfaction domine quant à cette aventure. Tout simplement parce que l’objectif premier, celui de réussir ce tour du monde, a été parfaitement rempli. Mais aussi parce que le temps dans lequel cette performance a été réalisée est bon. En arrivant à Ouistreham moins de 222 jours après son départ, Pierre-André Huglo n’a finalement mis que 10 jours de plus que le vainqueur de la Golden Globe Race. Il s’est même permis le luxe de finir avant le 3ème de cette même course, pourtant parti près d’un mois avant lui.

Mais la satisfaction vient aussi de la manière dont cela a été réalisé. Car cette performance a aussi validé les choix faits avant le départ. Ceux de la simplicité, faits tant par goût que pour jouer la sécurité, en optant pour l’absence de pilote électronique et en préférant l’usage de systèmes mécaniques alimentés par le vent et de la prudence, car le plus important pour arriver au bout, c’est de ne rien casser et de ne pas se blesser. Ainsi que la satisfaction personnelle d’avoir  »bien navigué dans les hautes latitudes ». Bien plus, notamment, que le passage du mythique Cap Horn passé de nuit et qu’il n’a donc pas vu.

Morgan Chaumier

Crédit photo :  DR

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