Nouvel entraîneur de l’ESC Longueau, Christophe Huck revient pour nous sur sa nomination et évoque le défi de la saison à venir en N3.
Pourquoi avoir décidé de rejoindre Longueau ?
C’était quelque chose qui n’était pas du tout dans mes objectifs de par mon profil notamment et mes recherches professionnelles. J’étais plus sur un projet à l’étranger, dont l’échéance a été reculée. Puis, j’ai eu cet appel du président de Longueau (ndlr : René Playe) et la moindre des choses quand quelqu’un s’intéresse à vous et vous donne de l’intérêt, c’est de lui donner du respect et de le rencontrer. J’ai découvert des gens sincères, simples et ça m’a interpellé. On a discuté énormément toute une soirée et ça m’a fait réfléchir. J’ai aussi échangé aussi avec des amis qui ont de l’expérience dans ce milieu et ça m’a fait réfléchir pendant les deux jours que l’on s’était donnés. Le lendemain, le président m’a envoyé un message pour confirmer son intérêt. J’ai eu le sentiment que c’était une expérience qu’il fallait vivre. Maintenant, je ne veux pas qu’on se dise que c’est un plan B. A partir du moment où je donne mon accord, où je m’engage, c’est que je juge le projet et les gens importants. Je suis très heureux d’avoir la possibilité de m’engager dans ce projet et de construire quelque chose avec Longueau.
Vous avez très peu entraîné en seniors et il y a longtemps : c’est quelque chose que vous appréhendez ?
J’ai déjà entraîné des seniors dans le passé, notamment quand j’étais plus jeune et que j’ai arrêté ma carrière de joueur. J’ai entraîné à Marcq-en-Baroeul dans un contexte plus ou moins similaire puisque l’équipe montait à l’époque de PH en DH. La DH de l’époque se situe, selon moi, entre la R1 et la N3 d’aujourd’hui. Je suis arrivé dans un club que je ne connaissais pas au mois de juillet, avec une équipe déjà en place qui restait sur l’euphorie d’une montée. Je suis resté un an là-bas avant de prendre des fonctions de conseiller technique pendant six ans. Ce n’est pas évident d’arriver dans un club où l’on ne connaît pas le contexte, surtout en juillet, on ne peut plus agir sur l’effectif.
C’est un championnat avec une certaine hétérogénéité, où chacun doit faire valoir ses forces.
Il y a aussi des statuts établis, il faut donc arriver à conserver une certaine dynamique positive, tout en y amenant une remise en question, de manière à ce que les joueurs soient interpellés et ne se reposent pas sur leurs lauriers. Il faut aussi qu’ils soient conscients que c’est le passage d’un niveau, même s’il ne faut pas non plus se dire que l’on passe dans un autre monde, car ce n’est pas le cas. La N3 est un championnat aux profils différents, entre les clubs professionnels et les clubs amateurs, que ce soit sur les conditions d’entraînement ou le profil et l’objectif des joueurs. Il y a aussi des différences de moyens parfois très importantes entre les clubs amateurs. C’est un championnat avec une certaine hétérogénéité, où chacun doit faire valoir ses forces. Le contexte ressemble donc un peu à ma dernière expérience seniors à l’issue de laquelle je devais repartir, mais j’avais fait un choix professionnel différent.
Avez-vous eu l’occasion de discuter avec votre prédécesseur, Sébastien Léraillé, avant votre nomination ?
Très honnêtement, j’ai échangé très rapidement avec lui. Quand le président m’a contacté, je n’étais pas du tout dans cette optique, mais j’ai senti et c’est normal, une volonté chez lui d’avoir une réponse rapide pour trouver des solutions. Comme il a priorisé la prise de contact avec moi pour gagner du temps, je lui ai proposé de se voir rapidement pour aller vite à l’essentiel. On s’est vu en compagnie du président, Sébastien et le trésorier du club, pour avancer rapidement. Depuis, je ne l’ai pas eu de nouveau au téléphone pour échanger sur l’effectif. Après, bien sûr que l’entraîneur précédent peut donner son avis, c’est logique. Maintenant il a eu cette histoire avec ce groupe et quand vous avez une relation humaine aussi forte, on a toujours une vision des choses personnelle. Il faut faire attention de ne pas prendre comme quelque chose de factuel des retours d’une histoire commune de cinq ans. Il faut savoir écouter mais aussi prendre du recul, ce n’est pas forcément évident car il faut faire la part des choses. Je ne dis pas ça dans le sens où ce qu’il dit n’est pas vrai ou que c’est une bonne ou mauvaise chose. C’est juste que c’est son histoire et là c’est une nouvelle et quelque part les cartes sont redistribuées.
Quelque part les cartes sont redistribuées.
Après, je ne connais pas les joueurs sur le terrain car je les ai vus jouer deux fois, en tant que spectateur. En effet, j’ai travaillé avec l’un d’eux et je suis venu le voir en ami, on voit donc des choses mais ce n’était pas avec le même œil que quelqu’un qui se dit pourquoi pas prendre un jour cette équipe en main. Je ne connais donc pas les joueurs et ce que j’ai expliqué à la direction, c’est que dans ces cas-là, il ne faut pas jouer à la roulette russe. Si vous êtes là depuis un an et que vous voulez faire des choix dans l’effectif, vous prenez vos décisions et assumez vos responsabilités. Là, quand vous arrivez comme cela, il faut être très à l’écoute dans la mise en place de l’effectif, avec des gens qui sont là depuis plusieurs saisons. Que ce soit la direction ou le staff que je vais rencontrer, qui a une connaissance du groupe et qui va logiquement m’accompagner. Il faut donc se reposer sur ces gens-là et faire attention à ne pas faire des choix trop hâtifs en n’ayant pas tous les éléments. Vous pourriez être tenté de dire : j’arrive et je montre d’entrée que je suis le patron en faisant des choix. Mais ces choix, il faut les faire sur des choses objectives et quand vous ne les avez pas, vous ne faites pas ça, sinon c’est que vous n’êtes pas responsable.
C’est une volonté de votre part de conserver le staff ?
C’est très simple et c’est un peu la même réflexion qu’avec les joueurs. Pourquoi moi en arrivant et sur quels critères je remettrais en cause le travail et la compétence des gens en place et que je ne connais pas ? En plus, ils ont réussi sur le plan sportif puisqu’ils sont tous responsables pour une part de la montée. Si j’avais un staff qui a l’habitude de travailler avec moi, j’aurais pu le faire venir, comme c’est le cas de plus en plus maintenant, car c’est important de travailler avec des gens en qui vous avez confiance. Mais là ce n’est pas le cas. Donc c’est pour moi logique de continuer avec les gens en place et de savoir s’appuyer sur leur vécu avec le groupe et le club. Je vais les rencontrer individuellement et ce sera la même chose pour les joueurs. Je veux les rencontrer individuellement, car ce qui est important au départ, c’est la connaissance de la personne. Alors je ne vais pas les connaître profondément en une ou deux heures, mais c’est un premier contact très important, car on a besoin de savoir qui on a en face de nous. Après, je ne vais pas aller fouiller dans leurs vies privées, ça n’a pas d’intérêt.
Vous connaissez déjà un peu le club, c’est forcément un avantage ?
Mon fils joue au club et je vais parfois le voir mais je suis quelqu’un de très discret et je reste souvent en retrait quand j’y vais, je ne connais donc pas vraiment le club grâce à lui. J’ai été surtout amené à connaître le club quand j’ai eu mes fonctions à l’ASC. J’ai rapidement voulu tisser un lien avec les clubs locaux, grâce à un travail et à une communication commune, où chacun y trouve son intérêt. C’est un club que j’ai vu évoluer ces dernières années. J’ai trouvé que ce club avait évolué dans sa structuration, même s’il y a encore beaucoup de choses à faire, on va dans le bon sens. De ce que j’ai compris, il y a le projet avec la Métropole de vestiaires sur le synthétique qui vont être un vrai plus pour le club. Après, de là à pouvoir concrètement sortir des joueurs pour évoluer en équipe première, cela prend du temps. Quand on est sur un projet de formation, il faut savoir être patient et le plus difficile est de trouver les bonnes personnes. Surtout, il faut réussir à installer cela dans la continuité. Cette montée en N3, avec certains jeunes dans l’effectif, montre que le travail mis en place est bon et va permettre au club de franchir un cap. Il faut maintenant savoir s’en servir pour continuer sur cette lancée.
Ces entretiens sont aussi l’occasion pour vous de connaître les attentes des joueurs ?
Oui, tout à fait. Après, j’ai demandé au président que dans notre situation, l’intérêt était de recevoir les joueurs qui veulent rester. Je n’ai pas forcément intérêt à voir les joueurs qui souhaitent partir ou que le club ne veut pas conserver. On veut échanger avec les joueurs qui veulent repartir sur ce projet. Je vais essayer de savoir ce qu’ils attendent mais aussi savoir ce qu’ils sont à l’extérieur. Car il ne faut pas oublier que l’on a à faire à des joueurs qui travaillent à côté. C’est une donnée importante qu’il faut connaître pour adapter les séances et le temps de récupération. C’est des problématiques différentes d’avec une réserve professionnelle qui s’entraîne en journée par exemple. Il faut connaître les contraintes de chacun pour comprendre le joueur et mieux appréhender le groupe, individuellement et collectivement.
Votre nomination n’étant pas prévue et intervenant assez tard, vous allez faire face à un gros défi personnel pour préparer toute la phase de reprise et le début de saison ?
C’est certain que le délai est assez court. Après, quand vous partez dans quelque chose, il faut voir aussi ce qui peut vous amener à grandir, à vous apporter une expérience différente. Cette expérience mettra en perspective les expériences que vous avez eues en amont et elle vont se nouer entre elles. Je n’ai pas l’expérience de la N3 par exemple, mais j’ai d’autres expériences et des hommes, j’en ai déjà gérés en étant bien plus jeune, en plus dans d’autres cadres. Ensuite, j’ai un réseau de gens extrêmement compétents qui sont, pour certains, sur ces niveaux de pratique et sur lesquels je peux m’appuyer. L’expérience est ce que vous avez vécu mais aussi ce que vous prenez chez les autres. Je peux aussi m’appuyer sur le staff. C’est quelque chose qui va bien m’occuper les prochaines semaines et c’est une forme de défi personnel, effectivement.
Vous avez déjà travaillé avec certains joueurs, dont Thomas Kwinta qui est un cadre de l’équipe. Ça peut être un avantage et un relais pour vous ?
Il faut faire attention car Thomas est avant tout un joueur dans l’équipe. C’est un leader de l’équipe qui a une importance dans le groupe mais il ne faut pas l’associer au fait qu’il me connaisse. Sinon les choix que je vais faire par rapport à lui peuvent être remis en question, on peut dire que c’est du favoritisme. Faire cela serait aussi le mettre en difficulté et le fait que j’ai déjà travaillé avec lui fait que je connais déjà la personne. Mais ça n’aura pas d’incidence sur mes choix. Après, forcément il peut me servir de relais car vous avez toujours des joueurs sur qui vous vous appuyez. Je ne vais pas non plus chambouler le fonctionnement de l’équipe et je sais qu’il y a un conseil des sages dans l’effectif avec 4-5 joueurs. Je ne me vois pas le retirer et il n’y a pas intérêt à le faire évoluer. En plus, Thomas sera malheureusement absent pendant plusieurs mois et ne devrait pas revenir avant le mois de janvier car il ne faudra pas anticiper un retour prématuré. C’est une personne de grande qualité que j’apprécie et qui, pour moi, peut devenir un grand entraîneur et formateur. Il en a les compétences. Après, il faudra qu’il puisse avoir et saisir les bonnes opportunités.
Quand vous montez, il faut faire attention à ne pas se tromper sur le mot recrutement.
Allez-vous axer le recrutement sur les jeunes en vous appuyant sur le réseau que vous avez pu créer lors de vos différentes expériences ?
Le réseau, comme dans tout secteur d’entreprise, c’est important. Après, je ne suis pas forcément quelqu’un qui cherche à avoir un réseau. Pour entretenir un réseau, certains sont prêts à certaines choses, pas moi. Mon réseau, c’est avant tout des amis avec qui on a construit des choses à travers des formations, des expériences communes. Je vais me reposer sur ce réseau. Après sur l’effectif il y a une chose essentielle : quand vous montez, il faut faire attention à ne pas se tromper sur le mot recrutement. Dans l’idée des gens, quand un club professionnel fait un recrutement, les supporters évaluent la qualité du projet à ceux qu’ils recrutent. Mais ce qu’il ne faut pas négliger, c’est ceux que l’on a déjà et qui sont les vraies forces vives de votre club. C’est-à-dire que la très grosse majorité du groupe, ces joueurs, cette expérience commune, doivent rester.
Ensuite, il faut arriver à amener du renouvellement et de la compétence supplémentaire dans certains secteurs, pour améliorer le groupe. C’est tout ce dosage qui est compliqué et encore plus là car je ne connais pas le groupe. Et autant j’ai un réseau d’éducateurs à ce niveau, autant je n’ai pas forcément un réseau de joueurs, ni la connaissance des joueurs de ce niveau, au vu de mes activités professionnelles de ces dernières années. Je n’avais pas d’intérêt direct à créer et entretenir un réseau de ce type. C’est aussi pour cela que le staff, qui connaît bien le groupe mais aussi son niveau, va être d’une précieuse aide dans le recrutement. Il ne faut pas faire l’erreur de faire des choix uniquement personnels, alors que je n’ai pas tous les éléments. Il faut être capable d’écouter et de participer à la prise de décision, sans vouloir trop imposer ses choix. Je ne vais pas faire l’erreur de dire : c’est moi qui décide et qui gère tout. Ce serait se mettre en difficulté dès le départ.
De par votre parcours, j’imagine que vous allez être très attentif aux jeunes joueurs ?
Forcément, j’ai une âme de formateur et il faudra que je fasse attention à ça de mon côté. En seniors, vous avez des joueurs de tous âges et on ne s’adresse pas de la même manière à un ado de 15 ans et à un joueur confirmé de 30 ans par exemple. Il faut savoir les aborder différemment et j’ai cette envie d’accompagner et de corriger mais on ne le fait pas de la même manière selon les joueurs. On va travailler en étroite collaboration avec le coach de la réserve et on donnera la chance aux jeunes s’ils le méritent. Il faut faire attention à ne pas non plus les mettre en difficulté. Cette saison, certains ont su saisir leur chance et s’imposer dans le groupe. La réalité de la compétition, c’est que le club passe un cap, celui du terrain. Il faut donc que ce soit propice pour l’équipe et le joueur. On essayera de les amener, s’ils ont le niveau, doucement vers le groupe de l’équipe première. Cela passe aussi par le fait de les incorporer dans le groupe à l’entraînement. Cela leur permet d’apprendre et de progresser même s’ils ne jouent pas en match. Je sais que sur cette fin de saison des jeunes ont été invités à s’entraîner avec le groupe de l’équipe première par Sébastien Léraillé. Et pour en avoir discuté avec eux, cela leur a beaucoup apporté. Donner leurs chances à des jeunes oui, mais pas dans n’importe quelles conditions.
Quel style d’entraîneur êtes-vous et quel jeu aimez-vous mettre en place ?
J’aime, dans le cadre de l’entraînement, l’intensité, des séances organisées qui s’enchaînent rapidement où il y a beaucoup de pratique et d’investissement. J’apporte beaucoup d’intérêt au plaisir que les garçons prennent dans les séances, car la dimension mentale est importante. Je suis assez sensible au joueur individuellement, c’est-à-dire à l’écoute de ce qu’il peut ressentir. Que ce soit une forme de mal-être car il ne trouve pas sa place, n’a pas assez de temps de jeu, etc. Il faut donc être à l’écoute de ça sans être dans la justification permanente. Après, dans le jeu, je suis quelqu’un qui aime la mobilité et que son équipe ait une qualité de jeu et de l’ambition avec une certaine prise de risque. Maintenant, ça il faudra le confronter à la réalité du monde seniors. C’est plus facile d’avoir ces ambitions dans un football de formation, car les enjeux ne sont pas les mêmes. Là, on va vous juger sur vos résultats mais j’espère arriver à ne pas renier mes principes, tout en ayant des résultats. Je ne veux pas que l’on soit une équipe qui subit mais une équipe avec de la mobilité dans le cœur, qui joue avec intelligence. J’espère insuffler et surtout renforcer cet état d’esprit car cette équipe joue au ballon et a de la qualité en elle.
L’objectif, pour la première saison en N3, sera le maintien ?
Oui, ça va de soit. On ne peut pas avoir d’autre objectif et le fait de le dire est tellement évident que le dire ou ne rien dire, c’est pareil. Le club ne peut pas annoncer d’autres objectifs que le maintien et on ne va pas annoncer que l’on joue la relégation (rire) ! Ce qui va compter, c’est ce que l’on va mettre en place et avec quel état d’esprit. Il va falloir aussi se remettre en question, tout en surfant sur la confiance qu’engendre une montée. Le club est légitime, il a gagné sa place et il n’y a pas à se poser de questions. Il faut être alerte et avoir la remise en cause nécessaire. Ce n’est pas parce que tu montes que ça va être facile, bien au contraire. Et j’espère que tout le monde en est conscient. On va devoir trouver le juste équilibre en surfant sur la montée, sans avoir peur. Il ne faut pas tomber dans les extrêmes en étant trop confiant ou, à l’inverse, avoir trop peur et se dire que l’on n’a pas le niveau.
Aurélien Finet
Crédit photo : ASC