Ce dimanche, l’Amiens Métropole Natation participe aux Interclubs régionaux à Saint-Amand-les-Eaux avec un certain Jérémy Stravius, qui a fait son retour au club six ans après son départ, dans ses rangs. L’Amiénois s’est confié sur ce retour, mais aussi sur les ambitions qu’il a à l’avenir avec le club.
À l’issue du dernier entraînement avant les interclubs régionaux qui se déroulent ce dimanche à Saint-Amand-les-Eaux, Jérémy Stravius, qui a fait son retour au club après six ans du côté de Nice puis des Etoiles du 92, s’est confié sur son retour à l’Amiens Métropole Natation. Le champion olympique, du monde et d’Europe s’est aussi exprimé sur le rôle qu’il aura en dehors des bassins et a dévoilé ses ambitions et ses objectifs avec son club de cœur.
Que représente ce retour à l’Amiens Métropole Natation pour vous ?
C’est une belle aventure qui redémarre. Alors pas forcément avec les mêmes objectifs, parce que je ne suis pas du tout dans le même mood qu’avant. Ça fait six ans que je suis parti d’Amiens, cinq ans que j’ai quitté le club. Il y a eu cette opportunité, car je n’ai pas été repris avec mon ancien club. Il y a eu des changements au niveau d’Amiens, dans le staff, etc. Et puis, en fait, je m’entends très bien avec toute l’équipe, je me suis dit, pourquoi ne pas reprendre une licence ici, faire les interclubs avec eux, si je peux leur donner un coup de main. Je me suis engagé à les aider un peu. On va organiser des stages, on va intervenir au niveau du club, sur n’importe quel groupe de nageurs.
J’ai vraiment envie de redresser, de donner un second souffle au club
Jérémy Stravius, nageur à l’Amiens Métropole Natation
Avec ce départ du club Les Étoiles du 92, quand vous revenez à Amiens, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Il y a de la joie de retrouver l’AMN, mon club de cœur, qui a toujours été là pour moi. J’y suis resté 11 ans quand même (de 2007 à 2018, ndlr). Il y a des personnes qui sont toujours là, donc ça fait bien plaisir. Je ne me serais jamais vu ailleurs, je suis très content de pouvoir revenir et d’être disponible pour le club. J’ai vraiment envie de redresser, de donner un second souffle au club. À 36 ans, je n’ai aucune pression, je ne me fixe pas non plus d’objectifs particuliers en termes de temps. Je ne vise pas non plus les Jeux de Los Angeles, ce serait vraiment trop complexe. J’ai envie de prendre du plaisir, mais aussi d’en donner aux autres. Peut-être que ça leur donne envie vraiment de pratiquer ce sport, qui est quand même un sport, certes très compliqué, mais qui donne tellement de souvenirs, tellement de moments de partage et de joie. C’est vraiment, vraiment beau. J’en parlais avec Roman Fuchs, ce qu’il a vécu aux Jeux, tout le monde aimerait vivre ça.
C’est une chance pour le club de retrouver un nageur comme vous, capable de partager son expérience avec le palmarès que l’on vous connaît.
Oui, c’est ça en fait. L’idée est de la partager, soit avec les plus jeunes, soit avec le groupe un peu élite aussi qu’on a encore à Amiens. Pour la plupart, dans le plus gros groupe, ils me connaissent, d’autres peut-être un peu moins. Avec ceux qui font du haut niveau, j’ai envie de leur dire et de leur faire savoir vraiment pourquoi et dans quoi ils s’engagent. C’est-à-dire que s’ils sont vraiment prêts, parce qu’il y aura toujours des surprises, et qu’il faut être prêt à tout quand on rentre dans une structure comme ça. Il faut être conscient des sacrifices que cela peut amener. Il y a énormément de choses qui sont différentes dans une vie de sportif de haut niveau que dans une vie, entre guillemets, de cursus normale. Que ce soit par rapport aux cours, à la famille, ou aux vacances. J’ai envie de leur inculquer un peu ce que c’est, pour qu’il n’y ait pas de surprise et pour qu’ils soient prêts à toutes les éventualités.
C’est en fin de compte montrer aux nageurs ce qu’est l’exigence du haut niveau.
Oui, c’est leur montrer ce que c’est l’exigence. On en voit beaucoup, j’ai vu ça dans d’autres clubs… On voit tout de suite qu’ils sont là, peut-être parce qu’on les a obligés à être là, peut-être parce qu’ils n’ont pas eu trop le choix. Du coup, ça pète au bout de quelques mois parce qu’ils n’étaient psychologiquement pas prêts à ça.
Ce qu’il se passe en dehors de l’eau est tout aussi important que ce qu’il se passe dans les bassins.
Exactement, tout ce qu’il y a là-haut (dit-il en pointant du doigt sa tête) est important, ce n’est pas que le physique. En soi, tout le monde pourrait nager autant que nous, les sportifs de notre niveau, c’est-à-dire, nager entre 60 et 70 bornes par semaine. Il y en a beaucoup qui le font. On a souvent des groupes de 10-12 nageurs par club, pourtant, il n’y en a pas beaucoup qui sortent du lot. Et qu’est-ce qui fait la différence ? C’est le mental.
Les conditions de compétition m’ont manqué
Jérémy Stravius, nageur à l’Amiens Métropole Natation
Ce dimanche, vous faites votre retour à la compétition avec l’AMN avec ces interclubs régionaux. Qu’est-ce que cela vous procure ?
Il y a peut-être un petit coup d’adrénaline qui va arriver (rires). J’ai toujours eu le petit côté compétitif, j’ai toujours voulu gagner, faire des compétitions, me challenger. À côté, je fais du padel, et quand je fais des tournois, c’est sûr que je ne le fais pas pour perdre, mais j’ai toujours cette petite niaque qui me dit : « On se met dans des conditions de compétition. » Je vais retrouver ça avec les interclubs, ça m’a manqué. Je vais participer au relais 10 x 50 mètres nage libre et sur le 100 m 4 nages. Ça reste du sprint, donc ça va, ça passera. Au-dessus de 100 mètres, ça aurait été un peu plus compliqué. Ça ne fait qu’un mois que j’ai repris, je n’ai pas encore assez d’entraînement dans les pattes.
Vous parliez de ne pas vous fixer d’objectifs précis, y en a t-il quand même ces interclubs ?
Faire mieux que l’an dernier. Ce sont les mêmes épreuves auxquelles j’ai participé l’an dernier, donc j’aimerais faire mieux. J’ai nagé en 56 secondes sur le 100 mètres 4 nages l’an dernier et en moins de 23 secondes aux 50 mètres lancés. Ce serait bien de refaire les mêmes temps ou un peu mieux. Je ne dis pas que je suis déçu si je fais moins bien, mais il ne faut pas faire la minute non plus (rires).
Quel regard avez-vous sur la génération de nageurs tricolores qui vient notamment de performer aux Jeux de Paris cet été ?
L’équipe de France a été top, surtout au niveau des garçons, parce qu’ils se sont plus illustrés que chez les femmes. Ça reste un peu compliqué pour elles d’aller chercher des médailles, sauf Anastasia (Kirpichnikova) sur le 1500 mètres. C’était une belle équipe, qui a montré un beau visage, prometteur. Après, on dit ça tous les quatre ans, donc il faut être un peu lucide aussi. Il faut peut-être un petit peu plus, soit donner des conditions, soit les booster un peu plus. C’est souvent ça, à chaque fois, il faut toujours la carotte au bout.
Et sur les nageurs à Amiens ?
Le regard que je porte sur Amiens, c’est comment ça se fait qu’on n’arrive pas à garder nos nageurs. On en a eu tellement de nageurs qui sont passés par Amiens, mais on n’arrive jamais à les garder. À un moment donné, ça s’essouffle. Pourtant, on a un club de football en Ligue 2, on a un club de hockey sur glace en Ligue Magnus, pour tout ça, ça va, les gens sont là. Quand on parle de natation, c’est différent. Pendant les Jeux, j’ai rarement vu de la pub ou de la com’ faite sur Mewen Tomac, qui est quand même quatrième, sur Roman Fuchs aussi, sur un relais. On était à chaque fois à peu de choses d’une médaille olympique. Alors oui, s’il y avait eu la médaille, on en aurait parlé après, mais là, le fait qu’on soit passé à très peu de choses, finalement, ça s’éclipse. Aujourd’hui, on était quasi à deux doigts de perdre nos deux meilleurs nageurs. J’espère qu’on va pouvoir rebondir et les aider, parce que sinon, ça va être compliqué. À chaque fois, repartir à zéro, c’est un peu chiant.
Je voudrais garder nos nageurs et retrouver la grandeur qu’on avait avant
Jérémy Stravius, nageur à l’Amiens Métropole Natation
Ce sera aussi votre rôle d’essayer de participer au projet, de conserver ces nageurs…
Moi, je voudrais garder nos nageurs et retrouver la grandeur qu’on avait avant. Donc oui, je veux motiver un petit peu aussi toutes les parties, chercher des partenaires, des sponsors, des fonds, parce qu’on n’a rien sans rien. Les nageurs font 35 heures de sport dans la semaine, ajoutez à cela les cours. Je pense que peu de personnes font ça. Il faudrait qu’on les aide aussi, à un moment donné, quand on est quatrième nageur olympique, il est légitime, je pense, de demander un petit peu plus que d’habitude. Pour l’instant, je pense qu’on n’y est pas encore. Je prends ce petit rôle-là pour démarcher un petit peu des entreprises, faire des mécénats avec la fondation du sport, pour trouver des packs de performances pour les garder. C’est le début, on est sur une saison post olympique, donc c’est plus compliqué parce que beaucoup de personnes ont mis aussi beaucoup d’argent pour et dans les Jeux. Mais ça va le faire, je suis confiant, je retrouve une petite motivation pour les garder et pour redresser la barre.
Sur quels critères ou quels arguments avancer pour convaincre les nageurs de rester à Amiens ?
Il faut se dire qu’on a du potentiel. On a les coachs, les conditions et les infrastructures. Regardez les complexes qu’on a comme le Coliseum. Il n’y a pas beaucoup de villes en France qui ont deux bassins olympiques, plus deux bassins de 25 mètres. Je pense qu’on a des très bonnes conditions, on a su le faire aussi auparavant, il y a eu Céline Cartiaux, Mélanie Henique, moi et il y a eu d’autres nageurs aussi qui sont passés après comme Maxime Grousset, etc… Beaucoup sont partis, et pourquoi ?… Il ne faudrait pas reproduire les mêmes erreurs parce qu’on est un peu trop léger en termes de support.
Propos recueillis par César Willot
Crédit photo : Théo Bégler – Gazettesports.fr