FOOTBALL : « Il faut laisser le temps, à un entraineur, de faire son métier »

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Christophe Pélissier : « Il faut laisser le temps, à un entraineur, de faire son métier »

« Aujourd’hui, un entraineur est d’abord un manager » a déclaré l’entraineur de l’Amiens SC Christophe Pélissier qui vient d’obtenir le diplôme le plus important dans le monde du football.

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La veille du match Amiens SC- Fréjus, Christophe Pélissier a appris une bonne nouvelle. Il venait d’obtenir son Brevet d’entraineur  de football professionnel (BEPF), le plus important actuellement dans le monde du football. Un diplôme qui peut lui permettre d’entrainer un club professionnel, non seulement français mais aussi étranger.

Aussi quand nous l’avons interrogé, l’entraineur amiénois était à la fois heureux mais aussi et surtout soulagé : « C’est surtout une grosse satisfaction personnelle. C’était aussi un gros challenge à relever puisque cela représente deux ans de formation dans le haut niveau et un  travail énorme à accomplir. Cela représente aussi des équipes à suivre, des stages à réaliser, des mémoires à écrire. L’investissement personnel a été considérable. Aussi, comprenez que je sois très satisfait. En tant que joueur, j’ai certes évolué au plus haut niveau amateur jusqu’en National mais je n’ai pas eu la chance d’être joueur professionnel. Etre accepté dans la formation et parvenir au bout des deux ans, la satisfaction est donc énorme. Ce diplôme, c’est une condition nécessaire pour exercer mon métier d’entraineur. Ce n’est pas une fin en soi. C’est simplement une clé mais ensuite, la serrure, c’est celle d’avoir un poste et de fonctionner. C’est enfin un gros soulagement. »

Lionel HERBET : Combien étiez-vous à cette session?

Christophe PELISSIER : Au départ, nous étions quinze et nous avons fini à treize. II a fallu être présent à toutes les sessions. Il  y avait dans le groupe une grande humilité et aussi une super ambiance. Les relations humaines qui nous unissaient nous ont permis d’absorber cette grosse masse de travail.J’ai eu la chance de côtoyer des garçons tels que Sylvain Ripoll, Christian Bracconni et Pascal Dupraz qui entrainent des clubs de L1 et mon ami Fabien Mercadal. J’ai beaucoup appris à leur contact mais je dirais que tout le monde a appris au contact de l’autre. Jamais, il n’y eut de différence que vous soyez comme moi en National ou mes collègues  qui sont en L1. Et puis, comment ne pas remercier les intervenants Francis Smerecki, Guy Lacombe et Patrick Gonfalone qui m’a même rendu visite à la Licorne.

L-H : Pour entrainer à ce niveau, il faut connaître une langue étrangère et participé à un stage dans un club du même pays ?  

C-P : Oui, personnellement, c’est l’espagnol. Quant au club, ce fut le Real Sociedad. J’y suis resté une semaine et j’ai été bien accueilli. Il y eut un changement d’entraineur et le nouveau était écossais. Au début, ce fut un peu difficile car cet entraineur ne parlait qu’en anglais et il avait un traducteur. Mais il a accepté que j’assiste aux séances d’entrainements alors que le président avait décrété un huis clos pour les entrainements car nous étions à quelques jours du derby basque.

L-H : Quels  sont les grands axes de votre Brevet d’entraineur ?

C-P : Il y a plusieurs volets. Nous entrainons des joueurs professionnels avec beaucoup de séances sur le terrain, beaucoup de travail sur le management, sur la préparation athlétique enfin tout ce qui concerne le management, partie mentale et bien sur l’entrainement.

L-H : Vous avez pourtant débuté dans le tennis ?

C-P : J’ai enseigné en effet le tennis de 18 à 24 ans. Je travaillais à l’époque à la Jeunesse et les Sports. Je possède aussi un diplôme d’éducateur territorial des activités physiques et sportives.  J’ai aussi passé à Bordeaux le concours des STAPS mais je suis aujourd’hui dans le football et je le répète, c’est une fierté personnelle.

L-H : Aujourd’hui à qui pensez- vous en particulier ?

C-P : Quand on arrive au niveau qui est le mien, on remercie tout le monde. J’ai été nourri par de nombreuses personnes avec dans un premier temps, l’éducation familiale que j’ai reçue. C’est la raison pour laquelle il faut être à l’écoute.

L-H : Avez-vous changé ?

C-P : J’ai surtout changé parce que je suis très content d’avoir obtenu ce brevet. On a tendance à ne voir que la face cachée de l’iceberg de l’immense travail que cela représente. Enfin, je suis content pour mon épouse qui a subi deux ans d’absences répétées à Clairefontaine et je vous assure que durant ces deux années, il n’y a pas eu beaucoup de place pour les loisirs familiaux. Elle a participé à la réussite de mon diplôme. Maintenant, je suis prêt à tout donner pour qu’avec l’ASC, nous obtenions les meilleures performances.

L-H : Enfin, vous avez tout fait pour décrocher un Brevet d’entraineur qui est une profession plus que jamais instable ?

C-P : Bien sur que durant ces deux années, nous en avons souvent parlé avec mes collègues. C’est une profession très instable. Quand je vois qu’en L1, treize entraineurs n‘ont pas fini la saison, cela interpelle. Les gens ne se rendent pas compte de l’investissement d’un entraineur. Aujourd’hui, on va dans la facilité des choses et je trouve que de plus en plus, les présidents de clubs cèdent à la « vox populi » et le plus souvent  médiatique. Le métier d’entraineur exige beaucoup d’énergie, de persévérance et on ne peut pas travailler de manière sereine et lucide quand on sait qu’il y a tous les quinze jours,  une épée de Damoclès au dessus de votre tête. Les dirigeants devraient se poser les bonnes questions. Certains l’ont bien compris mais ils sont trop rares. Pour les autres, leur ego personnel passe avant. Ma philosophie est qu’à partir du moment où je m’engage dans quelque chose,  je m’engage à fond. J’ai envie de profiter à plein de mon métier d’entraineur qui est certes difficile mais tellement passionnant. Quand vous connaissez une telle fin de match comme celle de vendredi, on se dit souvent : Profitons des bons moments dans le football car ils ne durent pas longtemps.

L-H : Enfin, être entraineur aujourd’hui, c’est manager ?

C-P : Oui. C’est manager les hommes et ce n’est pas simple, je vous l’assure. Mais c’est à l’image de la société. On veut toujours aller très vite, trop vite. Tout le monde est pressé. On dit toujours que le travail paie mais certains présidents ne laissent pas le temps à un entraineur de faire son métier. Il ne faut jamais construire dans l’urgence.

Lionel HERBET