Meilleur buteur d’Amiens, l’attaquant canadien qui fête ses 37 ans le 2 février dépasse toutes les espérances cette saison. Nous avons tenté de percer les secrets de l’un des meilleurs joueurs de la Ligue Magnus.
Vous faites preuve d’une régularité assez exceptionnelle devant le but cette saison, quel est votre secret ?
Je suis dans une bonne passe en ce moment. C’est vrai que les derniers matchs j’ai été constant. Quand j’ai une chance j’en profite, ça fait partie de ma préparation avant les matchs. Je me dis souvent que l’important c’est que je trouve une manière d’apporter de l’offensive. Je me concentre là-dessus et quand ça va bien, souvent ça fait effet boule de neige. Tu ne penses plus trop, tu ne fais qu’agir. C’est là que je suis le plus dangereux, quand je ne pense plus sur la glace. Quand tu réfléchis trop, il est trop tard. En ce moment, la réussite technique est là, mais je suis conscient que si j’arrête de travailler et de faire les efforts ça peut partir très vite dans l’autre sens. J’en veux toujours plus. Nous, les marqueurs de buts, on aime ça marquer, on n’est jamais satisfait. Mon objectif personnellement c’était d’en mettre un peu au-dessus de vingt cette année, j’en ai vingt-et-un, donc mon objectif c’est d’en avoir plus. C’est un bon feeling pour moi de voir le puck rentrer au fond, depuis que je suis jeune c’est ça que j’aime faire.
Si je ne marque pas je ne fais pas mon travail.
Vous êtes de loin le meilleur buteur du club, vous attendiez-vous à être le fer de lance de l’attaque en arrivant cet été à Amiens ?
Je n’y ai pas vraiment pensé, c’est sûr que je voulais être décisif devant le but parce que je suis un buteur. Si je ne marque pas je ne fais pas mon travail. Le hockey c’est un sport où on a tous notre rôle. Il y a d’autres têtes d’affiche dans l’équipe qui font d’autres choses qui ne paraissent pas. Empêcher un but de rentrer, c’est une aptitude aussi. Certains le font et si tu y arrives ça revient au même que si tu en marquais un. Je savais que j’allais marquer plus de buts que Nicolas Leclerc (photo ci-contre), mais il empêche deux à trois buts par match. On en parle jamais parce que ce sont des choses qui ne paraissent pas. Le jeu continue, les gens réagissent un peu, mais il n’y a pas les lumières qui s’éteignent et la musique qui part. C’est un travail plus ingrat, mais je le vois et je suis conscient que c’est tout aussi important. Il faut donner du crédit à ces gars-là.
Si on rentre dans la technique, pouvez-vous nous parler de votre shoot ?
Il faut être imprévisible. J’ai peut-être trois lancers différents. J’essaye de varier la manière dont je lance le palet pour que le gardien ne sache pas où ça part. Des fois je peux taper le palet, le ramener sur moi, des fois ça va être avec le bout de mon bâton ou en slapshot. Il n’y a pas que la puissance, mais aussi la vitesse d’exécution qui rentre en compte. Quand le gardien n’est pas prêt, que tu tires à 60 km/h ou à 100km/h, il n’y a pas vraiment de différence. Tandis que si tu attends, il se place devant toi, il a le temps de s’avancer, que tu tires à 150km/h ou à 120km/h ça ne changera rien.
La vitesse d’exécution est déterminante donc.
C’est quand le gardien se déplace, qu’il n’est pas prêt, que tu arrives à voir un trou et aller de l’autre côté. Il faut faire déjouer les gardiens parce qu’ils sont bons pour cacher leur angle, leur filet. Il faut trouver le moyen de tirer quand ils sont en déplacement. Quand ils sont devant toi, il faut arriver à les faire bouger pour tirer à l’opposé.
Vous entraînez des jeunes du club (U9), que leur dîtes-vous ?
On commence à voir le lancer balayé coup droit. Ce sont des bases. Pour moi dans un lancer balayé, il y a trois choses. Le transfert de poids, où tu amènes le palet de derrière à ta jambe avant. Il y a le fait de se servir du flex de la crosse, au fond ça revient à mettre du poids vers la glace. Si on ne met pas de poids, la crosse fait comme un ressort. Et à la fin c’est d’y aller avec les poignets. Souvent les jeunes ont les poignets barrés, donc ils ne font pas le mouvement. Ces trois trucs combinés font un bon lancer.
Tirer c’est souvent reconnu comme « être égoïste ou perso » mais je ne suis pas d’accord.
Ça c’est pour les U9, mais même pour les pros ça peut servir. Les gars comme Simonsen, les jeunes de l’équipe qui peuvent marquer, je leur dis de prendre leur chance et de ne pas avoir peur de lancer. Tirer c’est souvent reconnu comme « être égoïste ou perso ». Souvent on entend ça, mais je ne suis pas d’accord. On veut marquer pour que l’équipe gagne. C’est un rôle comme un autre. Certains sont là pour passer le palet et il y en a d’autres qui sont meilleurs pour tirer. Souvent quand le joueur passe le palet et que ça ne fonctionne pas on lui demande pourquoi il n’a pas tiré. Quand il tire et qu’il y avait quelqu’un de l’autre côté, on lui demande pourquoi il n’a pas fait la passe.
Il faut arrêter de penser, de se casser la tête, quand on a une chance de tirer il faut y aller et l’autre joueur n’a qu’à prendre le rebond. C’est ma mentalité, mais en France le mot « perso » on l’entend souvent, c’est associé au fait de tirer. On dirait que depuis leur plus jeune âge ils sont seulement habitués à passer le puck et ça ne tire pas au but. On se demande parfois pourquoi il n’y a pas beaucoup de marqueurs de but… Des fois il faut prendre ses responsabilités et tirer. Si on appelle ça être perso, et bien il faut l’être.
Ce n’est pas une mentalité que vous avez connu au Canada ?
Au Canada, les gars pratiquent plus leur lancer. C’est un sport d’équipe. On a tous notre rôle et le but c’est de gagner un match peu importe ce qu’on fait. Il n’y a pas de joueurs perso, pour moi « être personnel » c’est de ne pas revenir dans sa zone, de se laisser traîner, d’être paresseux.
Julien Benesteau
Crédit photo : Kevin Devigne – Gazette Sports