ATHLÉTISME : Adèle Gay, la relève du demi-fond français, inscrit son nom dans la cour des grands

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La championne de France du 1 500 m, Adèle Gay est revenue sur une saison extraordinaire, marquée par ses records personnels et un titre national élite. La jeune athlète, sociétaire de l’Amiens UC Athlétisme, en convalescence suite à une fracture, est déjà tournée vers ses prochains objectifs de 2026.

De son record de France U23 établi le 3 février sur le mile en salle, lors du meeting de l’Eure à Val-de-Reuil, à son titre national chez les élites, Adèle Gay n’a cessé de repousser ses limites et de franchir de nouveaux paliers. Une saison « exceptionnelle » qu’elle n’aurait peut-être pas connue sans les enseignements d’une saison précédente plus chaotique. Dès ses débuts en salle cet hiver, Adèle, à peine âgée de 20 ans, enchaîne les records. Annoncée favorite avec le meilleur temps des engagées aux Championnats de France U23 en salle, elle prend les rênes de la course sans trembler et s’impose en 4’15’’98, le 9 février au stade Pierre-de-Coubertin à Nantes, établissant un nouveau record des championnats. Elle décroche le titre de championne de France U23, après celui décroché l’été dernier.

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Deux semaines plus tard, elle croit remporter la médaille d’argent aux championnats de France élite en salle. Mais après quelques minutes de célébration, elle se voit disqualifiée pour « avoir touché la ligne intérieure ». Une immense déception qui la pousse à repartir à l’entraînement, plus déterminée que jamais. « Je me suis dit : “Pas deux fois !” Parce que c’est une énorme émotion, c’était incroyable. C’était mon premier record de France, une deuxième place aux Championnats de France élite. Ça ne m’était jamais arrivé. Pendant quinze minutes, t’es euphorique. Et puis, on t’annonce la disqualification… c’était horrible. » En mai, elle revient plus forte que jamais sur la piste, réalisant les minima pour les Championnats d’Europe U23 avec un chrono impressionnant de 4’08’’81. Le 10 juin, elle abaisse encore son record personnel à 4’07’’54. Sélectionnée pour les Championnats d’Europe U23, du 17 au 20 juillet à Bergen, elle accède à la finale et décroche la médaille d’argent derrière la Turque Dilek Koçak (4’08’’89). Mais pour Adèle, ce n’est pas encore la place qu’elle mérite, elle vise plus haut : une victoire et rien d’autre.

C’est pour ça qu’on court. Ce sont des émotions qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. C’est juste incroyable. Ça ne dure pas longtemps mais c’est la concrétisation de tellement de travail.

Adèle Gay

Il lui faut attendre les Championnats de France Élite, le 1er août à Talence, pour détrôner la reine française du 1 500 m, Agathe Guillemot, et se parer d’or. Dans une course parfaitement maîtrisée, son attaque portée à 150 mètres de l’arrivée la propulse enfin au sommet. Elle efface au passage le record de France espoirs du 1 500 m, détenu depuis 1987 par Florence Giolliti, grâce à un chrono de 4’04’’12. Surprise sur le moment, elle s’attendait davantage à revivre le scénario de l’hiver précédent, où Agathe Guillemot était partie très vite et l’avait emmenée sur les bases du record de France U23. Adèle ne pensait pas s’imposer. « Pour moi, elle était vraiment au-dessus », se souvient-elle. Mais la jeune athlète ne se rend jamais à une compétition pour perdre. Cette mentalité la pousse à toujours y croire. « Il n’y avait que moi et Pascal (Machat, son entraîneur) qui y croyaions vraiment. Quand j’ai vu aux 150 derniers mètres qu’elle était encore là, que j’ai vu Bérénice (Cleyet-Merle) revenir sur moi, je me suis dit : « Je mets une accélération«  et puis c’est passé. C’était incroyable. »

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Pascal Machat, entraîneur d’Adèle Gay

La saison de folie de la Normande n’est pas terminée : elle continue de faire valser ses records, signant une nouvelle performance en 4’03’’44 lors du meeting d’Oordegem. « C’était une saison assez extraordinaire, au final, parce que ça arrive très rarement, dans une carrière, d’évoluer à ce point-là », se remémore-t-elle quelques mois plus tard. Redescendue de son petit nuage, Adèle Gay savoure et mesure le chemin parcouru. Elle ne regrette rien de ce rythme de vie à part, différent de celui des jeunes de son âge : « C’est pour ça qu’on court. Ce sont des émotions qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Enfin, moi, je ne les ai jamais retrouvées autrement que dans ces compétitions-là. C’est juste incroyable. Ça ne dure pas longtemps, mais ce sont des émotions tellement fortes… Et à ce moment-là, on se rend compte que tout le travail accompli a servi à quelque chose. C’est la concrétisation de tellement de travail. »

Un plaisir nourri par l’esprit du collectif et la soif de victoires

Picarde d’adoption, Adèle Gay s’entraîne dur pour continuer à gagner. Car déjà petite, elle aimait ça, gagner, et c’est ce goût de la victoire qui l’a poussée à persévérer. « T’aimes bien gagner quand t’es petit. Je pense que j’avais déjà des prédispositions et que j’aimais l’athlé justement parce que je gagnais les cross. En riant, elle confie dans la foulée : Je déteste les footings. Plus vite c’est fait, plus vite c’est fini. Le comble pour une athlète qui s’entraîne entre 8 et 10 fois par semaine. Mais ce qui nourrit sa passion au quotidien, c’est avant tout son entourage : J’ai une super relation avec mon entraîneur. Quand je vais à l’entraînement, je suis toujours super contente de le voir. Et avec mon groupe, c’est pareil. On est vraiment une famille. C’est ça qui me pousse. » Comblée de faire partie de la PM Elite Team depuis la Terminale, elle ne se voit pas la quitter de sitôt : « Je me dis toujours : quand ça marche, pourquoi partir ? »

Un atout mental qui fait la différence

Depuis deux ans, le travail mental est l’élément clé qui a contribué à la progression d’Adèle Gay. Elle est accompagnée par Franck Blondeau, préparateur mental, qui travaille en collaboration avec son entraîneur Pascal Machat. « Je n’ai pas ressenti tout de suite les effets, parce que ce sont des exercices qu’il faut répéter, qu’il faut pratiquer », explique la championne de France Élite. Désormais, elle a trouvé ce qui lui convient : le discours interne, visant à dialoguer avec soi-même de manière bienveillante, et la relaxation. « Avant une compétition, si j’en ressens le besoin, je peux même contacter Franck à la dernière minute », ajoute-t-elle.

Se ressourcer pour mieux revenir

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Adèle Gay a vécu une super saison.

Victime d’une entorse en novembre 2024, puis d’une récidive en février dernier, rapidement soignées en raison de gros objectifs en ligne de mire, Adèle Gay doit aujourd’hui composer avec une fracture de fatigue à la cheville, qui la contraint à un arrêt de quatre à six semaines. « Ça met un petit coup, mais je pense qu’il faut rester positive dans tous les cas. Je prends les blessures comme du temps pour faire des choses que tu n’as pas le temps de faire quand tu t’entraînes. Par exemple, le renforcement musculaire, les étirements, travailler sur tes points faibles. Et même à côté de ça, tu peux faire de la piscine, ça fait très bien travailler le cardio, de l’elliptique, du vélo… Tu ne peux pas ne plus rien faire », relativise-t-elle. Cette blessure l’empêche de disputer la saison de cross, mais lui permet de se concentrer pleinement sur la saison en salle, avec en ligne de mire les championnats du monde, le 22 mars à Torun.

L’espoir du demi-fond de l’athlétisme n’a pas eu la chance de participer aux Championnats du monde de Tokyo en septembre dernier, même si elle figurait dans le ranking. La FFA, pas très friande d’emmener les jeunes, lui avait laissé penser qu’elle pourrait y aller, avant de lui signifier finalement que ce ne serait pas le cas. Une situation difficile à gérer pour elle : « Ils m’ont un peu dit : « Prépare-toi, il y a moyen que tu y ailles ». Je suis partie me préparer à fond, et finalement, ils ne m’ont pas prise. » Heureusement, elle avait prévu un plan B : le meeting international de Pékin, où elle s’est classée troisième, « une grande expérience aussi ». Ce n’est que partie remise pour la jeune femme de 21 ans, qui n’en est qu’au début de sa carrière sur la scène mondiale.

Sabine Loeb
Crédit photo : Théo Bégler – Gazettesports.fr (archives)