Ce lundi, deux jours avant son entrée au lancer du marteau des championnats d’Europe, l’Amiénois Jean-Baptiste Bruxelle, 20 ans, était en point presse au Club France. Un point presse qui a consisté en un entretien avec notre envoyé spécial sur place, à Munich.
Avec quel objectif es-tu venu sur ces championnats ?
L’objectif premier, c’est de passer en finale. Je pars avec la 21ème perf, donc pas du tout dans les favoris pour accéder à une finale. Et je me dis qu’y aller, ce serait montrer que même si on est plus loin dans les bilans, sur une compétition, c’est remis à zéro et qu’on peut créer la surprise. Et je suis aussi là pour prendre un maximum d’expérience. C’est ma première sélection de cette envergure, ça me permet d’échanger avec des gens qui ont déjà des sélections. Je prends, je suis en pleine leçon.
Tu côtoies pour la première fois en équipe de France les tout meilleurs, comment tu le vis ?
Le premier truc que j’en retiens, c’est qu’il y a beaucoup de personnes très accessibles, c’est positif, puisque même si je ne les connais pas forcément, on peut se parler de tout. Il y en a auquel je peux me référer comme à des piliers. On discute de l’aspect compétition, de tout ce qui se passe actuellement, cela me permet de beaucoup apprendre et de savoir aussi ce qui peut se passer dans la compet. Je pense que, peu importe le résultat que je vais faire, ce sera, en termes d’apprentissage, ma meilleure sélection.
C’est bien d’apprendre aux côtés des meilleurs.
C’est important, justement, d’avoir Quentin Bigot dans ce rôle de pilier sur ta discipline du marteau ?
Oui, après, il y a des piliers dans toutes les disciplines, dans les lancers en général, on a aussi Mélina (Robert-Michon, ndlr). On en a parlé, quand elle était ici en 2002, j’avais un mois, on voit un peu le chemin. Son nombre de sélections est monstrueux, c’est une archive à elle seule. On a des piliers dans les lancers avec Quentin, Alexandra (Tavernier, ndlr) et Mélina. Mais aussi dans d’autres disciplines, des personnes avec pas mal d’expérience et qui sont très accessibles, je pense à Ninon (Chapelle, ndlr), Renelle (Lamotte, ndlr), etc. Ce sont des personnes avec qui on peut échanger. C’est bien d’apprendre aux côtés des meilleurs.
Ce doit être différent d’arriver très outsider alors que tu faisais partie des favoris lors de tes dernières compétitions, comment on ressent de revoir ses objectifs à la baisse ?
Pour moi, je ne les revois pas à la baisse, c’est une évolution. Je me remémore les discussions quand j’avais 8 ans, que j’ai commencé le marteau, avec mon coach, on parlait de ce genre de sélection. Et là, on voit le chemin parcouru. Pour moi, il ne s’agit pas de revoir à la baisse, c’est là que le vrai niveau se donne, c’est sur cette compet qu’on atteint le niveau maximum. C’est maintenant que je vais pouvoir me classer et déterminer si, dans le futur, je serai un favori ou un outsider.
La position d’outsider, je l’aime bien. Parce que tu pars du principe que tu es là pour t’éclater, tu n’as rien à perdre, tu es là pour créer la surprise. Donc tu n’as pas tout le côté pression, où tu as un statut à tenir.
Après, la position d’outsider, je l’aime bien. C’était le cas au FOJE, je partais avec la 7ème ou 8ème perf et au final je fais 3ème. Parce que, justement, tu pars du principe que tu es là pour t’éclater, tu n’as rien à perdre, tu es là pour créer la surprise. Donc tu n’as pas tout le côté pression, où tu as un statut à tenir. Donc j’aime bien cette position et j’aborde plutôt sereinement cette compétition et je pense qu’aux vus des entraînements, il y a moyen de faire de belles choses.
Tu n’es pas trop stressé, du coup ?
Pour l’instant, non, on verra une fois au concours. Pour le moment, j’aborde assez sereinement la compétition. Il va y avoir tout le côté avec la chambre d’appel, où ça va être, pas nouveau, mais avec des choses qui vont différer, par exemple le point presse après compétition, je ne sais pas à quoi ça va ressembler, même si j’ai déjà eu des échos sur comment ça se passe. Mais sur la compétition en elle-même, je suis assez serein. De toute façon, je me dis qu’il faut que j’y aille, je n’ai pas le choix. Et la forme du moment fait que je me dis que je peux créer la surprise.
Le fait d’avoir côtoyé les champions qui seront à tes côtés lors de cette compétition lors de meetings durant l’année, ça facilite aussi la façon d’appréhender ces championnats ?
C’est sûr. Là, je vais me retrouver avec la crème des lanceurs. Et à la fois, je me mets dans la tête que j’ai beau être outsider, si je suis ici, c’est que j’ai mérité ma place et que, certes, cette année, je ne vais peut-être pas être un concurrent direct, mais dans les prochaines années, ça sera l’objectif. L’objectif Paris 2024, c’est de pouvoir réussir à être le meilleur, le plus performant là-bas. Franchement, je sais que les compétitions que j’ai connu m’ont appris beaucoup de choses quant à la gestion des plateaux, de la concurrence. C’est comme si on sentait qu’on a suffisamment appris ses leçons et qu’on est prêt pour le contrôle. Là, pour moi, c’est exactement la même chose.
C’est comme si on sentait qu’on a suffisamment appris ses leçons et qu’on est prêt pour le contrôle. Là, pour moi, c’est exactement la même chose.
Physiquement, je vais bien, techniquement, je sais que je peux faire de belles choses, et en même temps, je n’appréhende pas tout le côté adversité parce que je me dis que je les ai déjà rencontrés, j’ai déjà essayé énormément de plateaux, j’ai pu voir le plateau, je sais à quoi il ressemble. Je me dis que j’ai toutes les armes pour faire quelque chose. Après, ça passe ou ça ne passe pas, seule la compétition nous le dira. Mais je l’aborde sereinement, ce n’est pas comme si j’avais un manque quelque part et que je stressais par rapport à ça.
Ce qui va changer, c’est le contexte, également ?
Clairement. Après, ça passe aussi par le fait de parler avec ceux qui ont plus d’expérience. Ça permet de prendre conscience de certaines choses. Ça a été une année fantastique, je n’ai jamais fait une aussi bonne saison. Derrière, je vais m’aligner sur les championnats méditerranéens, donc j’aurais 4 sélections cette année, un truc fantastique !
Et derrière, aussi, sur le point de vue professionnel, il y a plein de choses qui se mettent en place, je sais que cette année est formidable mais que l’année prochaine et celle qui suit le seront encore plus. En fait, je suis dans une forme d’insouciance de la jeunesse. Je prenais déjà énormément de plaisir à faire ma passion, mais maintenant, ça va devenir mon métier, c’est ça qui donne le petit coup de peps en plus. Ça me permet de me dire que peu importe ce qu’il se passe, ça devrait bientôt devenir « monnaie courante ». J’ai juste hâte de lancer, de me mesurer aux plus grands et de me dire : « ma place actuelle, c’est ça. »
Tu ne t’entraînes qu’avec les coachs de l’équipe de France ou le tien est-il là ?
Il y a des coachs qui ont été invités selon le niveau, et ensuite, mon coach perso est venu, c’est moi qui lui ai payé son billet pour qu’il vienne. Et la Fédé lui achète une accréditation pour venir coacher sur les séances. Donc mon coach perso sera là avec mon frère qui s’occupe de ma prépa physique. Du coup, c’est quelque chose de bénéfique. C’est pour ça que j’aborde les choses sereinement, on sait ce qu’on a à faire, j’ai confiance en eux, je sais que ça va tourner.
Tu passes de favori il y a un an à « tu es personne et tu as tout à prouver » l’année d’après. C’est ça qui est bien, cela veut dire que tu n’as jamais la sensation de tourner en rond, tu dois toujours faire mieux.
Tu restes en terrain connu en termes de travail…
C’est ça, c’est comme si je préparais les championnats à Tallinn ou au Kenya. Mais juste en me disant dans ma tête que c’est une sélection encore plus grande, qu’il y a des gens encore plus forts. Tu passes de favori il y a un an à « tu es personne et tu as tout à prouver » l’année d’après. C’est ça qui est bien, cela veut dire que tu n’as jamais la sensation de tourner en rond, tu dois toujours faire mieux. Je me suis dépassé à 200% cette saison, j’ai fait des performances que personne n’a faites en espoir 1 au marteau en France. Et je me dis que ce n’est pas fini. Et j’espère que, bientôt, je retrouverai ce statut de favori, et que cette fois-ci je conclurai. Quand je serai champion du monde, champion olympique et champion d’Europe, il sera temps de se chercher de nouveaux défis (sourire).
Pour résumer, l’équipe de France seniors, ce n’est pas intimidant ?
Alors, selon les athlètes, ça peut être intimidant. Mais pour moi, non, ça ne l’est pas, ça a été ma motivation de toute la saison, c’était l’objectif, de se qualifier aux championnats d’Europe et de se mesurer aux plus grands. Il n’y a pas la place pour se dire « je me mets la pression » ou « je dois être impressionné ». Je dois prouver, je dois m’amuser et je dois faire ce que je sais faire parce que je me suis entraîné toute la saison d’arrache-pied pour cette sélection.
J’ai la formule magique à Amiens, tout est bien, le cadre est bien pour s’entraîner, j’ai ma famille, mon coach, je n’ai aucune raison d’aller chercher ailleurs.
Cela fait une étape de plus de passée, et côté entraînement, toujours à l’AUC l’année à venir ?
Oui, je reste à Amiens l’année prochaine. Justement, je vais passer à deux entraînements par jour, je vais augmenter ma charge d’entraînement, j’arrête mes études. J’ai réussi à valider mon DUT à l’IUT d’Amiens. Grâce à eux, j’ai eu deux années avec des horaires aménagés, mais à deux ans des Jeux, c’est le moment où il faut faire un choix. Et je sais que ça roule, j’ai confiance en mon coach, je sais qu’il a les capacités pour m’emmener loin, il l’a toujours fait. Je sais très bien que si je respecte le programme et que je m’entraîne d’arrache-pied, il n’y a aucune raison que ça se passe mal. J’ai la formule magique à Amiens, tout est bien, le cadre est bien pour s’entraîner, j’ai ma famille, mon coach, je n’ai aucune raison d’aller chercher ailleurs.
Propos recueillis par notre envoyé spécial à Munich, Morgan Chaumier
Crédit photo : Kevin Devigne (archives) – Gazette Sports